Conférence-débat du 9 janvier 1991
Auditorium du Musée d’Histoire (Marseille)
Dominique CHARVET
Directeur de l’Agence française de lutte contre le sida
Association Mémoire des Sexualités
Transcription : Anne Guérin – mise en page : Pascal Janvier
L’ACTION
DE
L’AFLS
.
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Peut-être est-il utile avant que de parler de l’action même de l’AFLS de situer le contexte de sa création. Annoncée par le gouvernement à l’automne
1988, elle a été créée au printemps 1989. Elle a aujourd’hui 18 mois de fonctionnement réel. La filiation administrative directe de l’Agence est à
rechercher dans le Rapport Got. Professeur de médecine chargé par Claude Evin, Ministre des Affaires Sociales, d’une mission d’enquête sur les réponses
à l’épidémie, il en avait fait la proposition dans son rapport déposé au 2
ème semestre 1988. Mais les raisons de la création d’une agence spécialisée dans
l’information et la prévention sanitaire du sida doivent être recherchées plus en amont et plus en profondeur dans le statut de la maladie et dans le
système de santé.
II faut d’abord observer que la création d’un organisme tel que l’Agence constitue une première. Sans doute existe-t-il depuis de nombreuses années le
CFES (Comite Français d’Education pour la Santé) qui joue un rôle important d’éducation sanitaire, mais c’est la première fois qu’une institution
spécifique à une seule pathologie est mise en place avec des moyens conséquents : cette année 100 MF et près de vingt personnes. Il est vrai que si l’on
considère d’autres maladies, de tels engagements ont été beaucoup plus lents, moins importants et rarement le fait des pouvoirs publics (cf. le cancer ou
les mucoviscidoses). On peut avancer àcela plusieurs causes :
• L’impossibilité de guérir la maladie elle-même qui n’a pas permis à la médecine curative classique de jouer son rôle dans le prise en
charge et a mis en lumière la nécessite impérieuse d’une éducation sanitaire de prévention ;
• L’accroissement très rapide du nombre de personnes atteintes qui a fait qu’au-delà d’une maladie, c’était une épidémie. Des lors, le
vécu privé de la maladie était relayé par l’aspect public d’un fléau et donc requerrait la nécessité d’une intervention des pouvoirs
publics ;
• Le rôle des hospitaliers sans doute plus proches de préoccupations de santé ;
• Les caractéristiques des personnes atteintes fait que, le plus souvent jeunes urbanisées, elles ont une capacité d’intervention sociale
que n’ont pas d’autres groupes de malades. Essentiellement au début composé de personnes déjà minorisées parce que
homosexuelles, elles furent conscientes du risque de stigmatisation supplémentaire que constituait cette maladie. Quand la maladie
a atteint d’autres groupes et que l’on s’est aperçu que nul n’en serait abrité, la lutte contre cette stigmatisation est apparue encore
plus nécessaire.
Tout ceci a contribué àfaire comprendre que la prévention était le champ privilégie de l’action contre le sida, que n’était pas seulement en cause un virus,
mais des déchirures sociales graves. Qu’il fallait donc une politique globale qui ne pouvait être que médicale, mais qui devait s’inspirer de la santé
publique, c’est à dire une approche qui concerne autant la société que les individus, autant la précaution que le soin. C’est ainsi qu’est née une politique
qui repose sur quatre axes : informer, prévenir, inciter aux soins, solidariser.
INFORMER
Nous pensons qu’une politique d’information, pour être efficace, doit être menée dans quatre directions : l’existence de la maladie, les modes de
contamination, les conséquences de la maladie et les lieux d’écoute de consultation et de prise en charge.
Le CONTEXTE de la CREATION
de l’AFLS
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• Informer sur l’existence de la maladie
La charge symbolique et affective de la maladie est telle qu’elle risque constamment de provoquer des réactions de dénégation et d’oubli. Il faut donc
une information permanente sur le sujet. Les medias ont largement rempli, de leur propre initiative, ce rôle. Toutefois, ils sont aujourd’hui moins
mobilisés et ils ont besoin d’événements pour s’exprimer. Il y a donc une politique autonome à établir. Elle passe par une visibilité institutionnelle de
la pathologie. Ceci justifie l’existence de structures spécifiques qui attestent aux yeux du public de la présence du problème. Nous avons choisi en
France la création de plusieurs instances consacrées au sida. Nous avons également mis en place une politique de communication grand public avec
des campagnes télévisées régulières. En même temps si les medias sont moins dans l’annonce sensationnelle, ils se préoccupent plus, comme leurs
lecteurs, de la présence des malades dans la vie quotidienne, au bureau, au restaurant. Ceci nous conduit à rechercher des collaborations notamment
avec la presse féminine et la presse populaire pour que l’image de la maladie soit juste et informative.
