Conférence de Patrick Cardon
La Libération sexuelle dans l’Allemagne de Weimar à l’origine d’une perception différente des sexualités
13 avril 2016, Aix-en Provence
Magnus Hirschfeld (à lunettes) lors d’une fête costumée à l’institut, entouré des personnes qu’il a accueillies. Il tient la main de son partenaire Karl Giese (au centre).
Raffalovich, « L’inversion sexuelle va devenir une des questions de l’avenir » (1896)
Octave Mirbeau, La 628-E8 – Fasquelle 1907, “Berlin-Sodome” :
— Quand nous avons été vicieux, nous autres, – nous ne le sommes plus guère, la mode en est passée, – nous l’avons été légèrement, gaiement… Les Allemands, eux, qui sont pédants, qui manquent de tact, et ignorent le goût, le sont – comment dire ? – scientifiquement… Il ne leur suffisait pas d’être pédérastes… comme tout le monde… ils ont inventé l’homosexualité… Où la science va-t-elle se nicher, mon Dieu ?… Ils font de la pédérastie, comme ils font de l’épigraphie. Ils savent qui a été l’amant de Wagner, et de qui Alcibiade et Shakespeare ont été les maîtresses. Ils écrivent des livres sur les amours de Socrate, et sur celles d’Alexandre le Grand… Ils ont relevé, sur les vieilles pierres, tous les noms de tous les mignons de tous les pharaons de toutes les dynasties… Pédérastes avec emphase, sodomites avec érudition !… Et, au lieu de faire l’amour entre hommes, par vice, tout simplement, ils sont homosexuels, avec pédanterie… Allez à Berlin, je vous dis… allez revoir Berlin… Ça vaut le voyage…
Ancêtres =
Karl-Heinrich Ulrichs (1825 –1895)
Il publie en 1864 et en 1865 sous le pseudonyme de Numa Numantius cinq volumes d’essais sous le titre Forschungen über das Rätsel der mannmännlichen Liebe (L’Énigme de l’amour entre hommes). Il lance une théorie biologique du « troisième sexe » (le terme « homosexualité » n’est pas encore forgé), théorie résumée dans l’expression « une âme de femme dans un corps d’homme ».
Il est un des premiers à parler positivement et « scientifiquement » (au sens des sciences humaines) de l’attirance sexuelle entre personnes de même sexe. Les mots homosexuel et hétérosexuel n’apparaissant qu’à partir de 1869, il parle de types ou de personnalités uranien/ne et dionysien/ne.
Il continue de publier, cette fois sous son vrai nom, ce qui, par la même, tend à rendre son orientation sexuelle publique. En 1866, la Prusse de Bismarck envahit et annexe le royaume de Hanovre : Ulrichs est alors accusé d’activités subversives et emprisonné. Ses écrits sont saisis. Il est ainsi considéré comme le premier homosexuel à avoir fait son « coming out » : en août 1869, peu après sa sortie de prison, il intervient publiquement en tant qu’homosexuel au Congrès des juristes allemands à Munich pour leur demander de ne pas faire entrer avec le Paragraphe 175 du code pénal allemand les lois propres au code prussien qui répriment la sodomie, entre autres.
Karl-Maria Kertbeny (Vienne, 1824–Budapest,1882), est un journaliste, écrivain, traducteur et militant des droits de l’homme hongrois germanophone.
Il forgea les termes allemands « Homosexual » (« homosexuel ») et « Heterosexual » en 1868, et « Homosexualität » en 1869, auxquels il opposa le terme « normalsexuel ».
Masculinisme :
Benedict Friedlaender (1866-1908), Renaissance des Éros Ouranios (1904)
Friedlaender maintiendra son adhésion au WhK jusque 1906, année où il quittera Hirschfeld et fonda une 3eme organisation gay intitulée d’abord « Secession du WhK », puis « Ligue pour la culture virile », qui ne survivra pas au suicide de son promoteur le 21 juin 1908 in Berlin.
Situation politique (rappel)
En Russie, la Révolution bolchevique a radicalement modifié le climat politique et social. Les actes homosexuels sont dépénalisés par Lénine le 12 décembre 1917, avec la promulgation du nouveau code pénal révolutionnaire. Le Docteur Grigori Batkis, directeur de l’Institut d’hygiène social de Moscou et membre de la Ligue Mondiale pour la Réforme Sexuelle, publie en 1923 La Révolution Sexuelle, ouvrage dans lequel il proclame « l’absolue non-ingérence de l’Etat et de la société dans les affaires sexuelles. » Influencé par le travail de Hirschfeld, Vladimir Nabokov, le père de l’écrivain auteur du sulfureux roman Lolita, qui était hétérosexuel, avait quant à lui lancé au tournant du siècle une campagne pour dépénaliser l’homosexualité en Russie. Pressentait-il que son deuxième fils, Sergej Nabokov (1900-1945), allait être envoyé, non par les Russes, mais par les Nazis, en camp de concentration pour cause d’homosexualité en 1943, et qu’il y mourra d’épuisement en 1945? (l’article 121 du code pénal le 7 mars 1934, punissant les actes homosexuels de 5 ans de prison – jusque 1993)
Alexandra Kollontaï (théorie du verre d’eau). Commissaire du peuple aux Affaires sociales, première femme ministre au monde, son nom est associé au droit de vote et d’éligibilité pour les femmes, au droit au divorce par consentement mutuel, à l’égalité des salaires, au droit à l’avortement et aux congés maternité. Sur la question amoureuse, elle fait preuve de beaucoup de lucidité et d’une position en avance sur son temps (et sans doute aussi sur le nôtre). Elle s’élève non seulement contre l’inégal traitement dont font l’objet les femmes et les hommes, au regard de la liberté amoureuse, mais, plus généralement contre le besoin de possession dont nous avons hérité et qui nous paraît être la preuve même de l’amour. Jusque dans l’amour soit disant « libre ». « C’est la bourgeoisie qui a soigneusement entretenu l’idéal de la possession absolue, aussi bien émotionnel que physique… », « L’amant moderne, écrit-elle, pardonnerait plus facilement l’infidélité physique que l’infidélité spirituelle. Il voit toute émotion vécue en dehors des frontières de la relation « libre » comme la perte de son trésor personnel. »
République de Weimar, appellation a posteriori (c toujours le reich allemand)
1918-1933. Ville de Goethe et Schiller où une statue les représente la main dans la main depuis 1857.
Le régime de plus en plus autoritaire à partir de 1930 (Mein Kampf, 1925 ; NSDAP 1920)
Elle a été proclamée pendant le cours de la Révolution de 1918, le 9 novembre 1918, soit deux jours avant la fin des hostilités de la Première Guerre mondiale consécutivement à la défaite de l’Empire allemand.
