COMMUNIQUE DE PRESSE
CEREMONIE DE LA DEPORTATION DU 29 AVRIL 2007
GERBE DES TRIANGLES ROSES
En 2007 à nouveau, les homosexuels et leurs proches déposeront leur propre gerbe pour la cérémonie du Souvenir, dimanche 29 avril 2007, après la cérémonie officielle.
Le Président de la République a reconnu officiellement la déportation homosexuelle parmi toutes les autres déportations, celles des juifs, des tsiganes, des malades mentaux et de beaucoup de minorités. Mais cela n’a pas suffi.
Pierre SEEL est mort après avoir obtenu la reconnaissance de déporté « politique ». Mais cela n’a pas suffi.
Nous étions heureux d’avoir été reçus cette année – pour la 1ère fois – en Préfecture aux côtés des associations d’anciens combattants, de déportés, d’internés et de résistants pour participer à la préparation des cérémonies commémoratives.
Nous avons demandé alors que les différents motifs de déportation ne soient pas oubliés dans les messages publics. Nous avons proposé aux associations de déportés de participer au dépôt de la gerbe commune.
Cela nous a été refusé.
Pour la mémoire des nôtres, dans le respect de toutes les déportations, dans la dignité, nous déposerons après la cérémonie officielle, comme nous le faisons depuis 12 ans maintenant – nous en tenant strictement à la seule liberté qui nous est donnée – la gerbe des Triangles Roses.
Nous appelons tous ceux qui le souhaitent à rester après la cérémonie officielle pour la déposer à nos côtés.
Monsieur le Préfet,
Mesdames, Messieurs les représentants des collectivités territoriales,
Mesdames et messieurs les Présidents et Présidentes
des Associations de Déportés, Internés, Résistants et Anciens Combattants
Merci de nous accueillir, pour cette 1ère année, en votre sein.
Ce fut une longue et difficile maturation.
Depuis 1995, des représentants des associations homosexuelles déposaient une gerbe au monument du Souvenir, à Marseille, mais c’était chaque fois après la cérémonie officielle marquant la Mémoire de la Déportation.
Notre présence était à peine tolérée.
En quelque sorte, nous étions mis à l’épreuve. Vous nous avez mis à l’épreuve.
Aujourd’hui où les droits des homosexuels sont enfin mieux admis dans notre société, il nous est un peu plus facile de nous faire entendre. Il vous est plus facile de nous comprendre.
C’est une réalité, de nombreux homosexuels ont été déportés, au titre de leur homosexualité.
Si nous déposions une gerbe à Paris, à Marseille et dans bien d’autres villes de France, c’est parce que Pierre SEEL s’était levé, témoignant, dans les années 90, de sa déportation.
Déporté à 17-18 ans au camp de Schirmek-Vorbruck parce qu’il avait été repéré comme homosexuel dans les fichiers de la police française, il a témoigné sur le fait qu’il a reconnu d’autres homosexuels déportés et torturés comme lui.
Des travaux d’historiens entrepris récemment ont retrouvé les noms de plus de 200 homosexuels issus des 3 départements d’Alsace-Moselle annexés par le Reich.
Et nous pressentons que ces recherches historiques, trop récentes et partielles, ne permettent pas d’avoir un regard complet sur cette question.
Cette question de la déportation des homosexuels ne doit pas être un sujet tabou. Il faudrait qu’on laisse davantage les historiens travailler en France, comme à l’étranger.
Dans l’ensemble de l’Europe – qui nous est si proche aujourd’hui – les chiffres sur la déportation homosexuelle varient de 1 à 10 (de 30 000 à 300 000), on voit l’ampleur des investigations qu’il reste à poursuivre pour donner sa vraie place à cette déportation.
Si nous sommes ici aujourd’hui, c’est qu’enfin l’homosexualité n’est plus un délit, c’est qu’enfin elle est reconnue à part entière parmi les droits des hommes et des femmes à vivre leur propre vie.
Il a fallu des années à Pierre SEEL pour qu’il passe du statut de prisonnier de droit commun (emprisonné pour des raisons « d’immoralité ») à un statut de prisonnier politique, emprisonné parce qu’il était différent, simplement parce qu’il était différent.
Et les déportés qui ont la parole dans le film « Paragraphe 175 » ont tous été contraints de taire pendant des décennies leurs déportations parce que la cause de leur déportation n’était pas avouable. Ils ont vécu le restant de leur vie en continuant à se cacher parce que ce paragraphe 175, motif officiel de leur déportation, était encore en vigueur dans les pays de l’ancien Reich.
Aujourd’hui, vous nous accueillez clairement parmi vous parce que vous reconnaissez qu’évoquer la mémoire de ces hommes et de ces femmes est devenu normal.
Nous vous en remercions.
Nous remercions les femmes et les hommes politiques qui nous ont soutenus pendant toutes ces années de présence silencieuse, nous remercions M. le directeur de Cabinet du Préfet de nous avoir invité, nous remercions le Président Agostini de nous avoir reçu amicalement à la Maison du Combattant, nous remercions le père Igor Vassilieff pour son constant soutien. Nous remercions le Président Dreyfus dont les propos nous ont profondément touchés lorsqu’il s’est exprimé à titre personnel dans le cadre de la cérémonie officielle.
L’association Mémoire des Sexualités à Marseille, en liaison étroite avec l’association nationale du Mémorial de la Déportation Homosexuelle, est à vos côtés, dans un respect total de toutes les autres déportations qui vous ont durement éprouvé, victimes de la Shoah, combattants, résistants, prisonniers politiques, ou encore toutes les autres minorités si souvent oubliées dont nous nous sentons proches (tsiganes, témoins de Jéhovah, francs-maçons, jeunes marginaux, malades mentaux, handicapés, prostituées…).
Nous sommes à vos côtés, solidaires dans l’émotion et dans la mémoire.
Nous avons, pour conclure, deux demandes immédiates à formuler :
– Nous souhaitons que la déportation homosexuelle, comme toutes les autres, soit mentionnée dans les discours, ou au moins ne soit pas oubliée.
– Nous souhaitons formellement et symboliquement participer à l’achat de la gerbe commune.
Je vous remercie.
Christian de Leusse
Président de Mémoire des Sexualités
Délégué de Mémorial de la Déportation Homosexuelle
INVITATION
POUR NE PAS OUBLIER
Vous êtes cordialement invités à vous rassembler
pour le dépôt de la gerbe
en Mémoire des Homosexuel-le-s déporté-e-s
après la cérémonie officielle
Dimanche 29 avril 2007
Journée du Souvenir
au
Monument de la Déportation
à Marseille
(Place Daviel, derrière l’Hôtel de Ville)
à 9 h 45
L’Europe des libertés ne peut se construire
sans reconnaître tous les crimes d’un passé
qu’elle voudrait à jamais aboli.