Conférence-débat du 20 mars 1991
I’Auditorium du Musée d’Histoire (Marseille)
Jean-Pierre MICHEL, député de la Haute-Saône
Association Mémoire des Sexualités
Transcription : Anne Guérin – mise en forme : Pascal Janvier
La PROPOSITION
de LOI sur le PARTENARIAT CIVIL
Les RAISONS d’un ENGAGEMENT MILITANT
Magistrat avant d’être député socialiste de la Haute-Saône, je suis membre de la commission des lois. Commission dont j’ai été le président en 1986. J’ai
présenté, en 1983/1984, un amendement à la loi dite « Roudy » relative à la discrimination sur le sexe. Cet amendement y ajoutait la discrimination en
raison des mœurs en matière de logement, de travail, etc. Ce type de discrimination est désormais interdit, et passible de la loi pénale. Je suis également
l’auteur d’un autre amendement autorisant toute personne qui le désire ajouter à son nom (le nom de son père) celui de sa mère également. Depuis la
dernière législature, je suis vice-président du Groupe de recherche et d’étude sur le sida, présidé par Alain Calmat, ancien ministre. Je suis intervenu dans
différents projets de lois, dont celle présentée par Claude Evin à la dernière session sur la répression des ségrégations et discriminations en raison du
handicap ou de la santé. Projet qui visait particulièrement les personnes atteintes du sida. Cette loi a été votée àla dernière session du Parlement.
On se prépare donc à déposer une proposition de loi sur le partenariat civil à l’Assemblée nationale. Pourquoi une proposition de loi ? Lorsque l’initiative
d’une loi vient du gouvernement, on parle de projet de loi. On peut alors être à peu près sûr qu’il sera voté dans un délai raisonnable. Deuxième
possibilité : les parlementaires (députés ou sénateurs) rédigent un texte qui est déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale. Il faut pour cela qu’un
certain nombre de députés l’aient signé, que le groupe parlementaire auquel appartiennent les auteurs de ce texte soit d’accord, et que ce texte
n’occasionne pas de dépenses nouvelles. Car les députés n’ont pas ce pouvoir. Voila ce qu’est une proposition de loi. Dans 99 % des cas, ce texte est
enterré. Dans un ou deux % des cas, la proposition est discutée et votée. Il faut pour cela que le gouvernement l’accepte, et admette qu’elle soit mise à
l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Il ne faut donc pas désespérer d’une proposition de loi, mais il faut se rendre compte des difficultés.
Une PROPOSITION de LOI
Cette proposition de loi sur le partenariat civil a été formulée sous la pression de groupes qui ont déjà eu sur ce problème un certain
nombre de discussions comme le GPL (Gays Pour les Libertés) ou le groupe HES (Homosexualité et socialisme). Un autre groupe,
Ornicar, composé de juristes, a fait un projet voisin, et saisi les parlementaires. C’est une bonne chose, car les députés ne savent rien
sur rien, et si on veut qu’ils fassent quelque chose, encore faut-il les alimenter de l’extérieur.
Quelques parlementaires s’associent déjà à ma proposition. Nous avons opté pour un texte qui concerne tout le monde, aussi bien les
couples homosexuels que les couples hétérosexuels. On part de la constatation que le mariage traditionnel, napoléonien (pour ce qui
est du droit civil français) est un exemple de l’intervention de l’Etat dans un domaine intime, personnel, afin de faciliter la constitution
de la société à partir d’un cadre familial bien homogène et bien structuré. Il faut dire que ce mariage civil est tout de même en
déshérence. On assiste de plus en plus à un phénomène de cohabitation, soit juvénile, avant le mariage, mais pouvant durer
longtemps (et au cours de laquelle peuvent naître des enfants), soit une cohabitation conjugale qui remplace le mariage, et qu’on
pourrait appeler (mais le terme est affreux) le concubinage notoire. Selon cette forme de cohabitation, les deux personnes se
conduisent à l’égard des tiers comme des conjoints, et sont reconnues comme tels. Il y a une troisième forme : celle de la cohabitation
après dissolution des liens du mariage. C’est le cas lorsqu’une personne divorcée ne se remarie pas, et vit maritalement avec une autre
personne.
