Jean-Denis Seince

 

 Jean-Denis SEINCE

1945-2025

27 janvier 2025 : décès de Jean-Denis Seince, 80 ans.

Il est depuis de nombreuses années membre du bureau de l’Ardhis (Association pour la défense des droits des personnes LGBTQI+ à l’immigration et au séjour) et depuis 2002, coordinateur des actions du pôle couples. Il vit en couple pacsé avec le camerounais Marco

La crémation a eu lieu le vendredi 7 février 2025 au cimetière du Père Lachaise à Paris, tout près de là où il habite.

Issu d’une famille de grande culture et de bonne bourgeoisie

Une modestie, une gentillesse, un accueil de tous et de chacun.

Une intelligence qui aide l’autre à cheminer et jamais ne s’impose

Il est passé par le prestigieux lycée Henri IV, il termine avec en bac A’, scientifique et littéraire

Il devient ingénieur et son bagage littéraire lui permet d’atteindre de hauts postes dans les entreprises

Il adore sa mère, ses rapports avec son père sont plus délicats, il ne supporte pas la façon dont son père traite sa mère.

Elle est enseignante. Il ne comprendra pas trop pourquoi les enseignants d’aujourd’hui n’arrivent pas à captiver les élèves autant que les anciens enseignants le faisaient.

Il gardera de bonnes relations avec sa sœur. En revanche son frère acceptera mal son évolution, dans une famille où on est assez libre d’esprit, qu’il soit homosexuel est une chose, mais qu’il vive avec un camerounais en est une autre

Jean Denis est un homme de culture et de grande érudition, il dévore les livres ce qui tombe bien car il dispose d’une magnifique bibliothèque transmise en partie par sa mère, très cultivée. Il a une grande capacité intellectuelle

Lors de ses études secondaires il a appris le grec et le latin, il apprend d’autres langues sur le terrain ou à l’Inalco, suit des cours d’arabe, et veut toujours en savoir plus sur les civilisations, en particulier l’islam

L’historienne de la Rome antique, Florence Dupont une grande amie, ils se sont connus lorsqu’ils avaient 20 ans à l’université, ils ont en partage leur homosexualité, leur passion pour la recherche et échangent sur leurs lectures. Ils ont fait de nombreuses randonnées ensemble, dont une à travers le Luxembourg.

Dans sa famille il rencontrait déjà beaucoup d’intellectuels. Avec Florence Dupont, ils continuent à voir des écrivains, des auteurs, des enseignants et des artistes, comme le dessinateur Copi dont il est très ami, le philosophe René Schérer, le journaliste Michel Cressole (auteur d’Une Folle à sa fenêtre), du philosophe Gilles Chatelet, de Pierre Mistral, conservateur de la cité de Carcassonne, et bien d’autres

Il aime lire, aller voir des expositions, des pièces de théâtre et des films, c’est toujours l’occasion de rencontrer des gens stimulants, il est au fait de la vie culturelle

Professionnellement, il a de grandes responsabilités, dirige des missions, devient tour à tour directeur financier et des ressources humaines. Il travaille un temps à la Cogema (Compagnie générale des matières nucléaires)

Pendant une période il est un peu exilé à Avignon, il y éprouve la solitude

C’est au moins l’occasion de voir de beaux spectacles au festival d’Avignon, ce sont les années Ariane Mnouchkine

Florence Dupont vient y fêter avec lui son agrégation au prestigieux restaurant La Mirande, près du Palais des Papes

Il participe à quelques fêtes comme une soirée antillaise et fait quelques belles randonnées dans les collines gardoises et avignonnaises

Il vit un temps avec Bryan, né au Guyana, marié, dont le fils Jérémy est le filleul de Jean-Denis. Bryan sera présent lors des obsèques de Jean-Denis.

Jean Denis est un homme engagé formé aux idées de Mai 68, son combat politique et celui des combats pour la justice.

Il n’est pas d’un parti, il est d’une cause. Il mettra jusqu’au bout en acte sa solidarité avec les autres et les démunis. Il passe tous son temps à aider et accompagner les autres.

Jean-Denis a accompagné beaucoup de d’amis, malades du sida, proches et moins proches jusqu’au terme de leur vie.

Son désir inassouvi de découvrir des cultures le rend disponible pour des missions lointaines. Il rencontre les habitants et apprend de leur histoire, en même temps qu’il découvre des amants. Il a ainsi vécu dans de nombreux pays, avec un long séjour en Egypte pour commencer, puis en Côte d’Ivoire, au Gabon, en Guyana, au Cameroun…

Il affirme son homosexualité simplement, parce qu’il en est ainsi.

Il travaille ce sujet comme d’autres en même temps qu’il s’était engagé dans cette cause avec Guy Hocquenghem et René Scherer, ce sont pour lui des partenaires de discussion essentiels, il rencontre Hélène Hazera, puis il connaitra plusieurs membres de l’équipe de rédaction de Gai Pied comme Roland Surzur

Il est un homme entier le fait d’être homosexuel ne peut en rien empêcher son combat pour la justice. Il en fait même à tout moment la synthèse.

Il est même évident pour lui que l’homosexualité est un bon moyen de traverser les classes, de franchir les barrières

Le Cameroun devient naturellement un sujet de préoccupation lorsqu’il fait la connaissance de Marco le Bamiléké. Comme toujours lorsqu’il aborde un sujet il l’étudie à fond. Il découvre la révolte des camerounais contrer le colonisateur à la fin des années 1950, avec l’UPC (Union des populations camerounaises) puis contre le colonisateur français puis contre président néocolonial Ahidjo lors de l’indépendance en 1962. Les massacres sont considérables, les Bamilékés avec plusieurs de leurs leaders influents dans des territoires de montagne sont parmi les premières cibles.

