Manifesta 13 Marseille, 2020, Intervention de Christian de Leusse

 

Intervention de Christian de Leusse dans le cadre du festival Manifesta 13 Marseille et de l’exposition « No Past = No Future » présentée par Mémoire des sexualités et réalisée par V & Hugues Jourdain
7 octobre 2020


Bonsoir à tous et à toutes, merci beaucoup d’être venu.es. Je ne présente pas Christian de Leusse, qui va nous parler ce soir de la genèse de Mémoire des Sexualités. De nouveau je pense qu’il n’y a pas besoin d’intro, ça va pour tout le monde ? Juste pour reposer le cadre, on est dans cette exposition qui est la septième d’une séquence de huit expositions en tout, qui se font en collaboration avec des associations, des structures marseillaises qui portent une histoire citoyenne un peu différente de celle qu’on a l’habitude d’entendre, et l’idée était de toujours mettre en collaboration ces structures porteuses d’archives et d’une histoire portée par les citoyens de la ville, avec un ou une artiste, pour en faire une exposition et des événements autour de cette exposition, qui permettent de réactiver, de discuter de ces histoires qui sont parfois méconnues. Et donc ce soir on va parler de Mémoire des Sexualités avec Christian de Leusse, qui nous fait l’honneur d’être ici, merci infiniment.

Alors, je me suis permis de coucher sur un papier les choses que je voudrais dire, parce que j’ai trop tendance à parler, après je délaye et cætera… Je commence en disant merci à Manifesta, c’est super sympa de la part de Manifesta de nous avoir mis en évidence comme ça, de nous avoir retenu, de nous avoir découverts. Je ne sais pas par quels biais on a pu être découverts, alors qu’on est quand même très discret. Je remercie aussi beaucoup V et Hugues Jourdain, qui ont trouvé dans les archives de Mémoire des choses qui les ont passionné.es. Et à partir de là ils ont eu envie de faire une expo ici-présente, en particulier à partir de ce qu’ont été les UEEH – on va en reparler tout à l’heure –, ils ont découvert cette pépite-là, et ça les a passionné.es. Donc ça veut dire qu’il y a des pépites dans Mémoire des Sexualités, enfin, au moins il y en a une.
Alors, conserver est une vieille histoire pour moi. Une manie qui a quelquefois des avantages mais pas toujours. Je sentais qu’il se passait quelque chose d’important – peut-être – mais surtout ça me plaisait parce que cela me concernait intimement. Ce qui me concernait, c’était cette homosexualité si chèrement conquise. Atteindre l’âge de 33 ans – j’aimais bien dire que 33 ans c’était l’âge du christ – c’était ma résurrection à moi. J’ai collecté tout ce que je pouvais, cela me semblait précieux. Je faisais pourtant mille autres choses à côté, de ce qui concerne les questions qu’on dit LGBT aujourd’hui mais qu’on disait gaies à cette époque, qui m’absorbaient énormément. En fonction du temps, des périodes, des décennies, c’était le centre social Belsunce, un organisme d’aide à la création d’entreprises pour les jeunes des quartiers, c’était Un Centre Ville Pour Tous – dont un cofondateur est ici présent – c’était ma vie professionnelle active à la région, mais c’était encore d’autres choses, des engagements plus marginaux mais qui quand même me prenaient du temps. Soit des activités ludiques, soit l’implication dans la Ligue des Droits de l’Homme ou dans d’autres choses, bon, bref.
Donc j’étais super investi ailleurs, je ne regardais pas ma fatigue et ma vie affective était forcément limitée. Je me disais que n’ayant pas d’enfant, mes activités y compris LGBT était ma façon à moi d’engendrer. Je me permets une petite anecdote. Pas plus tard qu’hier ou avant-hier, j’ai une sœur qui a un an de moins que moi qui a fait beaucoup d’enfants, et qui s’est permis de me dire – sans doute parce qu’elle a attrapé le covid et que ça lui a donné un temps de réflexion sur sa vie à elle, en tout cas là elle a réfléchi surtout sur ma vie à moi, pour me faire comprendre que j‘étais stérile, et que j’étais dans le péché, et que deux quéquettes ensemble ça pouvait pas marcher, et que un homme et une femme c’était normal que ça se rapproche, et elle pensais que deux hommes c’était absolument impossible…
Mais du coups à cause de tout ça j’avais de plus en plus de choses qui s’accumulaient – en terme de documents que je rassemblais – il fallait un peu les ranger, c’était difficile pour moi car je n’aimais pas prendre le temps pour mettre de l’ordre, j’avais trop d’occupations pour cela et il me fallait au bout d’un moment me rendre à l’évidence et ranger, il me fallait de l’espace, et par chance en vivant à Marseille – et ça j’ai beaucoup vu par rapport à d’autres qui vivaient dans d’autres villes, en particulier parisiens – je pouvais avoir de l’espace, et lorsqu’il a fallu déménager, il fallait transporter tout cela scrupuleusement. En tous cas, c’est la tâche que je me donnais, sans trop savoir, sans toujours savoir pourquoi, mais je sentais qu’il y avait quelque chose. En parallèle est apparue l’idée de mémoire et d’archives homosexuelles. C’est-à-dire que je n’avais pas conscience que moi-même j’étais concerné par ça, c’est des choses qui apparaissaient en parallèle dans d’autres débats ou chez des gens que je rencontrais à ce moment-là. Je ne m’étais pas trop senti concerné par cela, tellement j’étais peu de choses avec ma petite documentation. Quand on a parlé de mémoire, je pensais plutôt à une histoire, recherches historiques, organisation de débats, transmission d’informations, et d’expériences aussi.
A partir de là, il y a eu mon histoire personnelle. Un engagement de tous les instants. Quand le GLH a commencé – Groupe de Libération Homosexuelle – ça a été un grand investissement. Pour moi qui faisais mon coming out en 78-79, je me trouvais dans un grand investissement personnel et je voyais avec ces gens du GLH, que je découvrais, que je rencontrais – je vais pas tout vous raconter – je voyais qu’ils s’investissaient beaucoup, et que surtout collectivement nous étions considérablement investis et passionnés.
Grâce à Romane ici présent, il y a quelques jours j’ai eu entre les mains ça, dont je suis presque persuadé que je ne l’ai pas dans ma documentation. C’est quoi ? C’est le GLH de Marseille dont nous parlons qui a mis en place la maquette d’une affiche et qui a servi pendant toutes ses années d’existence, ou en tous cas ses premières années d’existence, à faire connaître des activités que le GLH organisait. Le gars qui a fait la maquette c’était un copain qui était de formation archi, plutôt influencé par l’art déco, enfin ceux qui connaissent les diverses couleurs de la vie architecturale… Et donc il y avait un espace pour indiquer « le bal machin est à tel endroit à telle heure, la réunion sur ceci cela… «  Merci Romane de m’avoir trouvé ça, ceci dit j’aurais fait quelques recherches j’aurais peut-être trouvé les… Bon, bref. Et merci surtout aujourd’hui encore, on trouve, alors à la fois des jeunes personnes qui sont passionnées, je viens d’en donner l’exemple avec V Jourdain, je donne l’exemple avec Romane, qui découvrent quelque chose… C’est un élément d’histoire ! Bon, bref, c’est la parenthèse.
Plus je m’engageais, plus j’avais l’occasion de collecter. Alors, aujourd’hui je suis à 74 ans. C’est-à-dire 40 ans plus tard, devant toute cette réalité. Enfin, devant une réalité. Face à une documentation importante, et devant l’utilité de la préserver. Cette documentation est pour moi surtout une histoire importante à respecter. Je dirais une histoire fabuleuse. Il y a eu de grands moments, des manifestations, des bals, des débats… Il y avait de grands militants – grands et petits ! – mais nous avions la chance de rencontrer de grands militants ! Et des amis, et amies, qui étaient des pointures, que ces soit à la tête du journal Gai Pied, que ce soit à la tête du journal Lesbia, que ce soit à la tête des grandes associations qui se créaient au niveau national, et des militants que nous étions ici à Marseille, nous avions surement pointure en la personne de Jacques Fortin qui a été notre fondateur, enfin en tous cas il a eu la modestie de ne jamais se situer comme ça, mais nous le situons comme ça, et je pense que c’était notre grand militant, et nous avions tout autour des magnifiques équipes qui s’étaient constituées, enfin, bref, là j’entre un peu dans l’émotion parce que c’était quand même extraordinaire… Nous étions dans de grandes espérances, mais quand je dit nous étions, je dis nous avons été pendant les quarante ans de cette histoire ! Il y a eu le premier temps, et puis il y a eu tous les autres temps ! Et des grands combats ! Et dans les grands combats il y a eu bien sûr celui de 82 – la dépénalisation – mais il y eu le combat de 99 pour le pacs, il y a eu le combat de 2013 pour le mariage, il y a eu tous les combats sur le sida dans lesquels j’étais moins impliqué parce que j’étais moins sur ce sujet là, mais c’était des combats importants, de toute façon là aussi il y a eu de grands militants, à Marseille y compris, etc.