• Informer sur les modes exacts de contamination
Pour ce faire, il faut mener une action sur un double front. A savoir, faire connaître les modes de contamination réels, et dénoncer les
fausses rumeurs.
Informer sur les modes de contamination, c’est parler de sexe et de sang qui sont dans notre société des sujets très délicats. En
même temps, on n’informe vraiment que si l’on informe précisément ce qui passe par des mots et quelquefois des dessins et des
photos. Si certains documents sont admis quand ils s’adressent à des publics spécifiques, nous rencontrons des réticences quand
nous voulons nous adresser à un large public notamment de jeunes. Plus souvent d’ailleurs à cause des parents que des jeunes euxmêmes.
Cet été, nous avons publié à 500 000 exemplaires deux petits livres. L’un qui montre avec des dessins précis le type de
relations sexuelles contaminantes, un autre qui expose avec la même précision la pose et l’enlèvement du préservatif. Cela nous a
valu des courriers de protestation, mais aussi des soutiens pour la création d’un nouveau ton en matière d’éducation sanitaire.
Dénoncer les fausse rumeurs, car aussi important que l’information des modes exacts de contamination est la dénonciation des
fausses rumeurs à leur sujet. Il est important de les dénoncer pour plusieurs raisons. D’abord parce que 30 % de la population y croit
(55 % des Français pensent, par exemple, que donner son sang peut entraîner une contamination), ensuite qu’elles sont porteuses
d’angoisse et de panique, parce qu’elles font de l’épidémie, une fatalité face à laquelle on ne peut – pense-t-on – que se résigner.
Parfois les fausses croyances viennent de ce qu’il y a eu à un moment un débat scientifique sur un sujet ou même qu’il existe encore
(la salive). Nous devons alors respecter la vérité et s’il y a un doute le faire connaître. La crédibilité de l’action des pouvoirs publics est
en jeu.
• Informer sur les conséquences de la maladie
C’est primordial pour les malades eux-mêmes, de manière à mieux les armer pour lutter contre leur maladie, leur redonner espoir et
briser les tentations d’abandon et de défaitisme. Mais aussi pour les non malades, car c’est l’ignorance qui est porteuse d’exclusion,
c’est pourquoi il est important de montrer que rien ne s’oppose à partager la vie d’un séropositif, qu’il n’y a donc pas lieu de le tenir
à l’écart, de l’exclure et encore moins de l’enfermer. Nous ne devons pas oublier qu’un certain nombre de malades ont été licenciés
àcause de la peur de leurs employeurs ou de leurs collègues de travail. Beaucoup de malades ont -au début – vécu les derniers mois
de leur maladie dans l’isolement complet.
• Informer sur les lieux d’écoute, de consultation et de prise en charge
Initialement, les malades ont été pris en charge par des associations (d’homosexuels essentiellement) et les hôpitaux qui ont, en
quelque sorte, concentré le savoir relatif aux réseaux de soutien. Il faut aujourd’hui répartir ce savoir pour que l’ensemble des
malades et leurs proches puissent avoir accèsaux lieux de solidarité.
Pour conclure sur ce chapitre, nous devons être conscients que si l’information générale est importante, chacun a des questions qui lui sont très
personnelles. Il faut donc instaurer un dialogue personnalisé. C’est ce qui nous a conduit à créer, en collaboration avec AIDES, une ligne téléphonique
d’accès permanent et gratuit qui fonctionne depuis le 15 novembre.