Le 28 octobre 1918, la constitution de 1871 est amendée pour faire du Reich une démocratie parlementaire. Le 29 octobre, une insurrection éclate lorsque le commandement militaire, sans consultation du gouvernement, ordonne une ultime sortie à la flotte allemande. Cette manœuvre est sans espoir d’un point de vue militaire et risque de mettre fin aux négociations d’armistice. Les équipages de deux navires de Wilhelmshaven se mutinent. Les militaires arrêtent environ 1 000 marins, déclenchant les mutineries de Kiel, révolte locale qui se transforme rapidement en une rébellion nationale s’étendant aux bassins industriels et aux grands centres urbains d’Allemagne. Des marins, des soldats ainsi que des ouvriers pactisent avec les mutins. Ceux-ci commencent à élire des « conseils ouvriers » qui regroupent ouvriers et soldats sur le modèle des soviets de la Révolution russe. Ceux-ci prennent alors le pouvoir civil et militaire dans de nombreuses villes. Le 7 novembre, la révolution atteint Munich, provoquant la fuite du dernier souverain d’une province allemande, Louis III de Bavière.
À lui seul, le SPD obtient 45 % des suffrages exprimés, ce qui permet à Ebert de devenir le premier Reichspräsident de la république de Weimar. Pour éviter les émeutes en cours à Berlin, l’Assemblée nationale constituante se réunit dans la ville de Weimar, donnant ainsi son nom à la nouvelle République. Le président du Reich, Friedrich Ebert du MSPD, promulgue la nouvelle constitution le 11 août 1919. 17 länder, trois villes-État (Brème, Hambourg, Lübeck)
Les violences publiques vont durer jusqu’en 1923.
Age d’or des années 1923-1928 (plan Dawes – arrangement des réparations – et rentenmark – monnaie de transition-, chancellerie Gustav Stresemann, présidence Ebert)
Parmi d’autres grandes réformes sociales, le gouvernement intérimaire mis en place après l’abdication de l’empereur Guillaume II du 9 novembre accorde aux femmes le droit de vote. La Constitution de Weimar du 19 janvier 1919 (dont l’Assemblée constituante compte plusieurs femmes parmi ses députés, à l’instar de Gertrud Bäumer) proclame leurs droits de vote et d’éligibilité (articles 17 et 22), l’égalité des sexes en matière civique (art. 109), la non-discrimination des fonctionnaires de sexe féminin (art. 128), la protection de la maternité (art.19) et l’égalité des époux dans le mariage (art. 119).
Helene Stöcker la Ligue pour la protection de la maternité d’Helene Stöcker, associée à Magnus Hirschfeld et des médecins ou sexologues, et qui obtient un réel succès auprès de femmes et d’hommes classés tant à gauche qu’à droite (elle prône une forme de révolution sexuelle : évocation du plaisir, de la frigidité, de la contraception mais bien dans un cadre marital et non adultérin ou homosexuel) ; 150 000 personnes sont abonnées à la revue de l’organisation ou même adhérents.
Sous la République de Weimar, la condition des femmes est alors l’une des plus avancées d’Europe. Clara Zetkin, figure de proue du mouvement féministe allemand, est députée au Reichstag de 1920 à 1933 et préside même l’assemblée en qualité de doyenne.
« Après que la guerre eut brisé de nombreux stéréotypes sur la faiblesse féminine, que la culture populaire eut célébré la libération sexuelle et que la Constitution eut offert l’égalité sexuelle dans les années 1920, la vie sociale ouvrit de nouveaux horizons de liberté. Un nouveau monde était en marche pour les jeunes citadins, et Berlin en était le cœur »
L’arrivée au pouvoir du chancelier Adolf Hitler marque la fin de nombreux droits des femmes. En effet, à ses yeux, le régime de Weimar paraissait aussi enjuivé qu’efféminé (l’émancipation féminine est vue comme la résultante d’une « influence juive »), tolérant peu ou prou la métropole homosexuelle qu’étant devenue Berlin, véritable antithèse de la virilité aryenne.
Magnus Hirschfeld (Tante Magnesia), (Kolberg186-Nice, 1935), est un médecin allemand, qui fut le premier à étudier la sexualité humaine sur des bases scientifiques et dans sa globalité. Il est l’un des pères fondateurs des mouvements de libération homosexuelle. Hirschfeld lutta contre la persécution des homosexuels allemands soumis au paragraphe 175.
Le Comité scientifique-humanitaire
En 1896, Hirschfeld publie sous pseudonyme la brochure intitulée Sappho et Socrate, sur l’amour entre personnes de même sexe.
Le 15 mai 1897, il fonde dans son appartement de Charlottenburg avec l’éditeur Max Spohr, l’avocat Eduard Oberg, l’écrivain Franz Joseph von Bülow et Adolf Brand, venu avec d’autres personnes de la revue Der Eigene, le Comité scientifique-humanitaire (WHK, en allemand : Wissenschaftlich-humanitäres Komitee) dont il prend la direction. Le comité sera la première organisation au monde ayant comme but la dépénalisation des relations de nature homosexuelle. Ses membres espéraient obtenir l’abolition du paragraphe 175 inscrit dans le code pénal allemand depuis 1871 et qui prévoyait des peines de prison et la suspension des droits civils pour ceux convaincus de s’être livrés à des « actes sexuels contre nature […], que ce soit entre personnes de sexe masculin ou entre hommes et animaux ». Selon le comité, cette loi était inacceptable du fait qu’elle encourageait des formes de chantage. Il recueille au fil des années de nombreuses signatures dans le cadre de campagnes de pétition. La devise du comité, « per scientiam ad justiciam » (la justice grâce à la connaissance), reflète la conviction de Hirschfeld qu’une meilleure compréhension de l’homosexualité mènera à la disparition de l’hostilité à son égard. Hirschfeld, qui luttera sans relâche pour cet objectif, devient un personnage public en Allemagne.
Afin de lutter pour cette dépénalisation, Hirschfeld développe la théorie du « troisième sexe ». Il avance l’idée de stades « intermédiaires sexuels » (en allemand, sexuelle Zwischenstufen) : une échelle allant, indépendamment du sexe biologique, de la masculinité à la féminité. L’homosexualité, considérée comme innée et comme une question, alors, d’ordre médical, ne pouvait être pénalement répréhensible.
Les positions de Hirschfeld ne font pas l’unanimité au sein du comité et des conflits apparaissent rapidement. Certains, comme Benedict Friedlaender, désapprouvent la comparaison que Hirschfeld fait entre homosexuels et handicapés. Ils estiment également que les « uraniens » ne sont pas nécessairement féminins. En 1903, une scission a lieu et certains, avec Adolf Brand, créent la Gemeinschaft der Eigenen (GdE) ou « communauté de l’unique » (à comprendre comme « communauté des gens singuliers »).