Et il y a eu de grandes épreuves ! De grandes épreuves. Il y a eu des moments difficiles. Parmi ces grandes épreuves, je dirais qu’il y a eu des moments d’effondrement de ce mouvement homosexuel à Marseille. Et mon attitude à moi a été d’être, le plus que j’ai pu, et c’est possible que plein de gens m’observant disent « mais non Christian tu as rien représenter de tout ça ! Ne te fais pas d’illusions, c’est nous, c’est pas toi, et cætera… » évidemment ! Mais, moi le plus que j’ai pu, j’ai soutenu la construction ou la reconstruction. Je pense en particulier à l’effondrement de 87 – disparition du GLH, disparition des universités d’été, effondrement total du mouvement militant à Marseille, mais aussi au niveau national – bon on peut en parler davantage tout à l’heure. Plein d’indices montrent que c’était aussi l’effondrement niveau national. Il a fallu reconstruire un mouvement homosexuel, et c’est comme ça qu’en 90 il y avait des tas de petits noyaux qui existaient mais qui étaient, comment dire, un peu étanches les uns par rapport aux autres, et il fallait essayer de mettre du liant et surtout de convaincre qu’ensemble on serait plus fort, qu’ensemble on pouvait faire quelque chose, et c’est comme ça que s’est constitué le collectif gai et lesbien Marseille Provence, en 90, et ça a duré jusqu’en 94-95, en 95 je dirais que c’est un nouvel effondrement, en ce sens que le milieu associatif avait construit quelque chose et créé la première Gay Pride, et puis on a été dépouillé.es par des gens qui ne voyaient pas du tout cette dimension associative, construite de dedans, qui disaient « Ah ben non il suffit de s’allier avec les commerces, on va se débrouiller etc…” Il a fallu malgré ça en parallèle, ou en essayant à l’intérieur si c’était possible, faire des choses, et là je pense au Salon de l’Homosocialité dont je me suis occupé particulièrement, ou aux cérémonies de la déportation, bon bref, des choses qui fallait essayer de faire en parallèle parce que ça pouvait aussi mobiliser.
Et puis il y a eu un autre grand échec, mais ça il est peut être un peu plus présent dans votre tête, puisque ça a été 2013, l’Europride et le grand échec de l’Europride, et il a fallu là aussi contribuer à ce que ça reparte. En 2014, 2015 , etc, à ce que ça reparte dans le sens du travail collectif ! Parce qu’il n’y avait que ça qui m’intéressait… Le travail collectif, le travail inter-associatif. Et le travail garçon-fille. J’étais pas particulièrement fort pour ça, parce que inévitablement en tant que garçon, en tous cas pendant cette époque, on était pas toujours… Bon. Mais il fallait toujours, et ça a été mon souci je pense, s’assurer que c’était une démarche inter associative inclusive. Voilà. Tout cela, pour dire que l’action était primordiale pour moi, et que en quelque sorte vous le voyez peut-être à travers ce que je viens de dérouler, la documentation, l’archivage n’est pas en premier. Mais en revanche, par surcroît, ça venait là, parce que chacune de ces étapes est pour moi une occasion de rassembler des documents, de collecter des documents, donc je dirais ça venait par surcroît, et des papiers divers qui venaient de divers côtés, que ce soient des affiches, que ce soient des journaux, pour documenter les aléas de la vie associative homosexuelle. Tout cela pour parler de tout ce qui a été rassemblé.
Ce qui m’importe aujourd’hui, c’est que toute cette documentation, j’en ai pratiquement pas parlé, de sa consistance, alors je vais en dire quelques mots. Pour ceux qui l’ont pas vue, mais il me semble que beaucoup d’entre vous l’ont déjà vue, c’est des étagères importantes, avec des tas de cartons, années par années, de tous ces documents que j’ai collecté, et vous l’avez bien compris c’était pas de la collecte, au sen du pillage, de ce que faisaient les autres, c’était de la collecte au sens de rassemblement de ce que je faisais moi aussi avec les autres. Et donc, des quantités de mails échangés, quand les mails ont commencé à arriver évidemment, jusqu’au début des années 2000 c’était pas encore les mails mais quand ils sont arrivés c’était tous les mails échangés. Ça c’est de la documentation, mais c’est aussi beaucoup d’affiches, que j’ai collectées par moi-même mais aussi qu’on a données. Qu’on m’a donné, parce qu’on parle de Mémoire des sexualités mais pendant longtemps, c’était une confiance qu’on me faisait à moi ! « Christian on est pas venu voir exactement ce que tu as fait, mais tu nous en parles, on apprend que… Bon ben en tous cas il semblerait que tu soit plus capable de garder…” Donc souvent c’est comme ça que ça se passait ! Et puis petit à petit, des livres, à l’époque il y avait des lesbiennes à Paris qui me disaient « Christian on apprends que tu es prêt à acheter des livres » A vrai dire j’étais pas prêt à acheter des livres, le hasard a fait que j’ai eu des moments où j’avais des moyens financiers parce que j’avais fait des demandes de subventions à ceci cela, et donc j’ai payé des livres, en particulier dont des lesbiennes de Paris, déménageant sans doute, avaient besoin de se défaire. Je me disais « bonne pioche pour moi parce que de ce côté je suis particulièrement faible, donc ça va m’enrichir de ce côté-là. »
Alors, il y a une chose que je ne vous ai pas dite, c’est que Mémoire des Sexualités, que j’ai créé ici à Marseille en organisant un colloque en 1989, et on a déposé les statuts peu de temps plus tard, Mémoire des Sexualités c’était une association, comment dire, à l’origine c’était un projet au niveau national qui s’appelait « Mémoire des Homosexualités » et c’est une affaire qui n’a pas trop marché. La photo que vous avez là, qui est affichée en entrant, ici là, cette photo qui est juste derrière, où j’ai été outé par Paris Match. Nous étions en 79, donc en même temps que je faisais mon coming out, j’ai été outé dans le cadre du premier bal, du bal qui était organisé le dernier jour de la première université d’été, dans les salons de l’Alhambra – l’Alhambra pour vous situer c’était Blancarde, en face de la garde de la Blancarde – donc il y avait des salles qui servaient aux mariages, et nous avions fait là un bal… Pas trop de digressions, pas trop de digressions… Alors, Mémoire des sexualités avec le groupe de gens homo-hétéro qui avaient organisé ce premier colloque en quelque sorte – une journée de colloque, qui s’appelait « morales et sexualités “ – ce premier groupe organisateur, eh bien on avait posé les statuts de l’association Mémoire des Sexualités Marseille. Des sexualités, c’est plus les homosexualités.
Et voilà, c’est à partir de là, je vous ai […] ce que je rassemblais moi, et la réflexion sur la notion de mémoire, c’est là qu’elle s’est faite, début des années 90, alors que moi j’avais commencé dès la fin des années 70. Et pourquoi je vous dit ça, c’est aussi pour une digression, c’est parce qu’une personnalité importante, qui s’appelle Daniel Guérin, qui s’appelait Daniel Guérin, qui était une personnalité historique unie à un historien, pas tellement un historien, surtout un militant, un militant qui à l’époque du front populaire était dans le groupe de Marceau Pivert, bref, c’est la gauche de la gauche. Au moment du front populaire il était là dedans, et il était influencé par le trotskisme et par l’anarchisme. Et il a fait son coming out plutôt dans les années 50, à travers un premier livre puis un deuxième. Et quand il a appris l’existence du FHAR, au début des années 70, et puis qu’il a appris l’existence de cette fondation, disons “Association Mémoire des Homosexualités » qui était en train de se créer à Paris, il a fait une donation importante de ses livres ayant trait à l’homosexualité. Voilà. Donc la documentation de Mémoire des sexualités aujourd’hui est composée de tout ce que je vous dit, plus des tas d’autres petites autres donations de gens qui avaient à se débarrasser de ceci et se débarrasser de cela, par exemple Michel Philibert, que certains d’entre vous connaissent peut-être, qui s’occupait d’un festival de film qui s’appelait « Reflets », ici à Marseille, un jour m’a dit « Christian, si je te laisse cela, etc… » Et puis il y a aussi beaucoup de gens qui m’ont dit « Ah ! si j’avais su que tu existais je t’aurais donné, mais j’ai tout jeté… » Et là il y en a eu beaucoup d’exemples comme ça ! Savoir l’existence d’un lieu qui est intéressé par une telle documentation, c’est pas si fréquent que ça, et qu’il y a beaucoup de gens qui à l’occasion de leurs déménagements se défont ! et jettent ! et on trouve sur les trottoirs des trucs… Cet été, il y a une fille qui m’a téléphoné, il faut que je reprenne contact avec elle, et elle m’a dit « Alors voilà j’ai retrouvé sur le trottoir de la rue Jean Roch, des tas d’archives et je découvre que vous existez, est ce que ça vous intéresse ? » C’était des archives du Sauna homosexuel qui existait rue Jean Roch, à l’angle rue Jean Roch et Cours Lieutaud, qui s’appelait le JL Olympic, où il avait peut être un autre nom, bref. Elle me dit « Voilà, je suis prêt à vous le laisser », et puis le covid est arrivé, il faut que je reprenne contact, je sais pas du tout la consistance de ce qu’elle veut laisser, mais ça concerne tous les sujets ! Pourquoi pas, et puis je ne sais pas de quoi il s’agit… Alors ça j’arrête un peu ma parenthèse sur ce qu’est ce qu’est Mémoire des sexualités, on pourra en reparler d’avantage.
Je veux surtout dire que c’est un vivier utile pour l’avenir. Je suis peut être présomptueux et prétentieux, on me l’a fait remarquer, on me l’a tant fait remarquer. Soit en me disant que ça ne servait à rien, ce que je faisais, ce que je rassemblais, et simplement parce qu’on est dans l’action, on est pas dans le rassemblement de choses, d’objets ; qu’est ce que c’est, c’est du passé… Soit que le futur chacun considérait qu’il s’en chargerait, et que les militants d’aujourd’hui s’occupaient de construire le futur, et que les trucs du passé n’avaient pas de rapport avec leur action pour le futur ! Quand je dis qu’aujourd’hui, et à divers moment on me l’a fait remarquer, c’est en 90, en 95, en 2000, en 2005 etc. Je me suis trouvé face à des gens qui me faisaient ce genre de remarque ! Ils avaient mieux à faire pour construire, en construisant par eux-même ce qu’ils avaient envie de construire. Par un miracle pas toujours prévu, ce qui n’était que du papier devient du métal précieux pour le futur. Quand je dis ça, là aussi je suis peut être prétentieux, mais je le sens à travers un certain nombre de remarques qui me sont faites, notamment par pas mal de personnes qui sont ici présentes et qui sont déjà venues travailler sur tout ça. Beaucoup de gens y trouvent étonnamment, leur bonheur, leur propre bonheur. Ils en font une nouvelle base pour leurs réflexions, pour leur propre construction. Et j’ai donné tout à l’heure l’exemple de V Jourdain et Hugues, je vous ai parlé de pépites, c’est ça que je veux dire.