PREVENIR
Cela consiste, d’une part à faire prendre conscience du risque (de contamination), d’autre part de valoriser les conduites plus sûres, et donc de faciliter les
pratiques qui ne pressentent pas de risques. Ce qui pose, en contre coup différentes questions :
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• La désignation du risque
D’où vient le risque et à qui s’adresse-t-il ? Est-ce moi qui court un risque ou est-ce l’autre qui me le fait courir ? La question de la désignation (de
l’autre, du contaminé) est essentielle, car elle est au coeur du débat sur les groupes à risque. Au début de l’épidémie, on a hâtivement prétendu que le
sida était une maladie qui concernait seulement les homosexuels (non sans, parfois, il faut le noter, une certaine intégration de cette désignation par
les homosexuels eux-mêmes) et/ou les toxicomanes. Une fois encore, à l’instar d’autres épidémies ou fléaux, c’est « l’autre » qui a d’abord été désigné
non seulement comme responsable, mais aussi comme seul concerné. C’est exactement le même phénomène que l’on observe pour la drogue. Celleci
vient toujours « d’ailleurs ». Au village elle vient de la ville, à la ville, de la capitale, à la capitale de l’étranger. Cette façon de penser, qui renvoie
l’origine de la maladie à « l’autre », à »l’ailleurs », conduit inévitablementà des stratégies de stigmatisation. On a vu ainsi un médecin suisse proposer de
tatouer tous les séropositifs. C’est caricatural mais c’est une tentation dont il faut être conscient.
• Comment faire accepter la conscience du risque
Utiliser le ressort de la peur et de l’angoisse pour amener à la prise de conscience du risque peut provoquer des réactions contraires à celles
recherchées. Brandir l’épouvantail des risques peut en effet faire naître des réflexes de rejet basés non pas sur la crainte de la maladie, mais des
malades eux-mêmes. D’ailleurs pourquoi en ajouter ? Le sida est déjà, selon tous les sondages d’opinion, est l’une des premières peurs des français.
• Comment avoir une démarche active par rapport à la prise de conscience du risque
Au lieu d’une démarche passive qui se limite à énoncer les différents comportements à risques, il faut imaginer une démarche active consistant à
inciter chacun à mesurer les risques de ses propres comportements. Ainsi, le Professeur Della Monica, à Nice,a lancé un questionnaire dans Nice-Matin
intitulé « Connaissez vos risques » qui permet à chacun de prendre conscience de ses pratiques sexuelles ou autres, qui peuvent entraîner une
exposition au virus.
• Valoriser les conduites les plus sûres
S’agissant d’une maladie sexuellement transmissible, l’abstinence et la fidélité sont – de toute évidence – les conduites les plus sûres
mais dont la préconisation est bien souvent irréaliste. Le discours préconisant l’abstinence ou la fidélité est largement irréaliste
auprès des jeunes. La sexualité, chez eux, est une démarche qui contribue à la construction de leur personnalité d’où l’existence de
ce qu’on a appelé les monogamies successives de l’adolescence pour passer à l’âge adulte. Ce discours est tout aussi irréaliste
auprès des multipartenaires (homosexuels ou hétérosexuels). Certains, depuis l’apparition du sida, pensent limiter, sinon éviter, les
risques de contamination en choisissant leurs partenaires, mais, bien évidemment, il ne peut s’agir dans cette évaluation du « risque
à la tête du client » que d’une fausse réassurance. Face à un discours inopérant – un discours prônant l’abstinence et / ou la fidélité –
nous avons choisi la politique du préservatif.