Le mariage civil est une hypothèse d’école issue du code Napoléon. Pour l’organiser, on a plaqué une institution civile sur une
institution religieuse. Je suis toujours surpris par les mariages de des gens qui ne veulent pas se marier à l’Eglise mais qui, devant le
maire, viennent échanger des anneaux. C’est la confusion totale, puisque l’anneau est avant tout un signe religieux. Ce mariage-là,
comme celui dit de convenance (sociale) qui a pour but la consolidation du patrimoine, est, disais-je, en déshérence. Petit à petit, ce
sont les sentiments qui ont prévalu sur les convenances et le patrimoine. C’est quelque chose de positif. Si aujourd’hui les gens vivent
ensemble, c’est parce qu’ils le désirent affectivement. Le concubinage est reconnu par la loi lorsqu’il est hétérosexuel. Le droit de la
filiation a été profondément modifié afin de s’adapter à cette situation. On ne parle plus d’enfants « incestueux », « adultérins ». Les
parents non mariés peuvent reconnaître les enfants. La présomption que le mari de la mère est forcement le père de l’enfant est
aujourd’hui facilement levée. Donc, on accepte la situation de concubinage, du moins « notoire ». Le droit de la Sécurité Sociale et le
droit fiscal l’admettent. Les concubins notoires ont pratiquement les mêmes droits que les couples mariés.
POUR un PARTENARIAT HOMOSEXUEL
Par contre le concubinage homosexuel n’est pas reconnu, il est même nié. Il I’a été notamment au printemps dernier, par deux arrêts de la Chambre
sociale de la Cour de Cassation concernant la Sécurité Sociale. Ces arrêts sont réactionnaires, voire dramatiques. Selon l’un de ces arrêts, dans le cas d’une
cohabitation d’homosexuels, I’un des deux ne peut pas bénéficier de la couverture sociale de l’autre. A l’étranger, un pays – le Danemark – a voté, il y a un
an, un texte sur le partenariat civil. C’est un texte qui concerne spécifiquement les homosexuels, en reconnaissant un certain nombre de droits aux
couples homosexuels. Dans le même sens, certaines juridictions nord-américaines se sont montrées moins réactionnaires que la juridiction française,
puisque les Cours suprêmes de San Francisco et de New York ont reconnu ces couples dans certaines circonstances assez limitées. En France, on n’en est
pas là, on n’en est qu’à une proposition de loi. En juin 1990, s’est tenu, dans les locaux de l’Assemblée nationale, un colloque sur ce thème du
partenariat civil. Des intervenants ont débattu notamment de la question de savoir s’il fallait proposer une loi qui concernerait tout le monde, ou
seulement les homosexuels. J’espère qu’à la prochaine session du Parlement, les députés intéressés vont déposer leur proposition de loi qui, elle,
concernera les couples homosexuels (d’hommes ou de femmes) et hétérosexuels. Ceci pour deux raisons.
Une raison de principe : Il ne faut pas enfermer quiconque dans sa propre différence, car cela accentue la ségrégation sociale et les
phénomènes de rejet. Ce qu’on appelle le droit à la différence, et qui a été très en vogue à un certain moment, est finalement contraire
à notre droit républicain, qui prône l’universalité de la loi et sa laïcité. La loi est faite pour tous et s’applique à tous de la même façon,
pas à quelques uns même s’ils ont des cultures ou des pratiques différentes. L’année dernière un débat a eu lieu à propos des foulards
dans les écoles. Devait-on privilégier la différence ou l’universalité de laloi ? J’opte pour le second terme.