Le combat contre le paragraphe 175
Lors de l’unification allemande, en 1871, le gouvernement du chancelier Otto von Bismarck choisit de reprendre une vieille loi prussienne datant de 1794, qui condamne les « actes sexuels contre nature » (widernatürliche Unzucht), c’est-à-dire, dans la jurisprudence, le coït anal pratiqué entre deux hommes, l’étendant à tout l’Empire (la Bavière indépendante avait depuis 1813, sous l’influence du Code pénal français, enlevé de sa législation toute condamnation de l’homosexualité)
La pétition lancée par le comité pour l’abrogation du paragraphe 175 recueille plus de 5 000 signatures dont celles d’Albert Einstein, Hermann Hesse, Richard von Krafft-Ebing, Thomas Mann, Stefan Zweig, Rainer Maria Rilke, Léon Tolstoï, Émile Zola, etc. Le projet de loi est déposé au Reichstag en 1898, mais il ne sera pas adopté car seule une minorité du parti social-démocrate le soutiendra. Hirschfeld, désappointé, remet le combat à plus tard en espérant pouvoir bénéficier de l’appui de parlementaires qu’il savait être homosexuels.
L’idée portée par ce projet de loi continuera sa progression et, à la fin des années 1920, il sera sur le point d’être adopté ; la montée du nazisme rendra cependant la chose impossible.
Transvestissement
En 1910, paraît la première monographie s’appuyant sur l’étude de 100 cas de travestissement : Hirschfeld, M. (1910). Die Transvestiten: eine Untersuchung über erotischen Verkleidungstrieb, mit umfrangreichem kasuistischem und historischem Material. Berlin: Alfred Pulvermacher Verlag.
Magnus Hirschfeld (1910) est le premier à qualifier de ‘transvestis‘ les personnes qui portent les vêtements de l’autre sexe. Hirschfeld a popularisé le terme ‘travesti’ pour désigner les personnes jouant un rôle de genre non conforme à leur physionomie. Il a également démontré que le travestissement se retrouvait dans les deux sexes et dans chaque orientation sexuelle, ce qui était une pensée avant-gardiste pour l’époque.
C’est également Hirschfeld qui utilisa le terme ‘transsexuel‘ pour la première fois (Hirschfeld, 1923: 14). Ses idées ont anticipé celles de Harry Benjamin (1966) et d’autres, qui ont dressé un bilan scientifique de la condition transsexuelle. La distinction qui en résulta entre l’habillement croisé, l’identification intergenre et l’homosexualité a apporté une contribution importante à la normalisation de l’homosexualité par Hirschfeld et Havelock Ellis
. Il négocie avec la préfecture de police des pass pour autoriser certaines personnes à porter le costume du sexe opposé.
Benjamin (1885-1886) rendit visite à l’institut Il invente le terme de transexualité (association du syndrome de Benjamin, 1994, Tom Reucher qui participera ensuite au collectif Existrans qui défile chaque année dans le 18e et aussi pendant la gayPride)
Le film Horror Picture show (film musical américain de Jim Sharman, 1975) show utilise ce terme de transvesti = https://www.youtube.com/watch?v=Oo-oWc4uEPE par Tim Curry (Studio Galande)
Travaux et engagement
- De 1899 à 1923, Hirschfeld publie la revue Jahrbuch für sexuelle Zwischenstufen, plus connue sous le nom Jahrbuch, dans laquelle contribuent activement Numa Praetorius, Paul Näcke, Marc André Raffalovich, Paul-Louis Ladame, Camille Spiess, Georges Saint-Paul, etc.
- En 1903 et 1904, il entreprend une étude statistique auprès d’étudiants et de travailleurs par le biais de questionnaires anonymes. Ces études l’ont amené à conclure que la proportion d’homosexuels dans la population était de 1,5 %, tandis que le pourcentage de bisexuels serait de 3,5 %.
- En 1907, il témoigne en tant qu’expert durant l’affaire Harden-Eulenburg.
- En 1908, il publie le Journal de sexologie, qu’il arrête après un court laps de temps.
- En 1910, il oriente ses travaux sur les personnes qui portent des vêtements du sexe opposé qu’il nomme indistinctement « transvestis ».
- Lors de la Première Guerre mondiale Hirschfeld cesse ses travaux de recherche et sert comme médecin dans un hôpital de campagne.
- En 1918, il crée la Fondation du Dr Magnus Hirschfeld, et le 6 juillet 1919 il fonde l’Institut de sexologie (Institut für Sexualwissenschaft), qui est le premier au monde à se consacrer à l’étude des sexualités humaines. Une belle villa près de Tiergarten augmentée en 1921 pour abriter un musée, une bibliothèque, une salle de consultation, une salle de conférence. Jusque 50 pièces.
- En 1919, il participe au scénario et joue dans le film Différent des autres (Anders als die Andern) et participe aussi au scénario de Prostitution, autre film du même réalisateur, Richard Oswald. (voir fiche)
- En 1921, avec l’Institut de sexologie, il organise la première « conférence pour une réforme sexuelle basée sur la sexologie » qui conduit à la création, en 1928 à Copenhague d’une Ligue mondiale pour la réforme sexuelle. D’autres conférences se tinrent à Londres en 1929, à Vienne en 1930 et la dernière à Brno (tchécoslovaquie) en 1932.
- Son programme « (1) l’égalité politique, économique et sexuelle des hommes et des femmes ; (2) la libération du mariage (et spécialement le divorce) de la tyrannie de l’Eglise et de l’Etat ; (3) le contrôle de la conception, de manière à ce que la procréation ne soit engagée que de manière volontaire et responsable ; (4) l’amélioration de la race par l’application des connaissances eugéniques ; (5) la protection de la mère célibataire et de l’enfant illégitime ; (6) une attitude rationnelle à l’égard des personnes sexuellement anormales, et spécialement à l’égard des homosexuels, hommes et femmes ; (7) la prévention de la prostitution et des maladies vénériennes ; (8) les perturbations de l’instinct sexuel doivent être regardées comme des phénomènes plus ou moins pathologiques, et non, comme par le passé, comme des crimes, des vices ou des péchés ; (9) ne doivent être considérés comme criminels que les actes sexuels qui portent atteinte aux droits sexuels d’une autre personne. Les actes sexuels entre adultes responsables, conclus d’un commun accord, doivent être regardés comme ne relevant que de la vie privée de ces adultes ; (10) une éducation sexuelle systématique »
- « Ces points ne différaient pas sur l’essentiel de ceux mis en avant par les autres mouvements de réforme sexuelle, qu’ils soient progressistes ou révolutionnaires, si ce n’est par l’attention particulière portée à la question homosexuelle » (Florence Tamagne)
- La capacité d’attraction de la Ligue fut indéniable. Si l’on comptait 70 délégués internationaux à Copenhague en 1928, ils étaient 350 à Londres en 1929, le Portugal étant le seul pays européen non représenté, et 2000 à Vienne en 1930. En 1932, la Ligue rassemblait 190 000 membres, la plupart répartis dans les diverses associations affiliées.