Deux raisons ont conduit à ce choix. D’abord, une raison technique, à savoir que le préservatif est techniquement le moyen de
protection le plus sûr qui soit. Des tests de contrôle et de suivi contribuent à s’assurer de la qualité du produit et des garanties qu’il
doit apporter. Ensuite, une raison éthique, en ce sens que la politique du préservatif permet d’éviter tout discours moraliste ou
moralisant. Il ne faut pas en effet que le sida puisse porter atteinte aux libertés individuelles et aux choix personnels de
comportements sexuels de chacun. La société doit continuer à regarder les choses en face, en évitant toute réaction moralisatrice,
tout jugement moral, toute exclusion. Mais ce discours n’est pas pour autant simple à mettre en œuvre. Les principales difficultés
sont liées à l’image même de « I’objet » dans notre pays, qui le juge à la fois « démodé », incommode et péjoratif (porteur de méfiance
vis-à-vis de l’autre), et également angoissant. Nous avons donc agi en premier lieu pour
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modifier l’image du préservatif dans I’opinion publique. A cet effet, nos campagnes de communication ont eu soin de dissocier
complètement la communication sur le sida et celle sur le préservatif, de manière à ce que l’ombre portée de la maladie n’altère pas
le message en faveur du préservatif. Les campagnes se sont ensuite efforcées de lutter contre les idées couramment répandues au
sein de la population qui déprécient et ridiculisent l’usage du préservatif. Il a également fallu agir sur les capacités de l’opinion
publique à entendre parler de l’objet lui-même, du sida, de la maladie. Un grand progrès a été fait en ce domaine, mais beaucoup
de temps et de persuasion ont été nécessaires pour arriver àfaire admettre une communication grand public sur le préservatif qui ne
provoque pas de scandale (un spot télévisé montrant comme ce fut le cas début 1990 une étreinte amoureuse était impensable il y a
trois ou quatre ans…).
Auprès des toxicomanes, il s’agit, àleur égard, de valoriser une conduite, plus sûre, en leur demandant de changer de seringue pour
éviter la contamination par le sang. Un message de cette nature pose néanmoins un délicat problème puisqu’il amène à associer
deux propos de santé publique apparemment contradictoires : comment, en effet, concilier le message de santé jusqu’à présent
adressé aux toxicomanes les invitant à ne plus se droguer et leur dire en même temps : « si vous vous droguez, changez de seringue »
ou, autre formulation plus délicate « shootez vous propre ». Il me semble que cette contradiction est plus apparente que réelle. Ce qui
compte vis à vis du toxicomane, c’est qu’il soit parmi nous. S’il arrête de se droguer c’est mieux mais s’il meurt, il est certain qu’il ne
sera jamais parmi nous. Sa vie passe par notre modestie et non pas par notre peur. La valorisation des conduites plus sûres ne
dépend pas que d’un message délivré par la communauté, il faut qu’il apparaisse à chaque groupe concerné comme une norme
collective. Pour cela nous devons tenir compte des normes de référence de chaque groupe, les homosexuels ont montré l’exemple
en France en faisant de l’auto-prevention. Pour faire de même avec les toxicomanes, nous devons reconnaître la validité de leur
parole.
• Inciter à des attitudes de prévention en facilitant leur pratique
Les pratiques ne suffisent pas. Encore faut-il que chacun puisse les mettre en œuvre. C’est pourquoi, en matière d’accès aux
seringues, il convient de mettre sur pied différentes politiques volontaristes. Comme, par exemple, des procédures d’échange de
seringues sont actuellement expérimentées dans plusieurs grandes villes de notre pays à l’instar de ce qui s’est fait en Hollande et
en Grande Bretagne.
De même en ce qui concerne l’accès aux préservatifs. Ici se pose la question de la distribution et du coût. La distribution est
aujourd’hui encore trop restreinte. Largement faite dans les pharmacies, inégale dans les grandes surfaces. Elle est toujours absente
de beaucoup de lieux de vie (administration…) et des lieux de passage (gare, aéroport). Aussi, un effort doit donc être fait pour
assurer une meilleure distribution commerciale des préservatifs. Le coût des préservatifs pose un problème d’accès au produit pour
les adolescents en raison du prix. Il faut donc trouver le moyen de diffuser gratuitement le préservatif dans certains lieux accueillant
des jeunes.
INCITER aux SOINS
Il y a peu encore, un débat important a existé sur l’obligation au test de dépistage (qui d’ailleurs, existe encore dans certains pays). Vous savez que le
notre n’y a pas consenti pour des raisons à la fois éthiques et d’efficacité pratique. Un autre débat, alors, a eu lieu dans nos instances spécialisées sur
l’intérêt d’une politique d’incitation au test. Les arguments « pour » étant qu’il est important que chacun sache où il en est. Et indirectement que l’on
puisse connaître un peu mieux la prévalence globale de la maladie. Les arguments « contre » étant que n’ayant rien à proposer à la personne touchée,
c’était l’inciter à connaître une nouvelle sans espoir, et qu’en outre banaliser le test c’était légitimer que les résultats vous en soit demandés, avec les
conséquences que l’on sait. Aujourd’hui nous sommes peut-être en train de sortir de cette opposition. En effet, nous avons quelque chose à dire aux
personnes atteintes, et nous pouvons leur éviter certaines conséquences pathologiques graves. Ceci nous conduit à nous orienter vers une politique
d’incitation aux
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soins dont le dépistage n’est qu’une étape et non pas comme cela aurait pu l’être, une fin en soi. Les débats qui ont ainsi eu lieu sont démonstratifs du
chemin étroit où nous allons, le même acte sanitaire pouvant nourrir une logique de police sanitaire ou être approprié par le malade comme une
initiative dans sa propre démarche de lutte contre l’infection.
