Merveilles italiennes décembre 1980
Christian a fait en 1978 son coming out en même temps qu’il est arrivé au GLH de Marseille.
Ce voyage en Italie s’inscrit dans ses toutes premières années de « résurrection » à la vie.
Nardo1 15 décembre 1980
Dieu que c’est difficile de trouver un endroit où écrire dans ce petit village, une table, une chaise… Remarquez, c’est difficile aussi de trouver un endroit où chier. Finalement, je suis revenu à la place où j’étais à midi, avec Claudio pour déjeuner.
En me promenant dans ce village, j’en suis venu à l’idée d’écrire. Pour qui ? Pourquoi ? Je ne sais. Écrire pour occuper le temps, écrire comme un besoin de m’arrêter un peu, de me rassembler sur moi-même. Ecrire parce qu’à un mois et demi de mes 35 ans, je me sens moins dispersé qu’avant, malgré ce qui vient de se passer.,. Malgré ma venue avant-hier soir à Tarente pour trouver Claudio2 qui m’avait déjà oublié… après ces 25 jours de fête passés ensemble au cours de l’été et à cause du silence ou de l’absence des 3 mois d’intervalle.
Écrire parce qu’après avoir visité tant et tant de pays, après avoir marché des heures et des heures dans des villes et des villages d’Afrique, d’Amérique ou d’Europe, je sens le besoin d’un regard qui note et qui s’attarde. J’ai vu trop de choses et de gens, trop mal ou trop vite, ou pas assez, tout a roulé.
Tout ce que je voyais m’évoquait d’autres choses, d’autres paysages, d’autres personnes. Tous mes voyages m’incitent à la comparaison, aux rapprochements ou font surgir les originalités, les différences, la force de chaque pays ou de chaque contrée.
Mais je n’ai jamais voulu écrire, parce que je ne sais pas écrire. Je dis les choses trop mal. Sans doute plus profondément parce que je n’ai rien à dire. Il y a longtemps que je ne pense plus ou trop peu. Il y a longtemps que je ne vis plus intensément les choses, que je me suis dévitalisé.
Est-ce parce que les choses ont un peu changé ces dernières années, ou ces derniers mois. A en croire mes relations avec les gens, elles ont peut-être un peu changé. Mais pas assez pour que je puisse dire que je suis « impressionné » par ces pays que je parcours, ou ces villages que je visite. Je reste un observateur un peu froid.
Pour un peu, il n’y a aucune raison nouvelle que je prenne aujourd’hui la plume. Peut-être le fait que j’ai une ou deux heures à attendre que Claudio sorte de son travail. Peut-être une lassitude devant ma propre attitude d’observateur distant. Peut-être aussi la quête de cette richesse personnelle qu’ont su garder certains de mes amis parce qu’ils s’attardent sur eux-mêmes par l’écriture. Cette écriture à travers laquelle tant d‘autres ont trouvé à communiquer. A travers laquelle tant d’autres ont appris à s’aimer, ont appris à aimer.
Peut-être aussi est-ce parce que je n’ai pas su écrire à Claudio que j’ai « perdu » Claudio.
Parmi mes amis qui savent écrire leur vie et lire la vie des autres à travers leurs écritures, je pense aux deux Antonio, les amis de Claudio, plein de délicatesse et de sensibilité dans leurs lectures et leur désir d’écrire. Je pense aussi à Gogo3 qui est capable d’écrire des chansons éblouissantes de vie et de désir de vivre, d’aimer et de communiquer. Je pense à Ugo4 qui trouve dans ses petits textes longuement ciselés les joies que la vie lui refuse, la confiance en lui que les autres lui donnent si chichement.