J’ai oublié de dire aussi, dans les grands moments que j’ai vécu, j’ai eu la chance de rencontrer des personnes, des personnes précieuses. J’ai cité Daniel Guérin, je n’ai pas cité Pierre Seel. Pierre Seel, peut être que vous ne savez pas qui c’est, c’est le premier homosexuel déporté qui s’est fait connaitre en France. Et la chance a voulu que je fasse sa connaissance, vraisemblablement par l’intermédiaire de Jean Le Bitoux, qui m’avait dit « Christian il faut que tu essaye de le rencontrer » Et Jean Le Bitoux, vous le savez peut être, a fait un livre avec Pierre Seel qui s’appelle « Moi Pierre Seel, déporté homosexuel » C’est-à-dire que Pierre Seel n’avait pas la capacité d’écrire, Jean Le Bitoux était un journaliste efficace, rapide, un grand journaliste, et il avait tout ce qu’il fallait pour être la plume de Pierre Seel, et ce livre a eu beaucoup d’importance, puisque la sortie de ce livre, au début des année 90, 94 je crois, a permis que un an plus tard, Pierre Seel soit reconnu comme déporté politique, non pas comme déporté homosexuel, c’était une chose qui n’existait pas, et qui n’existe toujours pas à ma connaissance. Et comme déporté politique, ce qui était déjà pas négligeable pour qu’il soit reconnu au milieu des autres déportés.
Et puis, plus récemment, au cours des deux dernières années, j’ai fait la connaissance de quelqu’un qui s’appelle Maurice Chevaly, est qui est, qui était à Marseille, qui est décédé au mois de mars, juste avant le covid, et qui a été une personnalité importante parce qu’il avait été correspondant du journal Der Kreis – alors là il faudrait que j’en parle un peu plus – bref, c’était un des premiers journaux homosexuels, revue rédigée par des homosexuels en Suisse, et qui a précédé une autre revue qui sortait en France quelques années après la guerre, au début des années 50, qui est la revue Arcadie. Et Chevaly , Maurice Chevaly, a été correspondant du journal Der Kreis et de la revue Arcadie… Bon, voilà, c’est quelques repères comme ça, de personnalités avec lesquelles je suis resté en contact le plus possible. Pierre Seel, je lui téléphonais tous les samedis soirs, Maurice Chevaly je le voyais une fois par semaine, Chevaly je le voyais le jeudi après-midi, je passais le voir… Donc j’ai été fidèle à ces personnes qui étaient des personnes âgées, et qui en même temps étaient pour moi, je ne vais pas dire des modèles, mais des références, des gens avec lesquels j’avais un dialogue important, intéressant et utile… Écoutez j’ai tellement d’autres choses à raconter mais je crois que j’ai dit à peu près tout ce que je voulais dire d’essentiel… Voilà, est ce qu’il nous reste du temps ? Je sais pas…
– Est ce qu’on a des questions ?
– Tu as tout le temps que tu veux !
J’ai tout le temps que je veux… Alors, non mais posez-moi des questions, et moi ça va m’aider à poursuivre… Alors, je vais vous montrer un petit peu ce site Mémoire des Sexualités. Ça consiste, qu’est ce que j’ai fait à travers ça… Je me suis dit, au moment où je suis arrivé à la retraite, c’est-à-dire maintenant il y a 8 ans, d’abord il faut que je me consacre à cette mémoire autrement qu’en accumulant des documents. Il faut que je fasse connaître l’existence de cette documentation, et il faut que moi je travaille, c’est-à -dire que je fasse des recherches, que je fasse des analyses, que je fasse, que je profite de toute cette documentation que j’ai rassemblée pour donner à voir. J’ai encore mille autres choses, sinon deux mille ou trois mille ou cinq mille, autres choses à montrer, à sortir. Là il y a un premier truc que je montre, est ce que ça se voit sur l’écran ? Je vais défiler… Donc il y a un truc qui s’appelle “histoire LGBT”. Je me suis mis en tête de raconter – alors évidemment, la formulation “ LGBT”, vous l’avez bien compris, dans laquelle j’ai été construit, puisque moi, nous, on disais “gay”, on disait les “homosexuels”, les “lesbiennes”, on disait et cætera. Bon j’essaye autant que faire possible, que faire se peut, d’employer, d’utiliser un langage qui communique. Exemple, avant les années 50. Avant les années 50, j’ai fait chaque fois que je peux, là vous voyez tous les créneaux “décennies”, ou plus que ça […]. J’ouvre le dix-neuvième siècle, par exemple, si ma souris veut bien fonctionner… Donc le dix-neuvième siècle, l’idée c’est quoi ? C’est de mettre le plus d’informations possibles sur tout ce qui a concerné l’homosexualité au 19eme. Au fur et à mesure que je découvre des choses, que je cherche des choses : le code civil, ce qui s ‘est passé en Russie avec… – pourquoi j’en parle, parce que la question : un écrivain célèbre qui, dans le pays, les bûchers des sodomites s’éteignent peu à peu et laissent la place à quatre ou cinq ans d’exil en Sibérie, l’élite aristocratique échappera à cette loi, bon. La mise en place de diverses lois dans les divers pays, le code pénal impérial en France, ce qui s’est passé à Lyon, le marquis Untel qui s’est fait destituer de son enseignement, qui est intervenu auprès du ministre pour destituer un enseignant… Chaque fois que je trouve une info, je la mets, je la mets, je la mets, et le dix-neuvième siècle est riche en informations, et en même temps il faut aller chercher dans les détails, parce que c’est pas simple ! Le dix-neuvième, c’était pas une homosexualité visible, voyante ! Donc il faut aller chercher à travers les livres qui sont écrits sur le dix-neuvième, sur les travaux de celui-ci, de celle-là, Goethe, bon.
Alors, pourquoi au fur et à mesure je mets beaucoup de personnalité. Parce que dans le dictionnaire des homosexuels, de La Rivière, qui est un énorme truc, il y a des notices biographiques sur des quantités de gens de tous les siècles, et en quelques sortes ça m’aide à enrichir – j’en suis qu’à la moitié, mais je m’y astreint pour arriver jusqu’au bout j’espère – donc il y a toutes les lectures que j’ai faites, toutes les choses que j’ai apprises par la lecture de journaux, de revues… Là, c’est le temps des dandys. Si j’ai fait tout un article sur le temps des dandys au milieu du dix-neuvième, c’est peut-être grâce à Maurice Chevaly, qui a fait une conférence, une causerie, sur les dandys. Et j’ai été passionné par ça ! Les dandys, vous l’avez compris, c’est tous les gens qui faisaient – bon, ça va de Lord Byron à Montesquiou, pour ceux qui connaissent un peu l’histoire – Maurice Chevaly pour moi quand je le voyais c’était un peu un dandy aussi. Et Romane, moi qui connais ton oncle Pierre, pour moi il était un peu un dandy dans sa façon de se vêtir, et cætera… Donc, c’est une voiture, bref… il choisissait des choses qui n’étaient pas nécessairement chères, mais c’était sa façon de se poser et d’être remarqué, chacun sa façon d’être remarqué… Diaghilev, et caetera ! Voilà.
Le dix-neuvième, alors les sultans de l’empire ottoman, ce serait intéressant de regarder ça de près… C’est le dix-neuvième. Alors maintenant je ne sais plus comment je sors de ce truc… Il faut que j’en sorte… Pourquoi il me demande d’enregistrer ? J’ai pas demandé à enregistrer… Bon alors je vais chercher là, comment ça se fait, je suis pas assez habitué à mon ordinateur, enfin à mon site. Là on est dans les années 50, je vous ai pas montré le début du vingtième, sur le début du 20eme il y a plein de choses passionnantes, surtout sur l’entre deux guerre ! Les grandes lesbiennes de l’entre deux guerres… C’est incroyable ! La richesse ! Elles étaient internationales dans leur façon d’être, elles venaient d’Angleterre, des Etats-Unis, elles ont trouvé en France des grandes lesbiennes, je dis grandes, vous comprenez pourquoi, qui étaient repérées, qui avaient plus de facilité de vivre puisqu’on avait la chance en France de ne pas avoir eu de pénalisation de l’homosexualité. Sauf la loi de 82 qu’on a appelé une loi de dépénalisation, mais c’était une loi de dépénalisation marginale, et qui concernait le problème de l’âge, au sortir de l’adolescence, on a appelé ça la « dépénalisation » parce que nous jeunes militants, nous avions étés confrontés à ça. Il a fallu attendre 74 pour que la majorité descende de 21 ans à 18 ans, et il a fallu attendre 82 pour que “homosexualité”, la relation homosexuelle, soit mise à égalité avec la relation hétérosexuelle en terme d’âge dans la majorité sexuelle. Et donc, voilà, nous sommes dans ces années là, où nous sommes concernés par ces problèmes et c’est pour ça d’ailleurs qu’il y a eu – c’est une parenthèse – mais qu’il y a eu tellement de discussions sur la question de la pédophilie dans ces années là, on en a des témoignages aujourd’hui, parce que toutes ces discussions sur la classe d’âge, il y a eu l’espoir, de la part d’un certains nombres d’autres personnes, parmis les homosexuels, ou ceux qui avaient des tendances plus pédophiles, en fin des tendances pédophiles, pardon, qui s’étaient mis avec les homosexuels, il y avait “ Mais pourquoi vous descendez pas à moins de 18, moins de 15, moins de 16, moins 14, moins 13, après tout… Dès qu vous êtes adolescent vous avez le “droit de”…” Et puis je vous parle de ceux qui sont pour la pédophilie, je parle de toutes ces discussions que nous avons eu dans ces années là. Donc là nous arrivons aux années 50, et les années de l’entre deux guerres sont passionnantes je vous l’ai dit.