Une raison d’ordre pratique : Nous ne sommes pas au Danemark, ni en Suède, ni aux Pays-Bas. Les débats qui ont eu lieu chez
nous sur ce thème ont été très rapides à l’Assemblée nationale, lorsqu’on a voté les amendements sur les mœurs. La société politique –
c’est-à-dire les députés – n’est pas du tout prête à endosser la responsabilité de voter un texte aussi important que celui-la s’il devait
favoriser uniquement les homosexuels. Par contre, il est beaucoup plus facile de le faire signer, par un certain nombre de députés, et
d’avoir l’accord du gouvernement, sur un texte beaucoup plus général, qui intéressera peut-être au premier chef les couples
homosexuels vivant actuellement dans un état de non droit, mais aussi tous les autres couples qui vivent en dehors des règles du
mariage définies par le code civil.
Une LOI, des DISPOSITIONS
On pourrait aussi rentrer dans les détails. Il est en effet intéressant de recueillir les observations que pourraient faire les personnes présentes dans cette
salle sur ce texte qui, après tout, n’est pas encore bouclé. Toute réflexion collective ne peut qu’enrichir la proposition finale, ou les amendements qu’on
pourrait encore lui apporter. Il s’agit en fait d’instituer par la loi un contrat spécial, signé par deux parties et homologué par une autorité d’Etat, en
l’occurrence le maire. Nous verrons qui sont les partenaires d’un tel contrat, quels sont les deux grands domaines à réglementer : d’une part le
patrimoine, et de l’autre les enfants. Des couples homosexuels pourraient très bien, dans ce cadre, adopter un enfant.
Qualité des contractants : D’abord, les deux contractants seraient deux personnes majeures (ou peut-être aussi « émancipées », c’est-
à-dire âgées de 16 à 18 ans, qui ont les mêmes droits que les majeurs). Ces deux personnes pourraient être de même sexe ou de sexes
différents. Elles auraient la nationalité française, ou française et étrangère, ou étrangères toutes les deux (si elles ont le statut de
résidents en France). Elles n’auraient pas l’obligation de résidence commune (ce qui pourrait encore se discuter), ni l’obligation de
fidélité (à la différence du mariage civil). Ensuite, Ce contrat ne pourrait être passé entre deux personnes mariées, ou lorsque l’une
d’elles est mariée, ni lorsqu’un des partenaires (ou les deux) vit (ou vivent) en concubinage notoire avec des tiers, car on ne peut pas
superposer les deux. Il faut envisager l’inscription de ce contrat dans les actes d’état civil.
Nom patronymique : Chacun(e) garde son nom, comme s’il s’agissait du mariage (car dans ce cas, la femme garde son nom de
jeune fille, même si l’usage veut qu’elle adopte celui de son mari) ou bien les contractants peuvent associer leurs noms. Dans ce cas la
déclaration doit être faite au moment où le contrat est enregistré devant le maire.
Fin du partenariat : Cela ne serait pas officialisé par un divorce, mais seulement par la séparation des deux partenaires.
Séparation : Elle peut être décidée par l’un des partenaires seulement, et sera enregistrée à la mairie. On doit envisager dans ce cas la
protection des intérêts de celui des partenaires qui n’a pas demandé la dissolution du contrat.