- Dans La Révolution sexuelle, Wilhelm Reich consacre une partie de son analyse à l’échec de la Ligue. Selon lui, la « crise sexuelle » doit être comprise comme « le conflit entre la moralité qui est imposée à l’ensemble de la société par une minorité, dans l’intérêt du maintien de son pouvoir, et les besoins sexuels de l’individu »41. Aussi les « libéraux, comme Magnus Hirschfeld », ou les « réformistes » en général, sont-ils voués à l’échec puisqu’ils entendent résoudre la misère sexuelle sans remettre en cause le système qui la produit.
- En 1930, l’Institut effectue sur Lili Elbe la première opération connue de changement de sexe d’homme à femme.
Cf. Le film sur Lili Elbe, The Danish Girl (Tom Hooper, 2016) retrace la remarquable histoire d’amour des époux Wegener, Gerda, et Lili Elbe, née Einar Wegener, l’artiste danoise connue comme la première personne à avoir subi une chirurgie de réattribution sexuelle en 1930 (la première opération fut supervisée par Hirschfeld).
Montée du nazisme et exil
Dans les années 1920, ses conférences sont de plus en plus chahutées. À Munich en 1920 il est grièvement blessé au crâne et certains journaux annoncent même sa mort. Juif et homosexuel, il devient une cible de choix pour les nazis et, en 1930, il ne peut plus se sentir en sécurité dans son propre pays. Il accepte alors une série de conférences aux États-Unis en 1931 et, suivant les mises en garde de ses amis, choisit de ne pas rentrer en Allemagne. Il reste en exil, d’abord à Zurich et à Ascona en Suisse, puis à Paris et enfin à Nice.
Consécutivement à la prise du pouvoir par Adolf Hitler, les nazis attaquent et pillent l’Institut de sexologie le 6 mai 1933 ; ses bibliothèques alimentèrent les premiers autodafés nazis.
À Paris, il tente de refonder sans succès un nouvel institut de sexologie. En 1934, il déménage à Nice (au 63 Promenade des Anglais). Il y décède des suites d’une crise cardiaque le jour de son 67e anniversaire, en 1935. Sa tombe se trouve au cimetière Caucade de Nice.
Lorsque Hans Giese veut fonder un nouveau Comité scientifique humanitaire en 1949 et par la suite une Société pour la réforme du code pénal dans le domaine sexuel (Gesellschaft für Reform des Sexualstrafrechts), Hiller se met à collaborer pendant quelques mois. En 1955, Hiller rentre en Allemagne, s’installe à Hambourg et essaie d’y fonder un nouveau Comité scientifique humanitaire. Mais il est isolé et sa tentative échoue.
When Hirschfeld did not return to Germany in 1932 after his world travels, Giese followed him and encountered Hirschfeld’s new companion, Li Shiu Tong. Despite occasional bouts of jealousy, they succeeded in having a ménage à trois during their exile in France. Hirschfeld declared both lovers as his heirs.
Giese was forced to leave France in October 1934 due to a “bath house affair”. He went to Vienna and subsequently to Brno. He was later able to return to Nice.
Giese evidently never came into Hirschfeld’s inheritance. He lived in poverty in Brno and committed suicide in 1938.
Le patient du docteur Hirschfeld Nicolas Verdan, Campiche, 2011. Construit à partir de l’histoire réelle de la dramatique fin de carrière du célèbre sexologue, ce roman explore cette tendance propre à toute société humaine à légiférer nos préférences sexuelles, jusqu’à nous assigner une «juste place» sur l’échelle des genres.
Le 14 mai 2010, à l’occasion du 75e anniversaire de sa mort, l’association Mémorial de la déportation homosexuelle (MDH) et le Centre LGBT Côte d’Azur ont organisé une journée d’hommage et ont déposé sur sa tombe une gerbe portant la mention « Au pionnier de nos causes »
Courant anarchiste :
Aux yeux de beaucoup, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur du mouvement libertaire, l’accent mis sur les libertés individuelles par l’anarchisme le lie, tout naturellement, avec les revendications d’égalité portées par les mouvements revendiquant une libre homosexualité.
John Henry Mackay (1864-1933), rédige la seule biographie de référence sur Max Stirner et est à l’origine d’une vaste diffusion des idées individualistes libertaires. Sous le nom de plume Sagitta, il publie de nombreux essais sur « l’amour grec » ou « l’amour sans-nom » (Die Namenlose Liebe – 7 vols (1906–1926).
En 1923, Emil Szittya écrit dans Das Kuriositäten-Kabinett que « de nombreux anarchistes ont cette tendance. Ainsi, j’ai trouvé à Paris un anarchiste hongrois, Alexander Sommi, qui a fondé un groupe anarchiste homosexuel sur la base de cette idée ».
Cette conception est confirmée, en 1914, par Magnus Hirschfeld dans son livre Die Homosexualität des Mannes und des Weibes : « Dans les rangs d’un parti relativement petit, celui des anarchistes, il me semble qu’il y a proportionnellement plus d’homosexuels et d’efféminés que ce que l’on peut trouver dans les autres ».
L’anarchiste italien Luigi Bertoni (que Szytta pensait aussi être homosexuel), note que « les anarchistes demandent la liberté en tout, donc aussi dans la sexualité. L’homosexualité mène à une conception saine de l’égoïsme, pour lequel tout anarchiste devrait se battre ».
L’écrivain anarcho-syndicaliste Ulrich Linse affirme à propos d’une « figure marquante de la scène berlinoise individualiste-anarchiste vers 1900 », le « précoce Johannes Holzmann » (connu sous le nom de Senna Hoy) : « en partisan de l’amour libre, [Hoy] célébrait l’homosexualité comme un « sommet de la culture » et s’engage dans une lutte contre le Paragraphe 175 » qui criminalise l’homosexualité masculine en Allemagne, de 1871 à 1994. Le jeune Senna Hoy (1882-1914) publie, dès 1902, ses conceptions dans son hebdomadaire Der Kampf, qui est diffusé à 10 000 exemplaires l’année suivante.
L’anarchiste et psychothérapeute allemand Otto Gross a également beaucoup écrit sur l’homosexualité chez les hommes et chez les femmes et argumenté contre les discriminations. Fils de Hans Gross (1847-1915), l’inventeur de la criminologie (Cf. ses Archiv für Kriminalanthropologie und Kriminalistik. 1898, où Hirschfeld était discuté et qui fit paraître un article de Naëcke sur les homosexuels de Paris (1904) traduit et publié par les archives d’anthroplogie criminelles du dr Lacassagne pour les besoins d’une chronique de Raffalovich)
Adolf Brand et Der Eigene
Der Eigene (L’unique) est la première publication régulière homosexuelle au monde, éditée en langue allemande à Berlin, de 1896 à 1932, sous la direction d’Adolf Brand (1874-1945). Le titre, Der Eigene, est une référence explicite à l’ouvrage L’Unique et sa propriété du philosophe Max Stirner. Ce dernier influence profondément le jeune Brand qui est séduit par le concept stirnerien de « Selbsteigentum ». (autodétermination individuelle – empowerment) Der Eigene compte environ 1 500 abonnés.