Les années de guerres… C’est très compliqué les années de guerre, parce que c’est à la fois les années pétainistes de mise en place, justement, de ces lois de pénalisation concernant l’homosexualité, en même temps, il n’y a pas eu particulièrement de repression du milieu homosexuel par le régime de Vichy, donc il y avait plus la menace, l’épée de Damoclès, et puis il y avait la menace nazie ! Dans les territoires occupés par les allemands – c’est-à-dire l’Alsace et la Moselle – Pierre Seel, originaire de Mulhouse, dont je vous parlais tout à l’heure, et puis parfois les nazis choppaient telle ou telle personne qui avait osé avoir une relation avec un soldat allemand, et là non seulement le soldat allemand se faisait sanctionner, mais le français que le soldat allemand avait rencontré, se faisait emprisonner et parfois déporter. Et toute cette période de la guerre, et puis il y a eu le sortir de la guerre, le sortir de la guerre, une exaltation. Il y a eu pas mal de libertés, parce que c’était le sortir de la guerre, ça s’était fait pareil en Allemagne au sortir de la guerre 14-18, les années Weimar, qui ont étés une extraordinaire efflorescence de liberté jusqu’à l’arrivée du nazisme, en France on a eu un phénomène un peu semblable, avec l’application progressive de la loi de Vichy contre l’homosexualité, puisqu’elle était pratiquement pas, elle était peu appliquée dans les premières années de l’après-guerre, a été de plus en plus appliquée pendant la quatrième république, ce qui explique d’ailleurs que nous ayons été – je me met là dedans alors que je n’y était pas encore – mais que les homosexuels ait été furieux quand De Gaulle est arrivé et que les lois de pénalisation soient restées en place, et qu’il ai fallu des années et des années pour obtenir, en misant tout sur l’arrivée de la gauche, en se disant “avec l’arrivée de la gauche peut être que ça va changer, et par chance le candidat de la gauche de ce moment là, Mitterrand, du bout des lèvres, c’est à dire qu’il était pas intéressé par le sujet, mais enfin comme il était questionné par une femme importante du MLF je pense que c’est Gisèle Halimi elle-même qui l’a interrogé, en lui disant “Qu’est ce que vous allez faire sur la pénalisation de l’homosexualité?” et là il a dit, je me souviens plus de la phrase exacte qu’il a répondu, peut être que tel ou tel l’a dans la bouche… “Bien sûr”, il a répondu “bien sûr” et tout le monde a compris qu’il était d’accord pour que ça entre dans les… Voilà. Et évidemment dans les deux ans qui ont suivi il y a eu plein de députés de cette nouvelle majorité qui se sont engagés pour obtenir plein, quand je dit plein, j’y vais un peu fort, parce qu’ils étaient encore peu évident, peu visible, mais il y a eu un mouvement pour pousser à cette dépénalisation, grâce aussi aux femmes, qui ont joué un rôle important…
Là je fais un parallèle avec les femmes : il est évident que le MLF a joué un rôle majeur. C’est-à-dire que les femmes ont poussé sur leurs combats à elles, et elles ont ouvert les portes pour permettre aux homosexuels d’avancer. Il y a eu mai 68, mai 68 n’a pas libéré grand chose, mais libéré beaucoup d’esprits, beaucoup de gens se sont dit  » à partir de maintenant, on va pouvoir briser pas mal de tabous, de moralisations.” Les femmes ont commencé, elles ont obtenu grâce aux années giscardiennes, alors quelques fois, je ne sais plus qui c’est qui à la télévision disait “ Giscard a fait plus que Mitterrand”. Bon. Pourtant c’est une femme de gauche, je ne sais plus laquelle… Il y a eu la pilule, et il y a eu la loi sur l’avortement, et il y a au ce que je vous ai dit sur la descente de l’âge de la majorité, ces trois éléments là ont été décisifs, ils ont permis tout ce qui s‘est passé après, et la mobilisation des femmes a permis la mobilisation du FHAR, une mobilisation des femmes à partir de mai 68, et puis…
Début des années 70 a permis l’apparition du FHAR – Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire – qui s’est créé de 71 à 74- sous la houlette en particulier de Guy Hocquenghem, mais d’un certain nombre d’autres, et là je me suis amusé récemment à faire une petite biographie de Jean Le Bitoux – Jean Le Bitoux, fondateur du journal Gai Pied – il a été baigné par cette période du FHAR, il était baigné par Simone de Beauvoir, et il a eu une reconnaissance éternelle, enfin éternelle, le temps qu’il a vécu… pour Simone de Beauvoir, parce qu’il estimait qu’elle lui avait ouvert très vite les horizons et qu’il avait compris plein de choses concernant sa propre homosexualité à partir, grâce à Simone de Beauvoir, et Jean le Bitoux avait été construit aussi pendant les années du Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire, voilà. Donc le FHAR, le FHAR ça a été l’un de nos effondrements, parce que je suis toujours dans le “nous” en ce qui concerne le mouvement homosexuel, le plus possible dans le nous, je fait partie d’un ensemble, et il y a eu l’effondrement du FHAR. À partir de ce moment-là il y a eu l’apparition, pas tout de suite, mais quelques temps plus tard, du GLH de Paris ! Le GLH de Paris s’est fragmenté, il y a eu le GLH politique et quotidien, on dit “PQ”, mais Politique et Quotidien, dans lequel il y avait justement Jean le Bitoux et un certain nombre de militants marquants, enfin, plus actifs que d’autres, et il y a eu deux autres GLH qui se sont construits, GLH […] et GLH de novembre, enfin de novembre… 19 novembre je crois. Voilà. Parce qu’ils ne s’entendaient pas, mais comme toujours non ? Ce grand mouvement, il y a eu des efflorescences et des fracturations, bon. Et après ça il y a eu les comités homosexuels d’arrondissement, à Paris. En même temps, les GLH sont apparus à travers toute la France. Et c’était avant cette première université d’été de 79, parce que cette première université d’été de 79 organisée par le GLH de Marseille a été le lieu de rassemblement de tous les GLH de France, et ça a été le lieu de construction d’une coordination nationale de ces GLH, ils ne s’appelaient plus comme ça, ça s’est appelé le Comité d’Urgence Anti-Répression Homosexuelle
…J’arrête ça…Comité d’Urgence Anti-Répression Homosexuel qui a été très important entre 79 et 82 pour porter la revendication auprès du gouvernement, en appui d’un certain nombre de députés, de mouvements, du MLF ou autres, des droits de l’homme et tout ça, pour porter cette revendication de la dépénalisation. Et donc, quand la loi de 82 est arrivée, le CUARH a disparu pas longtemps après, et ont disparu le journal Gai Pied en 87, le GLH de Marseille en 87, les universités d’été en 87, bon, c’était l’effondrement, l’un des effondrements dont je vous ai parlé tout à l’heure… Du coup je gamberge, je gamberge, mais allez-y, posez des questions !
– Cet effondrement, qui était dans les années 80, il était dû à quoi ?