Coïncidence c’est à l’heure de sa mort qu’est révélée l’ampleurs des massacres commis pendant cette période grâce à une commission d’historien franco-camerounais.

A partir du moment où il connait Marco il l’aide à construire la maison de sa famille, et peu à peu à développer des services dans son village. Il considère vite que l’Afrique mérite davantage son attention, à travers tout ce qu’il peut faire pour Marco.

Il adore Etretat et l’appartement que sa mère y a acheté, avec sa vue sur la mer et ses rayonnages de bibliothèque fabuleux

L’Ardhis perd un grand militant Jean-Denis avait adhéré à l’Ardhis en 2002. Actif au pôle Asile, à la création duquel il avait participé, comme au pôle Couples, où il a formé de nombreux-ses bénévoles, il a contribué par ses fonctions au bureau à faire de l’association ce qu’elle est aujourd’hui, devenu très expérimenté, il est écouté

Durant toutes ses années d’engagement, Jean-Denis a concilié expertise au service désintéressé des personnes accompagnées par l’Ardhis et militantisme politique pour faire avancer leurs droits. Exigeant, il savait être généreux de son savoir et de son expérience et accueillir au sein de l’association de nouvelles énergies militantes.

L’Ardhis ouverte aux échanges interculturels par la force des choses, belle machine à créer du lien tout en résolvant des situations difficiles, voire inextricables, une ingénierie juridique et diplomatique

L’Ardhis rendra hommage à ce militant qui lui a tant donné.

Des soucis de santé l’’ont éloigné de l’association ces dernières années, mais il en restait la mémoire.

Lorsqu’il atteint l’âge de 65-70 ans, il a peu à peu des alertes de santé. Lors d’une randonnée dans les calanques de Marseille, il dérape il sent que ses jambes ne le soutiennent plus comme avant, du côté d’Orgon au sud d’Avignon il fait une chute. Il est opéré de la hanche. Revenu à Paris, il a lors de la visite d’une exposition au Louvre il est pris d’une sérieuse indisposition. Il découvre que désormais son corps ne suit plus comme auparavant

Mais il reste quand même toujours en éveil, pour les livres et la vie culturelle, pour a lectures, pour des démarches officielles ou des services pour des couples et des migrants venus solliciter l’Ardhis et pour les bénévoles de l’association

Et il devient de plus en plus handicapé et marche difficilement. Constatant sa déchéance, un jour où il va s’occuper de vendre l’appartement d’Etretat et de vider son contenu. En haut des falaises d’Etretat qu’il aime tant, il avouera que là où se sont passés plusieurs suicides, il a eu la tentation de se lancer dans le vide.

Marco est là, il lui rend tous les services nécessaires.

Le 24 novembre 2024 il tombe et à partir de là tout s’enchaine de façon dramatique, il souffre, il finit par délirer

Marco ne peut plus suffire pour l’aider, il faut le transporter à la clinique

Ses obsèques sont un grand moment, une magnifique synthèse de sa vie. Même si l’âge et les distances aidant, beaucoup de ses relations n’ont pas pu être présents

Sa nièce Anne, devenue proviseure de lycée, Marco son ami camerounais pacsé depuis 10 ans, beaucoup d’africains, camerounais bien sûr, gabonais, ougandais, etc. venus à l’Ardhis, de grands militants de l’Ardhis, mais aussi le journaliste Christophe Martet, Florence Dupont et de nombreux autres amis

 

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Un exemple de son implication :

16/05/2016

A l’occasion de la journée mondiale de lutte contre l’homophobie et la transphobie, le ministère des affaires étrangères et du développement international accueillera le 17 mai au Quai d’Orsay un débat sur le thème « Comment promouvoir l’égalité des droits ? », en présence d’associations et de militants de défense des droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes (LGBTI).

Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international, qui sera en déplacement en Chine, s’adressera aux participants par un message vidéo. Le débat, ouvert au public, sera animé par le journaliste Olivier Ravanello.

La France rappelle que l’égalité en dignité et en droits doit être respectée pour tous, quelle que soit l’orientation sexuelle ou l’identité de genre. Ce combat est une priorité de notre diplomatie des droits de l’Homme.

La France est active pour défendre les droits des personnes LGBTI, qui sont encore victimes de violences, discriminations et violations de leurs droits fondamentaux. Dans plus de 70 pays, les relations homosexuelles sont ainsi considérées comme des délits ou des crimes, passibles de peines de prison, voire de la peine de mort.

Programme

A partir de 10h30 : accueil du public à l’Hôtel du Ministre

11h : ouverture

  • Accueil par l’ambassadrice pour les droits de l’Homme, Patrizianna Sparacino-Thiellay ;
  • Message du ministre des Affaires étrangères et du Développement international, Jean-Marc Ayrault.

11h10/12h30 : panel suivi d’échanges avec le public

Olivier Ravanello, journaliste, éditorialiste de politique étrangère à I-Télé et Canal +, assurera la modération du panel auquel participeront :

  • Sophie Aujean, représentante ILGA-Europe ;
  • Geneviève Garrigos, présidente d’Amnesty International France ;
  • Arnaud Gauthier-Fawas, porte-parole aux questions internationales de l’Inter-LGBT ;
  • Frédéric Martel, journaliste, écrivain et essayiste ;
  • Philippe Meunier, ambassadeur chargé de la lutte contre le VIH-Sida et les maladies transmissibles ;
  • Jean-Denis Seince, coordinateur des actions du pôle Couples de l’ARDHIS ;
  • un représentant de l’association SIL.

12h30 : clôture du débat

Clôture par le secrétaire général du Quai d’Orsay, Christian Masset.