Patrimoine : Certains aspirants au partenariat qui m’ont consulté ne s’intéressent qu’à cette question. Un exemple : un couple
d’homosexuels masculins s’est séparé après vingt ans de vie commune. L’un avait entre cinquante et soixante ans, I’autre, entre trente
et quarante. Leurs deux situations étaient, alors, totalement différentes, L’un est un professeur d’université connu, I’autre a commencé
comme étudiant et est maintenant un artiste international, très réputé en matière de design. Ils ont acheté ensemble des biens
immobiliers, mais au nom de l’un des deux, celui du professeur qui avait la situation la plus stable et pensait aux affaires plus que
l’autre. L’autre a eu aussi, au cours de ces vingt années passées ensemble, des revenus dont il a fait profiter la communauté. Au
moment de la séparation, celui qui n’avait pas de biens àson nom a protesté, mais l’autre arefusé le partage des biens, disant que tout
était à son nom. Un avocat leur a proposé la solution de l’arbitrage ou du jury d’honneur. Chacune des parties a donc choisi un arbitre,
qu’elle connaissait, j’étais le troisième, inconnu de l’une comme de l’autre. Les parties avaient signé un protocole s’engageant à
respecter notre décision, à ne pas en faire appel. Cette expérience m’a convaincu que la proposition de loi sur le partenariat se devait
de bien préciser le statut du patrimoine commun, et les conditions dans lesquelles il devrait être partagé en cas de séparation.
L’héritage : Question plus compliquée car il peut y avoir divers cas de figure. On considère, pour résumer, que le partenaire devra
avoir une part réservataire, ou encore la totalité de l’héritage si le partenaire décédé n’a aucun descendant ou collatéral, ou s’il n’a pas
fait de testament, ou bien s’il en a fait un en faveur de son partenaire exclusivement.
Droits sociaux : Tous les organismes officiels (Sécurité sociale, mutuelles, ASSEDIC, assurance-vie, allocations familiales, etc.) devront,
au vu du contrat enregistré à la mairie, inscrire les partenaires affiliés à leurs services respectifs, exactement comme s’ils étaient mariés,
comme un couple marié.
Organismes financiers : Pour l’acquisition des biens communs, pour les prêts, on pense que les partenaires devraient bénéficier des
mêmes possibilités que les jeunes mariés, Aussi, les organismes financiers devront considérer les partenaires comme des gens mariés,
et leur accorder la même confiance qu’ils accordent aux conjoints.
Régime fiscal : On pense que les deux partenaires rédigeront deux déclarations séparées, et que l’administration fiscale ne pourra en
aucun cas prélever sur le patrimoine de l’un des partenaires ce qui serait dû par l’autre au titre des redevances fiscales, des impôts.
Mais par une simple déclaration de volonté les partenaires pourraient faire une déclaration commune, comme le font les couples
mariés.
Retraite : Sur ce point, nous avons pensé que les pensions de réversion du partenaire décédé devraient pouvoir être allouées au
survivant, comme dans le cas du mariage.
Santé : Les partenaires civils devraient être informés préalablement de leur état de santé, en respectant (bien évidement) les règles du
secret médical, comme s’il s’agissait d’un mariage classique. Dans le mariage, les examens médicaux sont effectués dans le cadre
d’examens prénuptiaux, mais l’intéressé (le futur marié ou la future mariée) n’a pas l’obligation de transmettre les résultats à l’autre
conjoint. Mais cela peut être discuté.
4/8
Les enfants : Il peut exister des enfants nés avant la signature du contrat de partenariat. Dans ce cas, un seul des parents dispose de
l’autorité parentale. Par contre, si celui des deux partenaires qui a l’autorité parentale veut que son partenaire en bénéficie également,
il doit le préciser dans le contrat, par une clause spéciale qui précisera qu’il y a autorité parentale conjointe. Si des enfants naissent
après la signature du contrat, celui des deux qui déclarera l’enfant et qui est son géniteur aura l’autorité parentale et pourra la partager
avec l’autre partenaire, sur déclaration conjointe, comme c’est le cas en droit commun. En ce qui concerne le nom, I’enfant né après la
signature du contrat pourra porter les deux noms des deux partenaires, lies par un trait d’union. Concernant le congé parental, on
prévoira une clause qui sera valable pour chacun des deux parents. S’il y a dissolution du contrat, de l’union, la garde parentale revient
de droit àcelui qui a déclaré l’enfant et a sur lui l’autorité parentale. Dans les autres cas, il faudra que le juge aux affaires matrimoniales
tranche sur l’autorité parentale, la garde de l’enfant et le droit de visite.