Alors, c’est dû d’abord à des affrontements entre les gens… Bon. Mais pas seulement. Il y a le fait que on s’était bien battus pour un projet, mais on n’avait pas construit un deuxième projet derrière. On n’avait pas encore fait naître un nouveau projet fédérateur. Ce n’est que bien plus tard qu’il apparaît en 99 avec la bataille sur le Pacs. Mais là, il y a d’autres éléments qui jouent. Le Sida. Le Sida joue un rôle majeur. Il joue un rôle majeur dans l’effondrement de ce mouvement homosexuel qui se battait pour ses droits. Parce que tous ceux qui se battent contre le sida, ils disent “mais il y a d’autres raisons de se battre aujourd’hui, et vous n’arrivez pas à le comprendre – un peu comme aujourd’hui tout les gens qui nous font des remarques à propos du covid – c’est le problème du sida, et c’est un problème vital contre lequel il faut se battre ! Vous perdez votre temps et de toute façon vous n’avez plus aucune revendications ! “ Et puis il y a des tas d’autres raisons ! Il y a eu le fait que la loi de dépénalisation en 82 a donné naissance à des quantités de médias commerciaux, à des journaux gratuits qui vivaient de la publicité, c’est à dire qu’il y a eu une manne financière qui est arrivée, non pas tellement du gouvernement, parce que le gouvernement n’avait même pas compris, c’était pas clair qu’on pouvait donner de l’argent aux associations homosexuelles, on en était pas encore là, et qui venaient du commerce ! Donc à Paris, se sont développés des quantités de commerces, alors les commerces c’était quoi ? Des bars, des restaurants pas beaucoup, des boîtes de nuit surtout, des saunas et puis un certain nombre d’autres commerces, mais qui ont profité de cette manne financière nouvelle, qui a fait que les homosexuels étaient enfin libres, ou se sentaient davantage libres, et puis que – on le disait beaucoup à cette époque là – “Eux ils ont de l’argent, de l’argent à dépenser” Donc bon ils faisaient faire des voyages, et comme ils étaient célibataires il étaient censés avoir de l’argent… Bon, et puis il y a tous ces commerces, et puis il y a eu l’histoire du Minitel. Alors, Pour ceux qui aujourd’hui ne connaissent que l’ordinateur, le minitel c’était la poste qui avait mis en place un système pour permettre de générer des petites annonces. Et on pouvait communiquer en mettant une petite annonce et en ayant la réponse directe. Donc c’est-à-dire toutes les années antérieures où on mettait des petites annonces, mais de façon désespérée, dans le journal Gai Pied, dans le journal ceci cela, pour essayer de trouver à rencontrer quelqu’un, ça comptait pour certains journaux ça comptait, pour d’autres moins. Il y avait le journal Illico qui était un gratuit qui faisait des tarifs intéressants, et cætera… Donc toutes les petites annonces, bon après il y a eu l’histoire du minitel. Le minitel a généré des ressources financières très intéressantes, il y a eu un gars, pour ceux qui ont connu la période Bernard Tapie dans les années peu récentes, un gars qui a un peu été le Bernard Tapie du milieu homosexuel de cette époque là, qui s’appelait David Girard. Et David Girard avait trois saunas, un journal, j’ai oublié le nom du journal, je crois que c’était cinq sur cinq, je suis pas sûr, il avait un restaurant, et il était devenu le capitaliste du milieu homosexuel, comme c’est pas possible ! A Paris, à tel point qu’il a pris l’initiative d’organiser au moment où il a eu l’effondrement des gay prides à Paris – à Paris il y a eu un effondrement dans la même période que j’ai dite tout à l’heure, il n’y a plus personne. Il faut bien voir que tous ces militants, je ne les ai pas cités, mais auxquels j’ai pensé, que j’ai tenté de vous communiquer, beaucoup de militants sont devenus séropositifs ou sont morts ! Et ça, j’aimerai un jour, passer du temps pour me replonger dans les listes de tous ces militants extraordinaires que nous avons perdu à cause du sida. Qui ont été des.. Des tas de gens fabuleux qui étaient des leaders de ce mouvement homosexuel qui s’était créé, et qui ont été fauchés par cette maladie de façon terrible !
Et c’est une des raisons de l’effondrement à cause duquel il nous a fallu du temps à Marseille. Il a fallu attendre 94 pour organiser une première manifestation des homosexuels, sur la Canebière ! Et la soirée que nous avons organisée le soir de cette première manifestation où nous n’étions pas si nombreux, a eu un succès fantastique ! C’est-à -dire qu’il y avait vraiment un désir de se retrouver, retrouver les autres ! Dans un endroit un peu anonyme, parce que défiler, à cette époque là nous on étaient pas si nombreux que ça , ça pouvait se voir, se remarquer, mais dans un lieu perdu, en l’occurrence c’était avant […] qu’on avait organisé cette soirée extraordinaire, qui a eu un succès qui a dépassé tout ce qu’on pouvait imaginer, et qui explique que l’année d’après le mouvement associatif s’est fait voler la Gay Pride par des commerciaux marseillais, qui ont dit “ ah il faut qu’on prenne le relais” Alors c’était pas que des commerciaux, c’était aussi les homosexuels que j’ai tendance à qualifier “de droite”, qui étaient pas particulièrement ouvert à l’égard des femmes, les lesbiennes “ oh les lesbiennes de toute façon elles sont pour la non mixité, on a rien à faire avec elles”. Eux ils étaient plutôt des jouisseurs, si je puis dire, et ils se sont associés avec les commerçants, ils ont dit “ on va faire la Gay Pride nous même” Donc ça a été des années de désespoir pour nous, les associations homosexuelles, où on s’est fait voler cette marche collective inter associative qu’on avait commencé à construire, et il nous a fallu des années pour arriver à prendre notre “revanche”, et je salue Philippe qui est à côté de toi, qui a été un très bon fédérateur inter-associatif à ce moment là, pour faire renaître après de grands échecs de l’Europride, pour faire renaître le mouvement homosexuel marseillais. Est-ce que j’ai répondu?
– J’ai une deuxième question du coup, comme vous avez pas mal étudié l’histoire de cette lutte en France, est ce que vous diriez que Marseille, la lutte elle est, ou elle a été différente, et pourquoi?
La quoi ?
– La lutte des LGBT, est ce qu’elle est différente à Marseille ou est ce qu’elle est différente par rapport au reste de la France ?
Oh, c’est difficile… Il y a eu des personnalités différents, des façons d’appréhender qui sont différentes, par exemple aujourd’hui si on veut essayer de travailler avec les amis niçois, c’est pas facile, on est pas sur la même longueur d’onde, eux ils travaillent beaucoup plus avec les commerciaux, en même temps ils ont obtenu, avec l’appui de la ville de Nice, l’ouverture d’un local il y a déjà longtemps… Chaque ville a sa spécificité, et puis il y a des hauts et des bas dans chaque ville, il y a eu de grands effondrements ! Par exemple je parlais de Nice, bon, à l’époque, donc la fin des années 70, il y avait un GLH de Nice, avec lequel nous étions en très bon contact, nous étions en très bon contact avec ce GLH qui se constituait, ça a été extraordinaire, ce plaisir ! Mais là je suis loin en arrière, je suis quarante ans en arrière! Ce plaisir de changer de ville et de trouver des gens qui étaient aussi heureux que nous ! De découvrir leur liberté et de la conquérir ! On allait habiter chez eux sans aucun problème, il y avait toujours la place, s’il n’y avait pas de canapé on dormait sur le tapis. On hébergeait les uns les autres très facilement. Ça a changé aujourd’hui… « ah bah j’ai pas de place pour te recevoir”… bref. Il y a eu des hauts et des bas dans chaque ville, et puis il y a eu des villes qui ont conquis plus vite ceci ou cela, exemple à Toulouse. A Toulouse il y a eu un maire qui leur a dit “je vais créer – je sais plus exactement comment ça s’appelle- la maison des diversités ou la maison contre les discriminations, je sais plus” et par le hasard des événements, les homosexuels ont trouvé une place importante dans ce lieu, et ça a été très utile pour eux ! Pour se fédérer… Par parenthèse, Pierre Seel habitait Toulouse, et il a été reçu par des associations locales, et cætera. Voilà, chaque ville a sa propre dynamique, voilà.
– Et du coup comme tu parles de l’Europride, donc c’était quoi votre revanche sur les gays de droite et la pride commerciale ?
Alors, la revanche… La revanche ça a été dès 2010, c’est là qu’elle a commencé. C’est à dire que ceux qui ne supportaient plus d’être dominé, du moins en ce qui concernait leur gay pride, parce qu’ils avaient tous en tête que la gay pride elle était pour tout le monde – à cette époque là on devait l’appeler la “lesbian and gay pride”, enfin excuse moi là je résume parce que suivant les périodes, aujourd’hui on parle de marche des fiertés, bon… Il y a eu un moment de lassitude. Les lesbiennes du CEL, parce que c’est la plus grosse association, c’était, je sais pas pour aujourd’hui j’ai moins d’éléments, mais ça a été pendant très longtemps la plus grosse association lesbienne de Marseille, et elles disaient “ ah mais on s’en fiche, on s’y intéresse pas” . Bon, elles ne s’y intéressaient pas, donc il fallait que ce soient les autres qui se mobilisent. Et donc les premiers craquements ont eu lieu à l’intérieur de cette équipe organisatrice. Et puis, il y en a un qui a porté un coup de boutoir important – 2010- c’est Christophe Lopez. Christophe Lopez tenait un sauna, il avait tenu d’autres lieux commerciaux ici à Marseille, et il a compris plus vite que d’autres ce qu’il fallait faire. Il fallait biaiser, il fallait essayer de s’entendre avec ceux qui étaient là, tout en, petit à petit, filer peut-être – tu te souviens plus que moi – bon, bref. Et surtout, il a su faire quelque chose que n’étaient pas capable de faire ces gens là, de fédérer toutes les associations. Quand je dis toutes, il y a eu une limite, c’est que les femmes du CEL n ‘étaient pas dedans. Et ça aura un impact dans l’échec de l’Europride. Parce que lorsque d’autres personnes viendront pour organiser l’Europride, elles auront vite fait de s’entendre avec les lesbiennes, et quelque part ça leur permettra de conquérir, … Bon bref, c’est un truc qui devient compliqué… Elles avaient repris l’appellation “ lesbian and gay pride”, puisque c’était le nom de cette association qui jusque là était leader, et elles avaient déjà… Bon bref, entre ceux qui étaient organisateurs de lesbian and gay pride de 2011-2012 qui se sont trouvés confrontés à ceux qui continuaient l’appellation “lesbian and gay pride” et qui avaient obtenu le label pour organiser l’Europride. Nous nous sommes trouvés, en 2012-2013, dans une opposition frontale entre deux blocs inter-associatifs, et ça a été terrible pour nous tous. Pour tout le monde ! Avant l’Europride, il y a une année où il y a eu deux manif parallèles qui se sont retrouvées dans les rues, enfin c’était absurde, après il y a eu l’Europride, et il a fallu attendre 2014-2015 pour qu’on arrive à se ré-entendre tous ensemble, et aujourd’hui – si je puis me permettre de porter une appréciation – aujourd’hui je suis, pour ma part, extrêmement heureux de l’évolution qu’il y a aujourd’hui. Il y a vraiment un travail inter-associatif, lorsque le département a sollicité le milieu, nous avons répondu présent tous ensemble, maintenant que la ville nous sollicite, nous répondons présent tous ensemble, et voilà. C’est une belle évolution, et on est plus que par le passé dans la capacité de – je sais pas quelle heure il est, moi il faut absolument qu’à 20 heure je sois…
– Oui oui, t’inquiète !
