Présentation d’Arnaud Boulligny (Powerpoint)
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ARNAUD BOULLIGNY 13 juillet 2016 Marseille, Cité des Métiers
Conférence organisée par l’ARES et Mémoire des Sexualités
Il y a la fameuse légende de la déportation des homosexuels. Il faut être très clair là-dessus. Manifestement, Himmler avait un compte personnel à régler avec les homosexuels. En Allemagne, il y a eu une répression des homosexuels et la déportation qui a conduit à peu près à 30 000 déportés. Il n’y en a pas eu ailleurs, et notamment en dehors des trois départements annexés, il n’y a pas eu de déportation homosexuelle en France.
Dans cette vidéo postée le 10 février 2012 sur le site libertepolitique.com, le député UMP du Nord, Christian Vanneste, remet ainsi en cause la déportation de France pour motif d’homosexualité, une « légende » véhiculée selon lui par le lobby des homosexuels qui « ont un art consommé de déformer la réalité (…) et donc d’acquérir une opinion favorable ». Ses propos soulèvent instantanément un tollé dans la classe politique française, à droite comme à gauche, ainsi que dans le milieu homosexuel alors que la reconnaissance de cette déportation s’était progressivement imposée en France au début des années 2000, à la suite notamment d’un rapport rendu en 2001 par la Fondation pour la Mémoire de la Déportation, et de prises de parole officielles, en particulier celle du président Jacques Chirac le 24 avril 2005 à l’occasion de la Journée nationale du Souvenir de la Déportation.
Les propos de Christian Vanneste donnent lieu à une courte mais vive polémique durant laquelle rares sont les historiens à prendre la parole alors que le député bénéficie, lui, du soutien de plusieurs personnalités, en particulier de Serge Klarsfeld qui confirme que « [d]e France, il n’y a pas eu de déportation d’homosexuels », précisant qu’« [i]l y a sûrement eu des homosexuels déportés mais pour d’autres raisons ». Il faut avouer que les recherches sur la question demeurent assez confidentielles et, aux yeux de certains, bien fragiles. L’expérience malheureuse du rapport de 2001, dont les conclusions ont été en grande partie invalidées après coup n’a pas été sans entretenir, il est vrai, un climat de défiance autour de la question des chiffres qui avait largement focalisé l’attention jusqu’alors.
Cette situation a poussé la Fondation pour la Mémoire de la Déportation à reprendre les recherches qu’elle avait engagées sur le sujet en 2001 d’abord, puis en 2007. J’en exposerai aujourd’hui les principaux résultats en focalisant essentiellement mon propos sur les Français de zone occupée. Si je ne suis pas trop bavard, j’essaierais de dire quelques mots de la répression de l’homosexualité en Alsace-Moselle, territoires annexés au Reich.
Pour la France occupée, des pistes intéressantes avaient été ouvertes lors des précédentes recherches, mais l’exploitation des archives n’avait souvent été que partielle compte tenu de la masse de documents à traiter. À partir de 2012, il est donc décidé d’exploiter de façon systématique des fonds conservés aux archives des victimes des conflits contemporains du Service historique de la Défense, à Caen, où est accueillie l’équipe de recherche de la Fondation :
- les « archives de Brinon » : un ensemble de listes d’arrestations dressées pour chaque département et un fichier des condamnations
- les archives des prisons allemandes en France et sur le territoire du Reich
- les dossiers des tribunaux allemands siégeant en France
L’exploitation de ces fonds a permis de repérer un certain nombre de noms pour lesquels on dispose à Caen de dossiers individuels constitués pour l’obtention d’un titre, d’une mention, ou pour la régularisation d’un état civil. Leur étude a parfois permis d’apporter des indications précieuses à leur sujet. Pour certains noms, aussi, les recherches se sont prolongées aux Archives nationales à Pierrefitte, aux archives de la Préfecture de Police de Paris, ainsi que dans certains centres d’archives départementales ou communales. Enfin, l’aide des mémoriaux en Allemagne et du Service international de recherches (SIR) d’Arolsen a aussi fréquemment été sollicitée.
Parce qu’elle trouve pour l’essentiel ses origines dans l’Allemagne des années 1930, la déportation pour motif d’homosexualité à partir de la France ne peut se comprendre que replacée dans un contexte historique plus vaste. C’est pourquoi je reviendrai assez rapidement, dans un premier temps, sur le contexte allemand avant d’envisager la situation française.
La répression des homosexuels pendant la seconde guerre mondiale en France
Journées d’étude Paris 13-14 octobre 2016