Outre des poèmes d’Adolf Brand, on compte parmi les collaborateurs : Benedict Friedlaender, Hanns Heinz Ewers, Erich Mühsam, Kurt Hiller, Ernst Burchard, John Henry Mackay, Theodor Lessing, Klaus Mann, Thomas Mann, Wilhelm von Gloeden (1856 – Taormina, 1931) et Sascha Schneider.
Individualiste libertaire, influencé par les théories de John Henry Mackay, Adolf Brand est à l’origine membre du Comité scientifique humanitaire de Magnus Hirschfeld, mais s’en sépare en 1903, pour créer la Gemeinschaft der Eigenen, la « Communauté des spéciaux ». Dans ce nouveau groupe, l’amour entre hommes est considéré comme un des attributs de la virilité. Le groupe rejette les théories « médicales » de Hirschfeld qui définit l’homosexualité comme un « sexe intermédiaire » En 1925, le 9e numéro est une déclaration de sécession avec Hirschfeld Il est intitulé Die Tante avec en illustration un buste d’homme habillé en femme avec le voile du chapeau rabaissé devant ses yeux
En 1933, après l’arrivée au pouvoir des nazis, la maison d’Adolf Brand est mise à sac : l’ensemble de ses archives aurait été confisqué par Ernst Röhm et Der Eigene est interdit de parution.
Hans Blüher (1874-1945) est un philosophe allemand. Il est connu comme l’un des premiers défenseurs de la libération homosexuelle allemande avant la Première Guerre mondiale et se fait connaître comme l’auteur de Die Wandervogelbewegung als erotisches Phänomen. Berlin-Tempelhof 1912, plaidoyer de l’amitié formatrice entre jeunes gens. Il publie Die Rolle der Erotik in der männlichen Gesellschaft, publié en deux tomes en 1917 et 1919. Adhérent de Der Eigene.
Selon lui, la confusion de départ entre androgynie et bisexualité fait fausse route: l’orientation sexuelle ne correspond pas selon lui à un genre plus ou moins masculin ou féminin, mais elle est innée et comporte un destin particulier. Il appelle cette orientation « inversion », afin de souligner qu’il s’agit d’une création de la nature de premier ordre, alors que ce que les psychiatres ont trouvé et nommé « homosexualité », ne repose que sur un projet fumeux pour pouvoir être classifié et mis dans une case exprimant une certaine pathologie. Il refuse le terme de pathologie dans ce domaine et voit plutôt dans cette orientation sexuelle, une recherche « héroïque » (Männerbund).
Virilité androgyne avec des illustrateurs comme Fidus (1868-1948) qui collabora à der Eigene
Nudité
Monte verita
Le Monte Verità est une colline située au-dessus d’Ascona. À la fin du XIXe siècle, un petit groupe de personnes emmené par l’industriel belge Henry Oedenkoven et sa compagne, la pianiste et féministe allemande Ida Hofman, acheta la colline. Les fondateurs y pratiquèrent ensuite une vie proche de la nature, végétarienne et nudiste, prônant ouvertement l’amour libre. Ils restèrent sur le Monte Verità jusqu’en 1920 et partirent ensuite pour le Brésil.
La colline devint alors le lieu de rencontre de célèbres penseurs et artistes, comme Hermann Hesse, Bruno Goetz, Carl Gustav Jung, ou Erich Mühsam, puis Gilbert Durand, Henry Corbin, Gershom Sholem et bien d’autres, qui animèrent également le Cercle Eranos, qui se réunissait non loin de là, au bord du lac Majeur, dans la Casa Eranos.
Elisar von Kupffer (1872-1942) pseudo Elisarion et Eduard von Mayer (1872-1960)
De 1925-1929, ils ont transformé leur villa de Minusio (sur le lac Majeur, en Suisse district Locarno) en une collection d’art, Sanctuaire Artis Elisarion. Depuis 1981, c’est un musée dédié à l’œuvre de von Kupffer. C aussi à Minusio que s’éteint le poète Stefan Georg (1868-1933)
1920 marque aussi un tournant dans l’histoire de Berlin. Le gouvernement réunit les villes et les villages de la région sous une administration commune. Berlin devient alors l’une des plus grandes villes du monde avec prés de 3,8 millions d’habitants.
Berlin ainsi que d’autres grandes villes du pays devinrent des centres de la vie homosexuelle allemande. A Berlin, des clubs comme le « Dorian Gray » et le « Tanzpalaste Zauberflöte » contribuèrent à la création d’un réseau social lesbien, permettant aux lesbiennes urbaines de vivre plus librement que celles des zones rurales. L’assouplissement de la censure permit l’apparition de nombreuses publications lesbiennes, parmi lesquelles les revues Frauenliebe (Amour féminin) et Die Freundin (L’amie).
La résurgence du conservatisme politique dans les dernières années de la République de Weimar déboucha sur une série de mesures répressives contre les homosexuels. En 1928, la police décida ainsi d’interdire Die Freundin et d’autres journaux lesbiens en application de la loi de protection de la jeunesse contre les publications obscènes.
Les revues : Fin de la censure sur la presse y compris homosexuelle après le procès du Freundschaft (1919), Monatsschrift für ideale Freundschaft (Berlin : Phoebus, 1919-1933) fondée par Karl Schulz. Ce «mensuel pour l’amitié idéale» était l’organe de presse d’une organisation de solidarité dont l’importance est relatée tout au long du Naufragé de Willy et Menalkas. La revue absorba en 1922 Freundschaft und Freiheit fondée par Brand et Uranos.
- En 1923, Radszuweit (1876-1932) fonde l’organisation Bund für Menschenrecht E.V. (BfM), qui travaille pour les droits des homosexuels et pour la suppression du paragraphe 175. Il fonde sa propre maison d’édition et publie le mensuel Zeitschrift für Menschenrecht (1923-1933). Friedrich Radszuweit publie Die Insel, Le Troisième Sexe, die Transvestiten (1929) Frauen Liebe und Leben, Die Freundin (1924–1933) dont Ruth Margarete Roellig est la plus connue des rédactrices régulières et qui visait aussi bien les lesbiennes que les travestis et Garçonne et tient une librairie. Sa société produisit aussi les premiers enregistrements pour gramophone avec une thématique homosexuelle. Männer zu verkaufen, Leipzig, Lipsia-Verlag, 1932,
Die Freundschaft
Extrait du Naufragé de Willy et Menalkas (1924)
« Je ne vois plus qu’une chose », déclara Carl, « c’est de refiler en Suisse, et de me faire engager comme danseur dans une boîte à tango,
chez Philibert ou ailleurs.
— Et comment vivre là-bas, avec ce sacré change, en attendant que tu te cases ?… La Suisse est pleine de princes russes et autrichiens, qui sont chasseurs de restaurants ou danseurs à cent sous la séance… Non, écoute : il m’est venu une autre idée. Tu dois bien te rappeler l’association
Die Freundschaft , que dirigeait déjà avant la guerre le docteur Hirschfeld, et qui avait pour but la défense des intérêts de… de tous les amis, comme son nom l’indique… (Leo, depuis son mariage, affectait une grande réserve de paroles), surtout, la lutte pour l’abolition de ce stupide article du Code Pénal, qui continue encore à faire de ces affections, des crimes de droit commun ?
