Rudolf Brazda (1913- 2011) déporté
Rudolf Brazda, le dernier survivant déporté par les nazis en raison de son homosexualité, s’est éteint mercredi à 98 ans
Il avait cosigné avec Jean-Luc Schwab « Itinéraire d’un Triangle rose » retraçant ses 32 mois en camp de concentration, le travail forcé, la mort omniprésente, les coups, les vexations. Rudolf Brazda est décédé quatre mois après avoir été fait chevalier de la Légion d’honneur.
Article rédigé par France2.fr avec AFP France Télévisions Publié le 04/08/2011 14:33
Rudolf Brazda avait fait partie des quelque 10.000 personnes déportées sous Hitler en raison de leur homosexualité. (FREDERICK FLORIN / AFP)
Il avait cosigné avec Jean-Luc Schwab « Itinéraire d’un Triangle rose » retraçant ses 32 mois en camp de concentration, le travail forcé, la mort omniprésente, les coups, les vexations.
Condamné deux fois par la justice nazie pour « débauche contre nature », Rudolf Brazda est envoyé à Buchenwald en 1942 : là, il fait partie des Triangles roses, ces hommes déportés pour homosexualité. Travaux forcés, humiliations et sévices, mais aussi actes de courage et de solidarité, seront son quotidien jusqu’à la Libération. Tchécoslovaque sur le papier, devenu alsacien et français d’adoption, c’est à 95 ans seulement qu’il décide de s’exprimer publiquement. Il est alors le dernier survivant de ces quelque dix mille détenus en camps de concentration à cause de leur sexualité. Un témoignage unique, qui suit les bouleversements de l’Europe du XXe siècle et qui évoque, sans tabou, enquêtes policières à charge et sexualité dans l’univers concentrationnaire. (Extrait de l’éditeur)
Rudolf Brazda est décédé quatre mois après avoir été fait chevalier de la Légion d’honneur.
Les obsèques de cet homme d’origine tchèque naturalisé français en 1960 se dérouleront lundi à Mulhouse. « Rudolf s’est endormi paisiblement dans son sommeil à l’aube du 3 août, il résidait depuis juin dans un établissement hospitalier pour personnes âgées dépendantes, à Bantzenheim (Haut-Rhin) », a précisé son entourage.
Conformément à son testament, sa dépouille sera incinérée et ses cendres déposées à côté de celles de son compagnon de vie de plus de 50 années, Edouard Mayer, décédé à Mulhouse en 2003″, ont ajouté ses amis.
Rudolf Brazda avait fait partie des quelque 10.000 personnes déportées sous Hitler en raison de leur orientation sexuelle, les nazis considérant l’homosexualité comme un danger pour la perpétuation de la race.
Parcours d’un « Triangle rose »
Il avait été déporté au camp de concentration de Buchenwald où il porta le triangle rose, avant de choisir de vivre en France.
Né en 1913 en Saxe (Allemagne) dans une famille tchèque germanophone, Rudolf prend conscience de son homosexualité comme « une disposition naturelle qu’il accepte comme telle, conscient d’avoir eu la chance d’avoir toujours eu un compagnon à ses côtés », racontait-il.
En 1937, il est condamné à six mois de prison pour « débauche entre hommes », puis expulsé vers la Tchécoslovaquie. Là, après l’annexion des Sudètes par Hitler, il est à nouveau jugé et condamné pour le même type de faits, cette fois à 14 mois de prison.
Cette peine purgée, Rudolf, considéré comme un récidiviste, est interné au camp de concentration de Buchenwald, dans le centre de l’Allemagne. Il survécut à 32 mois d’enfer dans ce camp, grâce à son amitié avec un kapo communiste et à « un peu plus de chance que les autres ».
Invité d’honneur de la « gaypride »
Le drame des « Triangles roses » est resté méconnu jusqu’à ce que, à partir des années 1980, une pièce de théâtre, des livres et des films commencent à évoquer la question. Lorsque, en mai 2008, l’Allemagne inaugure solennellement, au coeur de Berlin, un monument à leur mémoire, les organisateurs expliquent que ce drame ne compte plus aucun témoin vivant.
C’est alors seulement que Rudolf Brazda, qui vit dans l’anonymat depuis 1945 près de Mulhouse, décide de sortir du silence. Un mois plus tard, il est l’invité d’honneur de la « Gaypride » berlinoise. Vêtu d’une chemise rose, il dépose une fleur au pied du nouveau mémorial, en présence du maire de la capitale allemande Klaus Wowereit, gay lui aussi.
« Rudolf Brazda maîtrisait mal la langue française et préférait s’exprimer en allemand », se souvient le président national de l’association Les « Oublié-e-s » de la mémoire, Philippe Couillet.
M. Brazda avait participé à plusieurs interventions dans les établissements scolaires en Alsace et à la pose de plaques commémoratives sur les Triangles roses à Mulhouse et au camp de concentration du Struthof (Bas-Rhin), où avaient été déportés 215 homosexuels.
Le site internet des « Oublié-e-s » de la mémoire a publié un faire-part de décès et ouvert un registre de condoléances. Un hommage national à Rudolf Brazda devrait être organisé en septembre, a précisé M. Couillet.