La Transphobie
Comité IDAHO Juillet 2014
Karine Espineira et Arnaud Alessandrin
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Agressions transphobes
2003, Jean-Pierre Humblot assassiné à Nancy
2005, Mylène transsexuelle de 38 ans retrouvée morte décapitée à Marseille, émasculée, criblée de coups de couteau
2008-2009, Geovanna agressée à 4 reprises à Paris
2013, Mylène, 40 ans, assassinée à coups de marteau à Limoges le 25 juillet
Les enquêtes précédentes
2009, HES et le MAG lacent une enquête sur les jeunes trans, 90 réponses
2010, enquête financée par l’INSERM (Alain Giani, Emmanuelle Beaubatie et Jonas Le Bail), 381 réponses
2011, Chrysalide (Lyon) met en ligne les résultats d’une enquête sur la santé trans, 187 réponses
2013, Karine Espineira met en ligne une enquête qualitative de 35 entretiens
La mission IDAHO
2010-2013, mission lancée par le comité IDAHO, audition d’associations et collectifs (TXY, ANT, AEC Toulouse, OUTrans, Acceptess T, Act Up) et animateurs trans (Sophie Lichten, Tom Reucher) et réalisation d’un questionnaire, 281 réponses
Historique
1910, Hirschfeld classifie les travestis au même titre que les homosexuels dans un de ses nombreux sexes intermédiaires
1925, Hirschfeld développe l’idée d’un processus (il parle de masochisme, d’illusion de changer de sexe ou encore de conditionnement lié à l’habillement) et donne 7 cas de « caractéristiques physiques intermédiaires »
1953, Harry Benjamin (1885-1986) parle de dissociation entre sexualité mentale et physique, il distingue travestissement et transsexualité (« Dans le travestissement les organes génitaux sont sources de plaisir, dans la transsexualité ils sont source de dégoût ») et définit 3 types de travestis dont le 3ème est nommé transsexuel
1957, le psychanalyste Jean-Marc Alby soutient une thèse sur le transsexualisme mais se prononce contre le changement de sexe
1960, les psychanalystes Lucien Israel et Pierre Geissmann postulent que les « transsexuels sont des homosexuels ayant de fortes composantes obsessionnelles »
1960, ouverture des premières Gender Clinics aux USA
1967, ouverture des premières Gender Clinics en Grande Bretagne
1973, l’Association américaine de psychiatrie décide de retirer l’homosexualité des classifications psychiatriques (DSM), ouvrant la voie à la psychiatrisation de la « transsexualité »
1978, constitution du 1er protocole français
1979, 1ère opération d’une transsexuelle en France par le Pr Banzet
1980, l’Ordre des médecins préconise un protocole de soins impliquant 3 médecins experts, psychiatre, endocrinologue et chirurgien ; ces équipes pluridisciplinaires se mettent en place à Paris, Lyon, Marseille, Bordeaux et Toulouse
1980, le DSM III introduit la notion de transsexualisme, ce qui l’endigue dans des protocoles psychiatriques
1982, la conférence de l’Académie nationale de médecine donne naissance à un 1er consensus sur la définition des protocoles, proposé par le Pr René Küss
1982, la proposition de loi su sénateur Henri Caillavet veut autoriser « les traitements médico-chirurgicaux pour les anormalités de la transsexualité et à reconnaitre le changement d’état-civil des transsexuels »
1987, l’émission d’Armand Jammot Les dossiers de l’écran s’intitule D’un sexe à l’autre, elle ou lui ? (avec Jacqueline-Charlotte Dufesnoy dite Coccinelle, Maud Marin, Sylviane Dullak, Claude Montel)
1989, les protocoles – plus ou moins restrictifs selon les villes – sont reconnus par la Sécurité sociale et les tribunaux (mais ils sont largement débordés dans la pratique des jeunes trans)
2009, l’association américaine de psychiatrie modifie la nomenclature de classement de la transsexualité (DSM), la « dysphorie de genre » /« non congruence de genre »
2010, dépsychiatrisation des affections longue durée liées au transsexualisme en France, les trans sont pris en charge partiellement
2012, en Argentine adoption d’une loi en faveur de la reconnaissance de l’identité de genre
2014, au Danemark adoption d’une loi en faveur de la reconnaissance de l’identité de genre
Le mouvement trans
1965, création de l’AMAHO (association des malades hormonaux) animée par Marie-André Schwindenhammer
Années 1970, le FHAR et les Gazolines promeuvent le droit de chacun à composer soi-même sa propre identité de genre
1976, au CCL (centre du Christ libérateur) un groupe se forme sur les questions trans en particulier avec Tom Reucher et Armand Hotimsky
1981, création de l’AMEFAT (association médicale française d’aide aux transsexuels) fondée par Marie-Ange Grenier à Saint-Etienne
Années 1990, création de plusieurs associations à Paris (PASTT 1993, ASB 1994, Caritig 1995), à Marseille (AAT 1992)
1995, lancement de la marche Existrans qui regroupe pour la 1ère fois un millier de personnes
1996-1998, l’association Zoo pose politiquement la question de l’identité
1997-2001, marches des transsexuel/les et de ceux qui les soutiennent
1997, constitution des réseaux inter-associatifs Resistrans et Collectif Existrans (avec Tom Reucher, Christelle Juchault, Maud-Yeuse Thomas ou Vincent Avrons)
Années 2000, explosion associative (STS, GAT, SC-ODT, Gest, Trans-Act, Mutatis Mutandis, C’est pas mon genre, Tran Aide – ANT, Gest, Chrysalide, OUTrans, etc.)