Une LOI, une AVANCEE
Cette pré-proposition de loi est fondée sur l’universalité de la loi qui doit s’appliquer à toutes et à tous, quel qu’il soit. Elle ouvre à certains qui jusqu’à
présent vivaient en marge (homosexuels ou hétérosexuels) une voie légale qui n’existait pas auparavant. Mais, évidemment, elle n’est pas une voie
obligatoire. Elle intéresse les couples homosexuels au premier chef. C’est bien la vocation du droit de dégager ce qui est commun et d’instituer, de
construire, cette espèce de vie à deux, de partage qui est, finalement, le ciment de nos sociétés. Ce texte intéresse et interpelle davantage les couples
homosexuels que les couples hétérosexuels. Pour une raison simple : c’est que les couples hétérosexuels ont la possibilité de se marier, ou, si cela ne leur
plait pas, ils peuvent vivre en concubinage qui leur ouvre un certain nombre de facilités. Un tel texte signifierait un très grand progrès. Le vote d’un tel
texte donnera une nouvelle lecture sociale de l’homosexualité. Pour l’instant le droit ne traite de l’homosexualité que dans le cadre pénal de la faute et
de la sanction. Soit pour la réprimer, soit, dans certains cas, pour la protéger. Par cette loi, on intégrera l’homosexualité dans le droit civil, et donc on
instituera d’autres rapports entre ce groupe social, et l’ensemble des groupes sociaux. On fondra ce groupe social dans l’ensemble de la société, puisque
le même statut sera applicable àtous, à tous les groupes.
Malheureusement, le sida rend encore plus urgent un tel texte pour la communauté homosexuelle qui en est frappée. Parce qu’une telle maladie
concerne nombre d’homosexuels, elle rend absolument nécessaire et même urgente une solidarité institutionnelle, une solidarité reconnue. Or,
actuellement, cette solidarité n’est pas reconnue, elle est même bien souvent repoussée. Elle l’a déjà été par la Cours de Cassation qui a dit qu’en matière
de Sécurité Sociale, I’un des cohabitants homosexuels ne pouvait pas bénéficier des avantages sociaux de l’autre. La solidarité peut être repoussée par la
famille, qui, en cas de maladie d’un membre du couple, refuse de donner des nouvelles du malade à l’autre, fait obstacle à ses visites à l’hôpital. On le
voit encore plus après le décès du malade, lorsque tous les biens communs du couple ne peuvent pas être partagés équitablement entre la famille et
l’amant du décédé. A l’occasion des obsèques, celui qui a partagé de nombreuses années, et notamment les dernières, avec le défunt, se trouve relégué
au dernier rang, alors que paradent au premier rang les membres de la famille qui, eux, n’ont pas apporté grand chose au malade pendant les derniers
instants de sa maladie.
Je termine par un appel au peuple présent dans la salle ce soir. Vous vous rendez compte que ce texte est difficile à élaborer. Pour qu’il soit adopté, il faut
àtout prix exercer des pressions. On trouvera des députés pour déposer la proposition de loi, cela me semble acquis. Mais ensuite une pression plus forte
doit être exercée sur le gouvernement, notamment sur le Ministère de la Justice et sur l’ensemble du groupe majoritaire au Parlement. Cette proposition
de loi émanera du groupe majoritaire, encore faudra-t-il exercer une pression sur ce groupe pour que son président et ses principaux leaders insistent
auprès du gouvernement pour que cette proposition de loi puisse voir le jour. J’espère que le groupe d’Alain Calmat signera cette proposition, ainsi que
le Groupe d’études, qui est multipartite. Mais un tel texte, important, sera difficile à faire voter. Il faut donc que se développe parmi les gens intéressés
une double action : d’une part de réflexion, d’autre part une action de groupe de pression, de lobby, pour qu’à l’Assemblée nationale et au
gouvernement il y ait une volonté politique de faire venir ce texte en discussion et de le faire voter. Ce serait pour notre pays une étape sociale importante
qui serait franchie.