— Oui, je crois bien ! Max de Hohenau, le demi-frère du prince Albert de Prusse, avait donné de l’argent pour cette machine-là… Ça existe toujours, alors ?
— Plus que jamais ! et même, ça va reprendre un nouvel essor ; pour le moment, c’est surtout une oeuvre d’assistance aux « amis » dans le besoin, les chômeurs, les mutilés de guerre… Moi, je ne m’en occupe plus ; depuis mon mariage, tu comprends… Ils ont été assez embêtés de me perdre, parce que je casquais ferme. Mais, pour toi, je ferai bien encore une démarche auprès du docteur Speyer, le secrétaire de Munich. Tu viendras avec moi ; il s’intéressera à toi, sûrement. »
Freundschaftblatt
Eros
Ferdinand Karsch-Haack (1853-1936)
Das gleichgeschlechtliche Leben der Chinesen, Japaner und Koreer (1906) Das gleichgeschlechtliche Leben der Naturvölker (1911)
Uranos : Blätter für ungeschmälertes Menschentum ; unabhängige uranische Monatsschrift für Wissenschaft, Polemik, Belletristik, Kunst / Hrsg.: Ferdinand Karsch, René Stelter (1921) reed. Hamburg : MännerschwarmSkript-Verl., 2002
Die Rolle der Homoerotik im Arabertum. Gesammelte Aufsätze 1921-1928
Karsch, Ferdinand. – Hamburg : MännerschwarmSkript-Verl., 2005
Erotische Grossstadtbilder als Kulturphänomene / H. 1. Wien und Berlin, 1926
Die deutsche Bewegung zur Aufhebung des § 175 R. St. G. B. und zur Beseitigung der Ächtung geschlechtlichen Verkehrs unter Geschlechtsgleichen. Karsch, Ferdinand. – Berlin-Pankow: F. Radszuweit, 1924
Friedrich S. KRAUSS (1859-1938)
[Anthropophyteia]: Jahrbuch für folkloristische Erhebungen und Forschungen, zur Entwicklungs-geschichte der geschlechtlichen Moral. 1904-1913. Friedrich S. KRAUSS (1859-1938), ed. Leipzig. 10 vols.
Et Kryptadia (1883-1911) « choses cachées » Recueil de documents pour servir à l’étude des traditions populaires. D’abord publié d’abord en Allemagne, « La science purifie tout », voilà la devise des Kryptadia. 12 vols
Tous les 2 with contributions on all languages except English.
Max Marcuse (Berlin 1877-Israel 1963) Zeitschrift für Sexualwissenschaft und Sexualpolitik, Bonn : A. Marcus & E. Webers Verlag, 1914-1928.
Iwan Bloch (1872-1922) il est considéré comme le premier sexologue. Il retrouvera le manuscrit des Cent Vingt Journées de Sodome du Marquis de Sade, qui était considéré comme perdu, et il le publiera en 1904 sous le pseudonyme de Eugène Dühren.
Helene Stöcker (1869, NY 1943) féministe, pacifiste et réformatrice sexuelle : Elle dirigera Mutterschutz, Maternité, journal de la ligue pour la maternité (1905-1907) ; Sexual-Probleme: Zeitschrift für sexualwissenschaft und sexualpolitik (1905-1914) ; Die Neue Generation, 1908–1932.
Écrivains :
Né au sein de la génération expressionniste allemande, Robert Musil est surtout connu pour son premier roman Les Désarrois de l’élève Törless (1906)
Thomas Mann, En 1912, publie der Tod in Venedig (La Mort à Venise).
Der Fall des Generalstabchefs Redl, livre d’Egon Erwin Kisch (1924)
Ann Elisabet Weirauch (Roumanie 1887-Berlin, 1970), Der Skorpion, le continum lesbien, trilogie 1919-21-31) 9 ans avant Le puits de solitude de Radclyffe Hall
Maximiliane Ackers, Freundinnen, Ein Roman unter Frauen, 1924.
Témoins anglais : Auden et Isherwood (Adieu à Berlin, Christopher et son monde : Christopher and His Kind (adapté pour la tv en 2011 par la BBC par Kevin Elyot), Stephen Spender (1909-1995) (Le Temple) Le roman qu’il entreprit en 1929 ne parut que près de 60 ans plus tard, en 1988, sous le titre The Temple. L’histoire est celle d’un jeune homme qui découvre dans l’Allemagne de la fin des années 1920 une culture plus tolérante qu’en Angleterre, notamment envers l’homosexualité masculine, mais en même temps gagnée par l’idéologie nazie. Dans son avant-propos à l’édition de 1988, Spender évoquera 1929 comme « la dernière année de cet étrange été indien que fut la République de Weimar ».
Christopher Isherwood arrive à Berlin en mars 1929 mais seulement pour passer une semaine de vacances avec son ami WH Auden. Il visita la ville trois fois cette année-là et c’est en novembre qu’il décida d’y rester définitivement. His première résidence parmanente fut une chambre de l’institut de sexologie de Magnus Hirschfeld, à In Der Zelten dans le quartier de Tiergarten. Il resta là jusqu’en octobre 1930,
Pendant quatre années, de 1929 à 1933, Isherwood va enseigner l’anglais et céder sans retenue à sa passion pour les beaux jeunes hommes dans cette société permissive. Ainsi il fera la connaissance d’Heinz Neddermeyer, son premier grand amour. Il écrit sur la vie sexuelle underground à Berlin ce qui servira à John Henry Mackay pour écrire Der Puppenjunge (1926, Le Prostitué).
Ces années sont décrites dans son ouvrage Histoires berlinoises (Berlin Stories), compilation de deux nouvelles : Mr. Norris change de train (Mr. Norris Changes Trains) de 1935, et Adieu à Berlin (Goodbye to Berlin) de 1939. Cette dernière sera adaptée plus tard au théâtre sous le titre I Am a Camera par John Van Druten, dont la première a lieu le 8 novembre 1951 et en 1966, à New York, John Kander et Fred Ebb en font une comédie musicale avec pour titre Cabaret, adaptée au cinéma, en 1972, par Bob Fosse, avec le film Cabaret interprété notamment par Liza Minnelli qui tient le rôle de Sally Bowles.