Vous me prévenez…
– Il est 18h45 !
18h45 !? L’un des gros problèmes, que nous avons, depuis le début, c’est notre incapacité, à cause de tout ce que j’ai sur cette histoire de mémoire joue un rôle, nous sommes très peu capable de capitaliser ce qu’on fait les prédécesseurs. C’est à dire que cette histoire des GLH, cette histoire de tout mouvement homosexuel, les associations qui existent aujourd’hui en connaissent trés trés peu, et ont tellement peu cherché à en savoir quelque chose, qu’il y trés trés peu de capitalisation. Et là, dans la période plus récente, on est d’avantage dans la capitalisation parce qu’il y a des gens qui se souviennent de ce qu’on a fait il y a trois ans, il y a quatre ans, il ya cinq ans, d’avantage, et qui veulent s’en souvenir parce qu’ils en ont un meilleur souvenir, et avant on arrêtait pas de dénigrer le souvenir de ce qui c’était passé avant, parce qu’on en avait un mauvais souvenir et on voulait plus en entendre parler. Donc il n’y a jamais eu de capitalisation. Et aujourd’hui quand l’année dernière on m’a sollicité pour créer une expo du mouvement homosexuel en trois volets, le mouvement mondial, ça n’importe qui peut le faire et je suis pas obligé de la faire moi, le mouvement national, là j’ai davantage de mémoire, de souvenirs personnels, de documents, et mouvement marseillais, et là ce mouvement marseillais j’étais le seul à pouvoir aller chercher, retrouver, documenter toute les étapes depuis 78 ! Je dis J’étais le seul, là aussi je suis présomptueux, mais en tout cas, j’étais un des seuls, et en tout cas j’étais le seul à me le coltiner et à passer le temps nécessaire pour retrouver en 90 qu’il y avait tel, tel et tel restaurant gay et lesbien, qu’il y avait telle et telle association qui existait, en 2000 il y avait tel et tel leader associatif, ou initiative, etc, et je me suis coltiné ce travail, j’ai passé 6 mois, pour faire cette expo sur l’histoire du mouvement homosexuel avec ces trois volets, et je trouvais ça intéressant ! Et quand j’ai mis ça sur le site internet, je sais pas si je peux vous le montrer, oui ! Quand je l’ai mis sur le site internet, j’ai également mis que ce serait bien que dans chaque ville on fasse la même chose, documenter l’histoire de ce qui s’est passé dans chaque ville, mais les niçois d’aujourd’hui sont incapable de savoir que en 78-79 il y avait un GLH à Nice. “Ah bon c’est vrai ? Tu peux nous dire qui c’était?” Bon, j’ai mémoire d’une personne, peut-être, pareil Montpellier, partout ! Là par exemple je me suis amusé à faire un historique de ce qui s’était passé à Lyon parce que j’avais des éléments sur ça, dans les années 80 ! Aucun lyonnais n’a eu l’idée de me dire “ tiens c’est intéressant que tu nous ai retrouvé ça, parce que pour notre mémoire à nous c’est intéressant… ». Bon. Qui s’intéresse à l’histoire?
– [Clem] Ben nous !
Oui, la nouvelle équipe. Et bien allez y exprimez vous ! Exprimez vous un peu la nouvelle équipe !
– [Clem] Ben pas que nous, les personnes qui viennent t’écouter, je parlais pas de nous à Mémoire des sexualités…
Hein Renaud, dit quelques mots un peu sur tout ce que tu penses de tout ça…
– [Clem] Allez Renaud !
– [Renaud] Heu, non non non…
Tu es trop modeste…
– [Clem] Bah on peut te retourner la question ! Toi ce que tu penses de…
De cette nouvelle équipe !
– [Clem] De cette nouvelle dynamique, et de comment tu vois le futur…
J’ai essayé de dire quelques mots sur le futur, mais on est en phase je pense. Non, depuis deux il y a toute une équipe qui s’est constituée, animée par plusieurs de ceux qui sont là, et qui a envie de donner un avenir à ces archives. Alors, moi je suis à la fois très emballé, et à la fois je suis attentif à un certain nombre de choses pour que ça se passe, que je sois en phase avec ce qui se passe, et avec ce qui va se passer, donc on a des échanges sur ce sujet-là, mais voilà. C’est tellement vital que d’autres gens prennent la relève sur ce sujet, je suis très, très attentif, et très motivé ! Tout en étant, vous l’avez compris, un petit peu… Bon, il faut qu’on arrive à être bien en phase, c’est ça ma question. Et pas plus tard qu’aujourd’hui j’ai envoyé un message pour qu’on essaye de trouver la voie moyenne quoi… Romane, si ça t’intéresse, ce petit groupe ça peut te motiver. Mais bon, à tout hasard. Excuse-moi de te le dire publiquement…
– J’ai une question, du coup un peu dans cette idée de collectif, à quel point Mémoire des sexualités participe à des salons, parce que ça commence pas mal à fleurir, notamment tout ce qui est salon du livre, de la bd LGBTQ, ce genre de chose d’une part, et aussi j’ai un truc très très libraire, mas je sais qu’il y a aussi un gros collectionneur qui s’appelle Gay Kitsch Camp, à Paris…
oui, of course !
– Et voilà, savoir un peu comment Mémoire arrive à faire le lien avec les autres structures, qui font de la paperasse en France.
Très bien, très bien. Alors j’essaie de voir, en tout cas si j’arrive à faire le lien avec ce dont je parlais tout à l’heure. Tient je vous montre “LGBT de Lyon”, le travail que j’ai essayé de faire sur les LGBT de Lyon, le mouvement homosexuel de Lyon, parce que j’ai eu la chance de les rencontrer à cette époque là, de les fréquenter… Alors les autres trucs, là tu – excuse moi de te tutoyer – là il y a deux aspects que j’ai vu dans ta question. Il y a « quelle présence avons nous ou aurons, ou serons nous capables d’avoir dans un certain nombre de salons, du livre et caetera.” Bon là je dirais que c’est la nouvelle équipe qui est beaucoup plus capable que moi de se démultiplier, être présent dans ceci dans cela. Là ils ont fait un truc fantastique sur les fanzines… Donc la démultiplication viendra de cette diversification, etc… En ce qui concerne Gay Kitsch Camp, et les autres réseaux de livres qui peuvent exister, il y a déjà des contacts, et il y en a pas mal ! C’est-à-dire que par exemple Patrick Cardon, je le connais depuis très très longtemps. Fondateur de ce centre documentaire. Il a une histoire extraordinaire lui aussi, puisqu’il a été le créateur du premier groupe homosexuel d’Aix-en-Provence, à l’époque où il était étudiant, et ça s’est appelé, suivant les moments de dénomination différents, mais c’est resté dans l’histoire comme étant ce qu’il appelait “ la mouvance folles-lesbiennes” appellation compliquée, difficile à cerner, mais il a, à partir de cette époque là, été passionné par toutes les lectures qu’il a trouvé sur le 19e, sur le 20e, puisque ces publications, c’est pour beaucoup fin 19e début 20e, et c’est des prodiges de découvertes pour beaucoup d’entre elles ! Et Patrick Cardon ne cessait de se moquer de moi ! Moi je lui disais “ je rassemble de la documentation” et il me disait “ tu représente rien par rapport à moi”, ce qui était largement vrai, parce que lui il y consacrait sa vie ! Moi je faisais des tas d’autres choses, je rassemblais de la documentation, mais personne n’en avait entendu parler, alors que lui on en parlait, etc… Et puis un jour, j’ai été amené à faire l’inventaire de tout ce que j’avais, et lui de son côté avait été amené à faire cet inventaire, pourquoi ? Parce qu’il y avait un certain Louis-George Tin qui, au niveau national, avait été nommé pour constituer un centre d’archives nationales. Et Louis George Tin avait demandé à un certain nombre de gens qui avaient la prétention de constituer de la documentation de leur envoyer un inventaire. Donc, grâce à ça, j’ai fait un inventaire de tout ce que j’avais, et quand Patrick Cardon a vu l’inventaire de tout ce que j’avais il m’a dit “mais c’est incroyable ! Toi tu portes sur d’autres périodes ” sur des périodes beaucoup plus récentes évidemment, puisque moi c’est tout à partir des années 71 essentiellement, mais comme j’avais rassemblé beaucoup de choses grâce à la revue Arcadie… Bon bref, Maurice Chevaly qui m’a donné toute sa collection d’Arcadie, enfin bref. J’avais rassemblé aussi des choses sur les années 50-60, et Patrick Cardon, qui lui s’intéressait comme je l’ai dit tout à l’heure à des périodes plus anciennes, il m’a dit “c’est incroyable, on est complémentaires, on devrait se mettre ensemble !” Ceci dit il avait une autre démarche, une autre dynamique et cætera… Et je suis incapable, je dirait presque de travailler avec lui, on est tellement différents, mais quand on se rencontre on est contents de se voir, parce qu’on s’est connus il y a tellement de temps qu’on a une amitié même si elle a été conflictuelle, parce que je vous dit pas les conflits qu’il y a eu entre le GLH de Marseille et ce qui s’appelait la mouvance folle lesbienne à ce moment là à Aix, où eux ils nous considéraient comme des gauchistes, nous on les considérait comme des évaporés, enfin bon bref… Mais c’était un conflit en même temps qui n’avait pas tant de contenu, c’est simplement des démarches et des dynamiques un peu différentes… Et que nous on aurait jamais eu l’idée de se présenter aux élections comme eux ils on eu l’envie de se présenter aux élections, aux municipales et aux législatives, en se faisant combien de voix ? Trente voix, bref… Parce que… Voilà, c’était une autre dynamique, une autre façon de voir les choses. Mais on est attentifs à ces complémentarités, aujourd’hui on les voit beaucoup plus, beaucoup mieux, avec les autres centres documentaires, Renaud pourrait en parler plus que moi maintenant, moi je m’en suis un peu occupé à une époque d’aller rencontrer les centres documentaires qui existent dans d’autres pays, à Amsterdam, à Bologne, à Berlin, aux États-Unis à San Francisco, j’avais envie d’aller rencontrer ce que faisaient les autres quoi, et grâce à ça j’ai gardé quelques contacts, je l’ai ai perdus puis Renaud les a réactivés, moi je l’ai ai un peu réactivés quand même, au moment où j’ai organisé un grand débat sur ce sujet en 2013 dans le cadre de l’Europride, dans la partie Europride qui n’était pas la partie effondrée, qui était la partie où on essayait vraiment de construire quelque chose, avec Philippe ici présent, un grand débat sur le sujet des archives. Et c’est Mémoire des sexualités qui avait, avec le collectif Idem, organisé un grand débat sur les archives, mais vraiment un colloque international ! Et ça a été passionnant. Et voilà, c’était une façon de tendre des perches et d’essayer de construire des choses ensemble, ce qui est très moyennement possible parce que les dynamiques des berlinois, la dynamique des hollandais, des italiens de Bologne c’est des dynamiques diverses! Ceci dit par certains d’entre eux, parmi ces contacts, qu’on a pris et que Renaud a entretenu, on a pu avoir des livres qui nous ont été donnés, et ça c’est de la documentation qui nous a été donnée par eux, ils ont des doubles, nous avec les doubles qu’on a, on peut aussi donner des choses, échanger