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POUR les HOMOS et les HETEROS
Un auditeur : Il me parait extrêmement important qu’il soit précisé que le régime préconisé concerne aussi bien les hétérosexuels que les
homosexuels. Afin de ne pas tomber dans l’élitisme. Si on ne le mentionnait pas, il y aurait, je crois, une résistance de la part des juges. Il faudrait
préciser, également, que cette nouvelle loi rende caduques les précédentes lois édictées dans ce domaine. Sur la question du droit funéraire, il y a de nos
jours de nombreux problèmes lorsque le concubin, même hétérosexuel, se voit refuser le droit d’inhumer son ou sa partenaire par la famille (sa bellefamille)
qui prétend avoir un droit absolu sur l’ouverture du tombeau familial …..
Jean-Pierre MICHEL : Certains groupes penchent pour la reconnaissance, dans cette loi, du lien homosexuel. Je crois qu’il vaut mieux
prendre le texte le plus général qui soit. Quant à harmoniser les textes, il faudra stipuler dans la loi que les termes du contrat prévalent sur des
dispositions contraires. Mais il faut pour cela avoir la collaboration du ministère de la Justice, c’est évident. En ce qui concerne le droit funéraire, j’ai noté
et je réponds oui.
Un auditeur : Il y a, en matière de sida, un texte aberrant qui classe cette maladie parmi celles qui justifient de mesures sanitaires spéciales, ce
qui, scientifiquement, n’est absolument pas justifié et crée des problèmes énormes ne serait-ce que pour le transport du corps de l’hôpital jusqu’à
l’appartement du défunt. Le ministère de la Santé admet tout à fait que ce texte est une « ratée » de l’année 1986 et qu’il faut absolument le faire
disparaître.
La QUESTION de la RESIDENCE COMMUNE
Une auditrice : Ne croyez vous pas qu’on va heurter nos députés en maintenant la non obligation de résidence commune ?
Jean-Pierre MICHEL : Moi-même j’hésite, et je pencherais plutôt pour l’obligation de résidence commune, qui
n’entrave pas beaucoup la liberté individuelle, et qui passera mieux aux yeux des parlementaires. Et si les partenaires veulent garder
un domicile plus ou moins séparé, personne ne les empêchera de le faire.
Alain Molla : Je suis contre l’obligation de résidence commune, car il ne faudrait pas qu’on se mette à singer toutes les
formes de conjugalité existantes, que ce soit le mariage ou le concubinage (hétérosexuel). Et cette obligation de résidence commune
serait source de contentieux, et irait à l’encontre de la souplesse que suppose le partenariat qui est un contrat de confiance au-delà de
toutes les pressions familiales et morales qui supposent une cohabitation. Je ne suis pas non plus d’accord pour une obligation de
fidélité, parce que ce contrat ne serait alors qu’un mariage bis, ou une forme de concubinage.
Un auditeur : Tout à fait d’accord avec Maître Molla. D’autant plus que, personnellement, j’ai été confronté à une situation
malheureuse vécue par deux amis, décédés maintenant. L’un d’eux avait des biens. Ils ne vivaient pas dans une résidence commune.
Ils ont tout de même vécu 15 ans ensemble, mais dans des appartements séparés. Celui qui est décédé le premier a voulu léguerà son
partenaire une partie de ses biens, sauf que sa famille s’est opposée au testament de façon très sordide, en disant au survivant : « si
vous n’acceptez pas quelques arrangements que nous vous proposons, étant vous-même séropositif, vous serez mort avant de gagner
votre procès ». C’est une situation qui est vécue souvent. Si cette loi sur le partenariat était promulguée, ça n’arriverait pas, et je ne vois
pas en quoi l’obligation de résidence commune apporterait une sécurité supplémentaire. On est actuellement impuissants, face à la
famille, dans les cas de succession.