En 1935, Auden, poète, fait un mariage de convenance avec Erika Mann, la fille lesbienne de l’écrivain allemand Thomas Mann, pour lui permettre d’échapper au IIIe Reich
Témoins français : Ambroise Got (le vice organisé en Allemagne, Mercure de France. 1923), Willy, Octave Mirbeau, Gide,
Daniel Guérin (La peste brune, 1932 : (1904-1988) Il publie dans Vu, retour au barbare, mars 8, 1933 une interview d’un wild boy, Winnetou
Biblio-Filmographie :
Rosa von Praunheim (Holger Mischwitzky) L’Einstein du sexe, 1999.
les Femmes lesbiennes de Berlin de Ruth Margarete Roellig, préface Magnus Hirschfeld (1928) comprenant – Une préface du Dr Hirschfeld, appelant à la tolérance – Une introduction de l’auteur : considérations générales sur les lesbiennes – Une présentation des lieux de rencontre lesbiens de l’époque : le Hohenzollern, le Dorian Gray, le salon Meyer, l’Auluka, le café Olala, la cave Topp, le café Domino, la Taverne, l’Eldorado, le Club des Amies, le Violetta, le club Monbijou, Femmes entre Elles, le club des joueuses de pipeau du café Princesse, la Flute enchantée.
Monokel Tanz-Diele, Budapester Strasse 14 (Charlottenburg). Opened in 1931 by lesbian activist Lotte Hahn. Closed in accordance with the decree of 23 February 1933.
Le Naufragé, précédé de L’Ersatz d’amour, de Willy et Ménalkas (1923-1924)
Le film sur Lili Elbe, The Danish Girl (Tom Hooper, 2016) retrace la remarquable histoire d’amour des époux Wegener, Gerda, et Lili Elbe, née Einar Wegener, l’artiste danoise connue comme la première personne à avoir subi une chirurgie de réattribution sexuelle en 1930 (la première opération fut supervisée par hirschfeld).
Cabarets gays :
Eldorado : In 1919, a bar called Eldorado-Diele opened at Alte Jakobstraße 60, in the Kreuzberg district of the city, and advertised itself as a cosy bar-restaurant for older gay men. It was only to last two years.
However, over in Charlottenburg, businessman Ludwig Konjetschni was looking for a new lease of life for his cabaret and coffee-shop venture in Kantsrasse and, on 22 March 1922, opened The Eldorado. Advertised as a “Meeting Place For The International World” he directly targeted the homosexual community by advertising in gay and lesbian publications and over the next three years the venture was a huge success.
By 1927, Konjetschni was looking to move into the main entertainment district in Schöneberg and found suitable premises at the former August-Victoria-Säle dance hall at Lutherstrasse 30, directly opposite the famous Scala Variety Theatre.
Im berühmten Lokal „Eldorado“, das von vielen Transvestiten besucht wurde und in dem auch ‚Damenimitatoren‘ auftraten, war Hirschfeld wohlbekannt und wurde „Tante Magnesia“ genannt. Nach seinem Tod gab es haltlose Gerüchte, dass er selbst Transvestit gewesen sei (selon Harry Benjamin)
Les lieux
Cosy Corner fréquenté par Isherwood
Le Silhouette (1926-1933) faisait partie des rares clubs où les travestis hommes et femmes étaient acceptés tous deux.. Conrad Veidt, Maria Orska, Anita Berber, Hilde Hildebrand et la jeune Marlene Dietrich étaient des clients réguliers ainsi que des Princes, des comtes et des Barons.
Le Jockey bar (1929) : Klaus and Erika Mann, Alfred Kerr, Gustaf Gründgens, Jean Cocteau, André Gide, Ernest Hemingway et aussi Marlene Dietrich.
DéDé Bar (un genre pour vous)
The Kleist Casino (1921-1933 et 1950-2002) fut opérationnel jusqu’en 2002, and is now one of Berlin’s most outrageous gay bars, Bull (open 24 hours a day, 7 days a week) and it is thought to be the site of the oldest gay bar in Europe. Das Lokal war Anlaufpunkt prominenter nationalsozialistischer Homosexueller wie Ernst Röhm,[2] Philipp Prinz von Hessen und Paul Röhrbein.
In den 1960ern war hier Hubert Fichte regelmäßig zu Gast, aber auch Andreas Baader, der Mitte der sechziger Jahre dem Fotografen Herbert Tobias für eine Schwulenzeitung Modell saß.[1] Klaus Nomi unternahm in den späten Sechzigern hier seine ersten, noch erfolglosen Schritte als Sänger von Opern und Arien.[5] 1971 tauchte das Lokal im Rosa-von-Praunheim-Film „Nicht der Homosexuelle ist pervers, sondern die Situation, in der er lebt“ auf und repräsentierte den promiskuitiven Lebensstil vieler Schwuler. Manfred Salzgeber steht in dem Film vor dem Lokal und im Off ist der Kommentar zu hören: „2000 wechselnde Sexualpartner im Leben eines Schwulen sind oft der Ersatz für den Einen.“[1]
The Femina-Palast, The Femina-Palast was built in 1928 by architects Richard Bielenberg and Josef Moser. The ballroom doubled as a vaudeville theatre and featured performances by Josephine Baker amongst others. Patrons were served by flamboyant, transvestite waiting staff , there were telephones on the tables, and over the dance floor was a spectacular glass-domed roof that could be opened to give the feeling of dancing under the stars.
chansons
Max Hansen In 1932 the entertainer Max Hansen released the song
” War’n Sie Schon Mal in Mich Verliebt? ” (Weren’t You Once In Love With Me?)
It’s subject matter, inferring Hitler was gay, caused him a great deal of trouble. It was, however, a big hit but shortly afterwards Max Hansen fled Germany for Vienna.
Deux chansons communautaires :
Das Lila Lied (1920), dédiée à Magnus Hirschfeld,
https://www.youtube.com/watch?v=d_a3UkF3aTI
et 1980 : The Lavender Song – Ute Lemper
Doit-on en conclure
Que c’est ça la culture,
Si chaque être est réprouvé
Qui possède sagesse
Bonté, hardiesse
Et singularité,
Si ces mêmes gens
Précisément
Sont dans l’illégalité.
La plupart sont fiers pourtant
D’être d’un bois différent.
Refrain :
C’est comme ça : des autres nous sommes différents [1],
Ceux qui préfèrent marcher au pas de la seule morale
Vivent curieusement d’abord mille émerveillements,
Puis pour eux tout devient si banal, si banal.
Ils nous sont tellement étrangers, ces sentiments
Car de tout autres mondes nous sommes les enfants :
De la seule nuit mauve, qui est homosexuelle, nous sommes les amants
C’est comme ça : des autres nous sommes différents !
C’est un mal
Que la morale
Des autres sur nos têtes,
Car nous sommes
Ce que nous sommes,
Même si on nous arrête.
La corde au cou
Ce n’est pas pour nous,
On en conviendra,
Car bientôt
Très bientôt
Notre heure viendra.
Nous nous serons battus pour l’égalité des droits
Nous souffrirons moins mais nous avons souffert !
Et Wenn die beste Freundin (Marcellus Schiffer and Micha Spoliansky ‘Es Liegt in Der Luft’ ( It’s In The Air))
One of the 24 most notable scenes featured a relatively still unknown Marlene Dietrich duetting with rising-star Margo Lion. The pair play two affluent women on a shopping trip. As the song unfolds it becomes clear that they are both dissatisfied with their husbands and their relationship with each other is more than a little intimate.