– Merci Christian pour toutes ces précisions, vraiment… Un grand militant engagé depuis de nombreuses années, avec tout particulièrement moi ce que j’ai pu constater dans mes quelques années militantes à Marseille, et qui est ce souci que tu as toujours eu de maintenir le lien par delà les polémiques, la diversité de tout ce que nous sommes. La seule chose, effectivement, en 2013, que j’ai vécu de manière assez intense, quand même c’est par rien, il ya cet ouvrage qui est sorti qui a une photographie en 2013…
Ah j’aurais dû l’amener, je suis bête j’en ai plusieurs exemplaires…

– Qui est un ouvrage qui s’appelle « Quand les LGBT font bouger les sociétés” quelque chose comme ça, et qui rassemble depuis 2013 la manifestation qu’on avait organisée, internationale, y compris invitant des collectifs queers palestiniens, des gens, des historiens de San Francisco, enfin c’était vraiment extrêmement ample, et également, un certain nombre de militants, militantes en France, et donc en 2013, c’est quand même l’année du mariage pour tous, et c’est quand même à Marseille que ça s’est passé malgré l’échec de l’Europride commerciale. C’est celle-là qui a échoué, je crois que la partie que le collectif Idem a pu porter, parce que finalement c’est ça, ce collectif Idem s’est créé dans ces décombres, avec l’idée qu’on valait mieux que ces décombres-là. Et donc on a laissé l’organisation, on va dire “commerciale”, aller droit au mur, et nous on a dit timidement “on va prendre en charge les rencontres internationales”, que personne ne voulait parce qu’elles étaient perçues comme complexes, je pense en terme de réflexion, en terme de logistique, et donc ça n’allait pas avec la droite ligne d’une fête commerçante ! Enfin, commerciale, avec des packages à vendre, des soirées dont le modèle se résume en général à voir la pride de Madrid comme étant un idéal, l’Alpha et l’Oméga de ce qu’il faudrait voir en France. Bon bref. En tous cas, plein de gens sont venus, et il y a l’ ouvrage de j’ crois 300 pages, je dit ça à titre quantitatif, mais on a aussi intégré la très forte militance trans de Marseille, notamment avec l’Observatoire Des Transidentités, qui je crois est parti de Marseille, moi je sais pas j’étais pas là pendant 5 ans…
Tout à fait !
– J’ai vécu ça de très très loin, en fait… Mais du coup Karine Espineira, [autre nom inaudible], sont vraiment des figures qui comptent dans le paysage français et international, et il y a une part de leur histoire qui est à Marseille, et tous les contenus de l’ODT (Observatoire des Transidentités) sont – parce qu’elle même avaient organisé des rencontres autours des questions trans, intersexe, etc.. – sont dans cet ouvrage, Voilà donc l’Europride en 2013 c’est ces rencontres là, c’est aussi une Eurolesbopride qui s’est faite de manière autonome précisément parce qu’il y avait un gros désaccord sur la partie logistique commerciale… Mais ceci étant dit, au final dans le bilan ça peut quand même vous donner, celles et ceux qui sont là, qui se disent “ben tien, au moins on peut faire le lien ou récupérer, ça c’est quand même une photographie, une mémoire qui a dit qu’il y a plein de militants et militantes aujourd’hui, produisent des livres, il y a vraiment aussi ce lien avec le monde universitaire chez les militants, qu’il faut activer, par exemple peut être que l’histoire au sens universitaire, reste à écrire… Enfin je dis universitaire, mais on peut imaginer qu’il y ait une bourse par exemple, demander à des tutelles de financer, enfin “ portez nous !”, pour que quelqu’un écrive cette histoire, ça peut être un étudiant en thèse, je ne sais pas, ça pourrait inciter, un lien peut être fait avec le monde de l’université sensible à ces questions là, et ensuite aussi demander de l’argent pour financer cette thèse ! Donc ça peut être encadré pour que cette histoire-là, qui est faite de plein de livres, puisse se réaliser à travers, je sais pas, un ouvrage, n’importe qui peut s’en emparer ! Il y a aujourd’hui Mémoire des Sexualités, c’est très bien, fondamental, je ne sais pas comment s’est construit le lien entre manifesta et Mémoire des Sexualités, donc il a le mérite d’exister. Mais il manque tout un ensemble du paysage militant et activiste marseillais ! Il manque tout le mouvement lesbien, il manque tout le mouvement trans ! Donc ça veut dire que Manifesta, je dirais “participe” à visibiliser les invisibilités, et en même temps, maintient des invisibilisations, si tant est que Manifesta serait la vitrine qui visibilise, c’est deux questions ça. C’est quand même un petit métrage carré, on est pas non plus à Cantini ou à la Vieille Charité !
– Je voulais juste dire que, vraiment je ne me défend pas… On est le pôle médiation et éducation de Manifesta ,qui s’appelle le “Tiers Programme”; donc c’est pas une initiative des commissaires de manifesta et c’est pas le programme central…
– [inaudible] Ils veulent faire une édition qui soit utile, pour les gens qui sont dans la ville dans laquelle ils portent leur manifestation, en leur proposant des outils qui puissent servir à l’avenir, et non plus de faire une manifestation verticale qui vient nous montrer des artistes qui sont à circulation internationale, et qu’il faut voir, qui peuvent être intéressant… Le résultat est qu’ aujourd’hui, par exemple, il n’y a pas toute la communauté LGBT – alors c’est peut être un vœux totalement … – mais si on part du « qu’est ce qui reste comme travail à faire”, voilà des vrais défis ! Sans partir dans l’utopie qu’on pourrait réunir tout le monde, mais au moins sur la mémoire de la sexualité c’est évident que plein de gens ont des choses à dire et Christian est vraiment un acteur essentiel hein, entendez moi je ne suis pas en train de dire que… Mais c’est pour vous dire que c’est partiel en fait, et que c’est partiel comme travail de curation de Manifesta. Par exemple il y a eu comme des actions municipales, il se trouve que la municipalité a changé, son intérêt va plutôt ouvrir des champs possibles d’actions, de soutien, je me souviens très bien aux élections municipales de 2014 il y a eu d’autres élections municipales, je ne sais pas très bien si… Sur ces sept années par exemple, il n’y a pas de centre LGBT , alors que le mariage pour tous… Il y a plein d’autres questions, la PMA, les questions trans… encore imparfaitement suivies dans la loi et dans les discriminations. Là par exemple, bien que d’une certaine manière la loi, ait globalement apporté quelque chose de plus, de 2014 à 2020 il y a eu une séquence municipale où il ne s’est pas passé grand-chose ! Moi je n’étais pas là, donc je ne juge pas, je pense qu’il y a eu énormément d’actions d’associations, tout le monde a fait le travail qu’il devait faire, mais je veux dire en termes politiques de luttes dans une ville, effectivement ! A Nice il y a un centre LGBT, si c’est pour avoir une pièce dans laquelle on fait une réunion, super ! On s’est battu pour avoir une pièce où on fait des réunions… Il y a plein de choses à faire, je dis ça par rapport à la question de Christian “Qu’est ce qu’il y a à faire?” Il y a la question des archives, il y a la question politique, il y a la question, comment articuler tout ça, et peut être que plus on est ouvert, et inclusif et intersectionnel aussi, c’est ça les vrais enjeux du moment ! Et c’est passionnant, et on a beaucoup de travail [rires]
Tout à fait. Bon merci à Manifesta de nous avoir découvert, moi je peux pas dire beaucoup plus, voilà. On est rarement mis en évidence, là c’est une peu exceptionnel, après pour le reste évidemment l’ensemble du mouvement LGBT marseillais mérite sa place et la conquiert petit à petit, tu as raison, il faut…
– Et c’est vrai qu’à Marseille il y a eu une histoire, je veux dire, elle souvent mise sous un éclairage très parisien, parce qu’il y a des personnalités médiatique, mais à Marseille incontestablement il faut des centres d’archives, il faut délocaliser, on manque des personnes qui vont s’en emparer pour aller plus loin ! Encore une fois je pense que c’est bien qu’il y ai une municipalité qui soit plus favorable, parce que peut-être que des choses peuvent être construites et accompagnées, après ça dépend vraiment des militants et des militantes, ça ne va pas se faire comme ça!