SOLIDARISER
L’apparition du sida a fait naître des conduites d’inquiétude, de repli sur soi, d’exclusion, de désignation de bouc émissaire qui sont incompatibles avec
une demande de solidarité, pourtant indispensable pour faire face lucidement et efficacement à l’épidémie. Pour lutter contre ces réactions qui
privilégient les intérêts particuliers – fussent-il individuels ou de groupe – il faut créer une solidarité autour de la maladie et à cette fin engager une action
dans quatre directions :
• Faire connaître la maladie
Le premier combat à mener est celui contre l’ignorance qui engendre la peur et l’exclusion. Pour cela, il importe de montrer la
séropositivité telle qu’elle est et les séropositifs tels qu’ils sont, c’est-à-dire des gens qui mènent une vie normale, qu’il y a donc lieu
ni de craindre, ni de fuir. C’est ainsi que nous avons donné beaucoup d’importance dans les derniers spots télévisés consacrés à la
maladie, aux témoignages de personnes séropositives filmées dans leur entourage familial et amical.
• Montrer que chacun face à la maladie sait et peut faire quelque chose
Face à un fléau social, la tendance est toujours de dire que l’on n’y peut rien, que c’est l’affaire des spécialistes et des professionnels.
C’est précisément le mouvement inverse qu’il faut faire naître parmi les gens en leur montrant ce qu’ils peuvent faire par euxmêmes
pour les malades et contre la maladie.
• Faire renaître la capacité de parler de la maladie et de la mort
Tâche difficile dans un monde qui a effacé de son théâtre toute confrontation à la maladie et à la mort. Cette négation, sur laquelle
s’est construite notre « modernité », c’est la négation du séropositif et plus encore du sidéen, malade et condamné à une mort
programmée. Dans ces conditions, parler simplement de maladie et de mort équivaut à leur redonner une place dans notre société,
les reconnaître et les sortir de leur solitude.
• Accepter des modifications qui vont plus loin que la maladie et qui concernent la prévention globale
Il s’agit, sans doute, de l’objectif le plus ambitieux et le plus exigeant. Il ne se contente pas d’une simple reconnaissance et acceptation de la maladie
mais impose d’aller au-delà en acceptant cette fois de réfléchir sur les pratiques sociales qui peuvent jouer un rôle sur l’épidémie. A cet égard, le statut
de l’homosexualité en France constitue un exemple.
Le multi partenariat qui caractérise quelquefois le comportement homosexuel – sans lui être spécifique – n’est que le mode d’expression d’une
affectivité opprimée qui ne peut, dans notre société, se réaliser dans un mode de vie. Pour permettre aux homosexuels de vivre leur affectivité
autrement que dans le multi- partenariat « obligé », il faudrait les aider, et les règles juridiques jouent ici un rôle primordial pour pouvoir inscrire leur
sexualité dans la vie sociale. C’est ainsi que des parlementaires ont déposé une proposition de loi visant àcréer un « partenariat civil » qui ne se veut pas
un mariage homosexuel mais une structure juridique qui permette à des compagnons d’inscrire dans la durée leur vie affective comme leurs intérêts
matériels. Dans nos sociétés de la fin du XXème siècle, nous sommes épris de sécurité et ceci conduit a un développement des messages de précaution,
de prévention. Cela donne un sentiment de contrainte permanente : ne pas fumer, ne pas boire, ne pas se droguer, mettre un préservatif. Même si
tout cela est juste, il y a une limite à l’acceptation des contraintes si elles ne sont pas équilibrées par des ouvertures à plus de vie, plus
d’épanouissement.