The song ‘Wenn die beste Freundin’ ( When My Best Girlfriend) was a big hit and became an anthem for German lesbians in the late 20′s and early 30′s.
http://www.cabaret-berlin.com/?p=58
Wandervogel
Issu d’un lycée de Berlin vers 1895, ce mouvement va recruter surtout dans les classes moyennes des grandes villes. Il se caractérisera par un certain spontanéisme: pas de groupe structuré, plutôt des bandes qui se font et défont, sans maître à penser et avec le goût d’excursions pédestres plus ou moins lointaines sans but préétabli selon le terme d’où dérive leur nom, Wanderung (errance), loin des adultes
cinéma
Anders als die Anderen (1919)
Conrad Veidt (1893-“Any Berlin lady of the night might turn out to be a man: the prettiest girl on the street was Conrad Veidt, who later became an international film star” (Anita Loos 1923)
Attending a men-only costume ball at Magnus Hirshfeld’s Institute for Sexual Science in 1929, Christopher Isherwood observed:
“The respectability of the ball was open to doubt, but it did have one dazzling guest: Conrad Veidt. The great film star sat apart at his own table, impeccable in evening tails. He watched the dancing benevolently through his monocle as he sipped champagne and smoked a cigarette in a long holder. He seemed a supernatural figure, the guardian god of these festivities, who was graciously manifesting himself to his devotees. A few favoured ones approached and talked to him but without presuming to sit down”
(voir fiche)
Je ne voudrais pas être un homme (Ich möchte kein Mann sein) est un moyen-métrage allemand réalisé par Ernst Lubitsch sorti en 1918. Une jeune femme pleine d’énergie et sans beaucoup de manières, Ossi, est bridée par sa gouvernante et son oncle. Ce dernier part en voyage mais on lui présente un nouveau tuteur, qui se montre encore plus sévère. Constatant que les femmes manquent de liberté, elle décide de s’habiller en homme et se rend chez un tailleur pour commander un habit de soirée.
Elle se rend ainsi vêtue dans une boîte de nuit où elle se fait constamment bousculer par les hommes, mais où elle plaît également aux femmes. Elle y rencontre son tuteur, avec qui elle sympathise, puis flirte. Totalement ivres, et s’embrassant à pleine bouche, ils rentrent en calèche, mais chacun finit la nuit dans le lit de l’autre à la suite d’un quiproquo. Le lendemain matin, Ossi revient chez elle et y trouve son tuteur ; il finit par la reconnaître et ils tombent dans les bras l’un de l’autre, Ossi concluant par les mots : « Je ne voudrais pas être un homme ».
Loulou (Die Büchse der Pandora), Georg Wilhelm Pabst,1929. Avec Alwa, Schigolch et Rodrigo, elle s’enfuit et ils se retrouvent sur un yacht, tripot français fréquenté par la haute société. Son amie, la lesbienne Comtesse Anna Geschwitz, retrouve Loulou qui lui explique qu’elle est entraîneuse, qu’elle doit une forte somme à Rodrigo et lui demande de coucher avec lui pour effacer la dette. La Comtesse accepte, malgré sa répulsion du sexe masculin. La police effectue une descente. On retrouve Rodrigo mort.
Loulou, Alwa et Schigolch réussissent à s’échapper et à rejoindre Londres où ils échouent dans les bas quartiers, Alwa ayant dilapidé sa fortune au jeu. Loulou drague un passant et l’invite à monter dans la mansarde. Il lui dit qu’il n’a pas d’argent et elle lui répond ça ne fait rien, tu me plais. C’est Jack l’Éventreur qui la poignarde à mort.
Mädchen in uniform, film allemand (1931) de Leontine Sagan adaptée de la pièce Aujourd’hui et demain de Christa Winsloe. Jeunes filles en uniforme est le premier film dans l’histoire du cinéma allemand à avoir été à la fois un film commercial (c’est-à-dire destiné à générer des profits) et coproduit par les participants. La firme berlinoise Deutsche Film-Gemeinschaft a été créée spécialement pour ce film et dissoute ensuite. On est frappé aussi par la distribution exclusivement féminine du film, Il fut élu « meilleur film de l’année » en Allemagne et même aux USA, pour ses qualités plastiques et sa description de l’anti-militarisme. Remake avec Romy Schneider, par Géza von Radványi (1958).
- À l’époque, les sous-titres français du film ont été rédigés par Colette.
- Le film a connu un remake en 1958 avec Romy Schneider, Therese Giehse, Lilli Palmer, Christine Kaufmann etc.) puis en 2006 sous le titre Loving Annabelle.
- Viktor und Viktoria est un film musical allemand réalisée par Reinhold Schünzel en 1933, avec Renate Müller en femme se faisant passer pour un homme travesti en femme, même titre pour le film de 1957 de Karl Anton.
- Le Victor Victoria de Blake Edwards avec Julie Andrews en est un remake à succès de 1982, et une version française intitulée Georges et Georgette fut tournée par le même Reinhold Schünzel (avec un coréalisateur français, Roger Le Bon) également en 1933.
Arts plastiques, Bauhaus de Grotius (exposition de Weimar, 1923 : style dépouillé, sobriété et formes rationnelles carrées ou rectangulaires sans fioritures.), Otto Dix qui peint Anta Berber (1925)
Femme peintre : Jeanne Mammen (1890-1976)
Théâtre : le théâtre de l’Éros présente de Cesareon, « Satire et tragédie » au City Palace
L’Amie de Hermann Sudermann au residenz-theatre (Munich)
Juliana Rother aime passionnément son amie Alice von Hilgenfeld. Le malheur veut qu’Alice soit une femme normale, au début rebelle à la séduction. Juliana ne renonce pas à sa proie et réussit finalement à acquérir une telle emprise sur son amie qu’elle incite à abandonner foyer en enfant pour suivre la séductrice.
Théâtre éminemment déliquescent auquel, à mon su, nous ne pouvons opposer rien de pareil, et que du reste il n’y a pas lieu d’envier. Nous avons le théâtre cocuestre, la pièce du boulevard où l’adultère est analysé, trituré, disséqué dans ses manifestations les plus invraisemblables, nous avons les pièces à frisson du Grand-Guignol, abandonnons aux Allemands le triste privilège du théâtre homosexuel. (Ambroise Got Le vice organisé en Allemagne)
Sources :
Claudia Koonz, Les Mères-patrie du III e Reich, Lieu Commun / Histoire, 1989)
Mel Gordon, The Erotic World of Weimar Berlin (Expanded Edition, 2008)
Deborah Rudacille, The Riddle of Gender (l’énigme du genre), 2006
Robert Beachy, Gay Berlin: Birthplace of a Modern Identity, 2014.
[1] En 1919, Magnus Hirschfeld collaborait comme conseiller et acteur pour un film réalisé par Richard Oswald, Anders als die Anderen (Différent des autres).