2005, Camille ne peut épouser Monica, juridiquement un homme, la cour d’appel de Versailles rejette le 8 juillet car « l’intention matrimoniale alléguée n’est pas conforme à celle qu’induit l’institution matrimoniale en l’état du droit »
2006, la diffusion de Myriam et les garçons sur TF6 provoque un mouvement de contestation des associations et collectifs trans (diffusé en 2004 en Grande Bretagne où les candidats ont assigné la chaîne en justice car ils n’étaient pas informés que Myriam, jeune transsexuelle mexicaine, que certains d’entre eux avaient embrassé, était en fait un « homme »)
2006, le collectif Existrans écrit au président du CSA pour s’insurger contre la représentation des trans à la télévision
2006, la commission trans d’Act Up-Paris communique le 5 mai : « Les trans restent le groupe dont l’identité peut être bafouée en toute impunité » ; et l’association ACTHE (Paris) rédige une charte de bonne conduite envers les personnes trans « parce qu’avant d’être des patients, des sujets, des usagers, des fantasmes, des stéréotypes, des préjugés, nous sommes avant tout des être humains, des personnes, des individu-e-s avec chacun-e son libre arbitre »
2009, Karine Espineira réalise une enquête qualitative sur la réception des représentations trans dans les médias par les personnes trans
2011, Stéphanie Nicot épouse Elise, toujours un homme pour l’état-civil
2012-2013, les marches Existrans ont chacune un thème : Droit au respect. Respect de nos droits (2002), Trans discriminé(e)s. Trans assassiné(e)s (2003), Psychiatrisation des trans-Transphobie (2004), Sida, Trans oublié(e)s -Trans contaminéEs (2005), Contre la psychiatrisation Résistrans (2006), 2007 : QuelLE CandidatE pour la cause Trans ?, Ni homme, ni femme, le binarisme nous rend malade (2008), Bachelot, encore du boulot avec et pour les Trans et les IntersexuéEs (2009), L’identité de genre nous appartient, notre liberté de choix ne se négocie pas ! (2010), Transphobie d’Etat : pathologisation, stérilisation, précarisation, expulsion (2011), Des papiers, si je veux, quand je veux (2012), Trans, intersexes : une loi, des droits ! (2013)
2013, en Grande Bretagne, Lucy Meadows, enseignante, harcelée en raison de sa transidentité met fin à ses jours le 19 mars, le scandale est tel que les médias manifestent la volonté de travailler avec le monde associatif ; quelques mois auparavant le rapport de Lord Leveson, président de la commission indépendante chargée de faire la lumière sur les pratiques des médias préconisait des changements
2013, le collectif Existrans formule ses revendications en 13 points concernant : le libre changement d’état-civil, le libre choix du parcours médicale démantèlement des équipes-protocoles hospitaliers, le financement de campagnes de sensibilisation, la formation et la sensibilisation des personnels en contact avec les personnes trans, des mesures d’accès au monde du travail, la recherche et la communication sur la santé, l’abrogation des lois contre le travail du sexe, le respect de l’identité de gente en prison, la prise en compte des trans et intersexes sans-papiers lors des demandes de régularisation, un charte de contre la transphobie dans les médias, l’arrêt immédiat des opérations de mutilation sur les enfants intersexes, l’accompagnement des enfants et adolescents dans leur autodétermination
Droits de l’homme et transphobie
1992, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) condamne la France le 25 mars car elle exige « une révélation constante de son sexe officiel » à l’encontre du « respect de la vie privée »
Septembre 2008, la Halde rappelle à l’employeur « les dispositions relatives au principe de non-discrimination »
2009, le commissaire aux Droits de l’Homme, Thomas Hammarberg, préconise des politiques en rupture avec les pratiques juridiques françaises
2010, la directive du Parlement européen du 10 mars attire l’attention des Etats membres sur les communications commerciales audiovisuelles qui « portent atteinte à la dignité humaine »
Juillet 2012, le CNCDH recommande que l’identité de genre, reconnu par le droit international, remplace la notion d’identité sexuelle reconnu en juillet 2012 par la loi française comme motif de discrimination
La transphobie vécue par les 281 répondants à l’enquête IDAHO
8 répondants sur 10 disent avoir été victimes de transphobie (insultes et discriminations en particulier) au cours de leur vie
La transphobie se manifeste d’abord dans la rue, mais aussi au travail, sur internet et en famille
60% ont répondu avoir observé des situations de transphobie à l’égard d’un tiers ; 56% disent avoir été témoins d’un acte ou d’un propos transphobes dans la rue
68,66% des répondants disent avoir perdu des amis du fait de leur transidentité et 41,79% ont connu une rupture de relation avec un ou des membres de leurs familles
Suite à ces actes transphobes 58,34% des répondants disent avoir fait une dépression, et 18,31% disent avoir fait une tentative de suicide
L’autocensure prend une place importante : 24,39% des sondés déclarent s’être limités dans l’accès au logement du fait de leur transidentité, 41,46% dans l’espace de soin et 26% dans l’espace du travail (pour l’accès à la scolarisation ou pour la formation)
Plus de 96% de ceux qui ont subi des comportements transphobes n’ont as porté plainte
86,49% des personnes sondées déclarent avoir trouvé un soutien, en particulier de la part d’ami.e.s (à 86,73%), peu de la part de leurs familles (36,71%), encore mois de la part de médecins (16,31%) et pratiquement pas ailleurs (travail, assistants sociaux, officiers de police, justice)
65% ont subi des propos ou des actes transphobes sont venus de la part du monde médical