6/8
Une auditrice : Je ne suis pas du tout d’accord. S’il n’y a pas de résidence commune, on pourrait aussi bien élargir ce contrat à des gens qui
n’auraient aucune passion amoureuse, des ami(e)s, des gens qui s’aiment bien. Ce qui viderait de son sens la notion de partenariat. Et ce texte passerait
mieux si la résidence commune était obligatoire.
Pour les HOMOS et les HETEROS
CHristian Bruschi : Il faudrait montrer aux hétérosexuels l’intérêt pour eux d’un tel partenariat civil, sinon cette proposition de loi
apparaîtra comme destinée surtout aux homosexuels. Second point : je m’interroge sur la nature du partenariat civil. Faut-il prendre comme modèle
l’institution du mariage, ou faut-il rompre avec lui et se lancer hardiment dans la voie contractuelle ? Pourquoi ne pas envisager carrément un acte notarié
plutôt qu’un acte qui serait sanctionné par un officier d’état civil ? Quel est l’état des législations européennes sur ce point ?
Jean-Pierre MICHEL : Ce texte n’est pas encore au point. Un texte existe au Danemark (cf. ci-dessus). Il faudrait en effet signaler l’intérêt du
partenariat pour les hétérosexuels : c’est qu’il s’agit d’un contrat homologue devant le maire donc un peu institutionnalisé. Il y a des gens qui aimeront
cette formule, ce genre de reconnaissance qui n’est pourtant pas celle du mariage. S’agissant, par contre, uniquement des homosexuels, le seul lien
contractuel suffirait à mon avis. Ce serait alors beaucoup plus facile de rédiger un texte de loi qui romprait complètement avec l’institution actuelle, avec
la notion de cohabitation. On reconnaîtrait simplement la possibilité pour deux personnes du même sexe de faire un contrat devant notaire comportant
un certain nombre de droits, de conséquences juridiques. Point final. Dans la mesure où l’on veut faire un texte qui s’applique àtout le monde, comme le
voudraient les parlementaires, cela devient plus difficile. Un texte pour les seuls homosexuels pourrait être générateur de ségrégations nouvelles, et on
aurait beaucoup de mal àle faire voter.
Marie-Martine Mesliere : Dans cette proposition de loi on parle énormément des droits, et pas assez des devoirs,
notamment face aux enfants en cas de dissolution du contrat. Il faut aussi envisager le cas où un homosexuel désirerait un contrat de
partenariat avec une femme, uniquement pour avoir des enfants. Cela arrive. On pourrait, pourquoi pas, envisager un tel « partenariat
sans passion ».
Jean-Pierre MICHEL : Il n’y a pas, en effet, de devoirs, dans cette proposition de loi. C’est moi qui ai introduit, en
l’exposant, la notion de devoir de cohabitation, de domicile commun. Ce serait le seul devoir, avec aussi l’interdiction d’autres
partenaires. Je veux dire que le signataire du contrat ne doit pas être lié par contrat à un autre partenaire.
Un auditeur : Trois garçons, malades du sida, pourraient signer àtrois un tel contrat ?
Jean-Pierre MICHEL : Dans le texte, c’est deux signataires. Ce qui renvoie àla notion traditionnelle de couple…
Christian De Leusse : Ce texte risque de mettre un temps fou à être voté. Les moeurs n’ont jamais avancé que lorsqu’il
y avait des mouvements importants derrière. Mise à part la mobilisation homosexuelle en faveur d’un tel texte, y a-t-il dans le large
milieu hétérosexuel des éléments qui feraient pression ?
Jean-Pierre MICHEL : Il n’y a plus de ces mouvements importants. Mais la discussion de ce texte, même imparfait,
devrait susciter un débat dans d’autres secteurs de la population et dans les medias, dans « Ciel ! mon mardi », « Marie Claire » et « MarieFrance »,
pourquoi ?