Bon, on a pas eu de chance quand même. Ces vingt-cinq années Gaudin ne nous ont pas aidées, elles ne nous ont pas aidées du tout. Comment ça a fonctionné ? Tout ces gens qui ont été organisateurs des gay prides, pendant toutes ces années, enfin je parle des années sombres, je parle pas de ces dernières années où on est arrivé.e.s beaucoup plus ouverts et transparents dans le travail collectif, mais les années sombres, bon c’était des cachotteries entre le directeur du cabinet de Gaudin et le président de la Lesbian and Gay Pride marseillaise ! Et il fallait surtout pas que ça se sache, qu’on aidait le milieu homosexuel, Gaudin voulait bien apparaître comme aidant l’association Aides, ça faisait humanitaire, ça faisait bien, mais aider les homosexuels… On ne va pas prendre le risque de se prendre une gifle de la part du Front National, que ce soit dans l’enceinte du Conseil Régional à l’époque où il était président du conseil régional, ou que ce soit dans l’enceinte de la mairie. Il fallait… Il nous a fait du mal, parce qu’il était dans le placard, et dans la cachotterie. Et ça c’est terrifiant ! C’est terrifiant, quand on voit le discours d’un Estrosi à Nice – pourtant c’est pas un exemple ! – quand il s’est battu contre le pacs Estrosi, il n’a pas eu peur de le dire, […] aussi, pareil. Estrosi il a quand même, parce que le milieu homosexuel de Nice était imposant, il a quand même lâché un centre gai et lesbien à Nice, qui s’appelle un nom particulier… Et quand il y a eu la bataille pour le mariage, c’est-à-dire quelques années après le pacs, il a dit publiquement “ j’ai fait une erreur en me positionnant contre le pacs, et je m’en suis rendu compte”. Il a lâché que en quelques sortes, il se rendait compte que le monde homosexuels – je veux pas dire communautaire, parce que toujours à chaque fois c’est une communauté – mais le courant homosexuel était un moment important de sa ville, et il a vu à quel point ça faisait vivre sa ville ! Il faut dire que c’est une ville beaucoup plus touristique, qui attire énormément de gens justement qui viennent dans les boîtes gays niçoises, enfin c’est très différent ! Le commercial joue un rôle majeur, d’ailleurs les gens organisateurs de la pride de Nice, c’est le milieu commercial d’abord, et puis le milieu associatif qui s’est mis avec ! Nous, on a eu affaire à un maire, un pleutre ! Quand, vous imaginez, moi j’ai travaillé au conseil régional, les premiers temps où il était président de la région, il avait mis dans son cabinet un gars qui était chargé de lui trouver des mecs. Le gars en question il s’est fait licencié après quelques années, enfin pas longtemps après, pourquoi, parce qu’ Il n’était pas extrêmement sûr en terme de secret, de secret total, il avait tendance.. Bon, mais il avait aussi mis dans son cabinet plusieurs homosexuels ! C’est pas facile de citer les noms, on les avait repérés ! Qu’est ce que ça changeait ? C’est à dire que homosexuel dans le placard, ça se passe dans toutes les villes aujourd’hui comme ça ! Quand c’est un homosexuel dans le placard qui est à la tête de la ville, du département etc… Il y a plein d’homosexuels qui y vont ! Sous réserve que ce soit motus et bouche cousue, c’est à dire que “ah bah on sait qu’avec lui, avec elle, on sera pas outé, on sera pas gênés » Ils y vont, alors au bout d’un certain temps ça donne la réputation “ oh lui c’est un nid de…” c’est malvenu. Bon. Mais ça n’est en rien un lieu de libération ! Un lieu d’épanouissement, un lieu de liberté ! A la limite il valait mieux être avec un gars comme Defferre, parce que j’ai une toute petite mémoire de cette période, sauf que sauf que, malheureusement c’était la crainte générale de la part de… Bon dites moi l’heure, parce qu’il faut absolument que je ne rate pas mon train
– Il est 19h15, tu as encore un peu de temps !
Bon. A cette époque-là, on était encore entre la quatrième et la cinquième république Gaulliste. C’est à dire qu’il y avait Defferre qui était un bastion de résistance face au gaullisme, face à De Gaulle, mais c’était le placard pour les gens, pour tout les homosexuels qui pouvaient exister, et inévitablement il y en avait, mais ils étaient tous dans la retenue, Que ce soit… Defferre avait un énorme pouvoir l’air de rien ! Il était secrétaire de la fédération du PS, il était maire de Marseille, il était à la tête du Provençal, et avait encore deux ou trois autres choses qui lui donnaient énormément de pouvoir. Donc c’était un peu un dictateur – c’est pas le mot – mais c’était à l’époque des princes et des ducs de la royauté française, on avait affaire à un prince ou à un duc, qui tenait sous sa coupe, parce qu’attention, le clientélisme marchait plus ou moins, et en tous cas il y en avait qui le faisaient pour se faire bien voir etc. Bref. Le clientélisme et la période Deferre il y a des tas de choses intéressantes à regarder de près. Mais en fait c’est les gens qui se font mousser ! “Je veux, et alors du coup je fais les choses pour lui etc…” Mais ce que je suis en train de dire, c’est que tous les gens étaient là dessous, qui étaient LGBT comme on dit aujourd’hui, et qui étaient complètement sous le boisseau ! Et ils avaient tous peur, c’est-à-dire qu’ils étaient tous dans l’autocensure face à la crainte que la censure vienne d’au-dessus s’ils faisaient un pas dans un sens ou dans un autre. Quand Edmonde Charles-Roux est arrivée, et qu’elle était beaucoup plus ouverte en tant que membre du jury Goncourt, elle a fait, elle a bougé des choses chez Defferre lui-même ! Et aussi par le fait qu’elle était en contact avec les grands écrivains du moment, Fernandez, Navarre, je sais pas quoi, grâce au Goncourt, enfin bon, replongez vous dans la littérature de ces années-là. Et donc, Defferre a évolué. Après est arrivé dans l’entourage, à l’intérieur du parti socialiste Michel Pezet. Michel Pezet était lui aussi placardisé, et l’est encore probablement aujourd’hui, qui sait que Michel Pezet est…, fait partie de… ? Qui le sait ? Mais ça représente toute une mouvance homosexuelle qui se construisait prés de Gaston Defferre, et lorsque le GLH de Marseille, dans une démarche complètement différente, s’étalait, se montrait publiquement, était dans la visibilisation, ce qui n’était pas évident pour le noyau que nous étions à l’époque, puisque moi j’en ai subit les conséquences avec cette photo de Paris Match qui m’en a foutu plein la figure, mais en 78-79, quand les homosexuels défilaient il se mettaient dans le défilé du 1er mai, il était pas encore question de marche, on se mettait derrière les syndicats du 1er mai, beaucoup d’entre nous étions affiliés soit au PC, soit au PS, soit au trotskisme, soit à la lutte ouvrière, aux mouvements politiques qui étaient là, ça leur aurait été facile, en tous cas parfois ils étaient en conflit avec leurs directions, que ce soit au pc, au ps, que ce soit les communistes, il y avait des fractures de la part des LGBT de cette époque par rapport à la direction. Donc ils étaient tous contents de se battre avec les homosexuels, qui étaient masqués ! Nous étions – il faudrait que je te retrouves les photos, sur le site vous trouverez tout ça – nous étions masqués, et moi je ne savais pas, j’étais tout neuf là dedans, je me disais “ qu’est ce que je risque, qu’est ce que je craint à montrer mon visage ? Qui pourrait me connaitre? “ et on me disait “ Tu as qu’à te mettre un masque, comme ça on te posera pas de questions” Et puis quelques uns d’entre nous, et en particulier quelques unes aussi, je pense à Patricia guillaume, qui elle on l’identifie sur les photos au beaux milieu de garçons et de filles masquées, elle a été là ! Et on la voit, on la reconnaît ! Pour ceux qui connaissent Patricia Guillaume, Patricia Guillaume a fait un travail très intéressant dont je parle aussi, elle a été de ces lesbiennes marseillaises qui ont été sur le front dès la fin des années 70, en témoigne son visage, jusqu’aux années 90 je l’ai beaucoup vue à ce moment là, pendant les années 90, début des années 2000, et elle a fait partie parce qu’en plus elle maniait bien la caméra, elle a fait pas mal de photos, mais surtout je crois que c’est utile de parler d’elle parce qu’elle est allée trouver toutes les copines qu’elle a eu, que ce soient à la Douce Amère, je ne vous ai pas parlé de la Douce Amère, mais avant le CEL il y avait un truc qui s’appelait la Douce Amère, qui était un truc non-mixte créé par les filles en même temps que le GLH existait, que ce soit aux 3G dont on parle encore aujourd’hui, on essaye, sur la Plaine, que ce soit au Sel, elle a eu beaucoup beaucoup de copines. Et dans les années 2000, en 2010 ou autour de 2010, elle a voulu les interroger une à une, en les filmant sur leur histoire ! Et c’est passionnant pour ceux qui – moi qui était un novice total, même si je reconnaissais telle ou telle que j’avais vu, mais on était tellement cloisonnés, les lesbiennes d’un côté et les mecs de l’autre – que de retrouver tous ces visages et leurs histoires – moi je picorait tel ou tel moments que l’histoire de ces femmes, de ces filles, et là je voyait se dérouler, de ce qu’elles avaient vécu, grâce à Patricia Guillaume. Voilà.

Transcription Lupa Charron-Gateff

 

V & Hugues Jourdain

 

En savoir plus