Cérémonie de la Déportation Marseille 2006 :
Les homosexuels reprennent une place
En 2003, Pierre Seel était à Marseille, avec nous, à l’invitation de l’Association Mémoire des Sexualités, aboutissement de 8 ans de participation obstinée à cette cérémonie par les associations lesbiennes et homosexuelles de Marseille. Pierre Seel était très bien reçu en Mairie par l’Adjoint délégué aux Anciens Combattants (M. Moscati), il était longuement interviewé par FR3.
C’était aussi l’année de la récupération. Une nouvelle association (« les Oubliés de la Mémoire » – par appropriation sans son accord du titre du dernier livre de Jean le Bitoux -, association intimement liée à la Lesbian & Gay Pride Marseille) était apparue 3 jours avant la venue de Pierre Seel, déployant son drapeau sans son accord ni celui de l’association invitante, derrière le siège de Pierre Seel, en mairie le jeudi, arborant son drapeau frappé du triangle rose parmi les porte-drapeaux, le dimanche, et cherchant à « confisquer » les images tournées par FR3 sur la venue de Pierre Seel, le mardi.
En 2004, l’association Mémoire des Sexualité renonce à déposer une gerbe. Cette nouvelle association, désormais dénommée les ODLM, ayant occupé le devant de la scène sans concertation en 2003, il ne paraîtrait pas compréhensible d’étaler au grand jour des divergences entre homosexuels : s’ils veulent porter un drapeau, ils souhaitent peut-être aussi déposer la gerbe des déportés homosexuels. Mais le jour de la cérémonie, hormis leur drapeau un peu noyé dans la masse des drapeaux, ils ne font rien pour témoigner de façon visible de la déportation homosexuelle.
En 2005, cette nouvelle association est en quelque sorte adoubée par la Fédération des Centres Gays et Lesbiens (le porte parole de la Fédération et celui des ODLM vont ensemble rencontrer le Directeur Général de l’Office National des Anciens Combattants), et échoue de justesse à prendre place parmi les associations membres de l’Inter LBGT Ile de France.
Mémoire des Sexualités, contre vents et marées, décide de déposer à nouveau une gerbe après la cérémonie, dans un climat de défiance extraordinaire : toute la confiance qui a été gagnée auprès des autorités, de la presse, ou des associations d’anciens combattants et victimes de guerre, en 8 ans, est comme anéantie.
Pendant ce temps le porte-drapeau des ODLM est reçu en Mairie par le Maire qui offre un buffet grandiose à l’occasion du 60ème anniversaire de la libération des camps.
En 2006, grâce à un travail méthodique de reprise de contact avec les uns et les autres la présence des homosexuels, des lesbiennes et des transsexuels à la cérémonie de la Déportation est un succès. S’ils ne sont pas encore intégrés à la cérémonie officielle, leur dépôt de gerbe est reconnu et encouragé.
Il y a d’abord la participation active à la coordination nationale constituée par l’association du Mémorial de la Déportation Homosexuelle (MDH). Le décès de Pierre Seel en novembre 2005 et les tentatives de récupération de ce décès (le jour de son décès, de ses funérailles, puis encore 4 mois après) par les ODLM ont ouvert les yeux des sceptiques et contribué à tisser le réseau des associations respectueuses de sa mémoire et de ses proches.
Les associations d’anciens combattants, victimes de guerre et résistants ont été contactées. M. Agostini président du comité de coordination des associations a été longuement rencontré. Plusieurs d’entre elles participent à un débat organisé par Mémoire des Sexualités et le MDH, trois jours avant la cérémonie, sur « les persécutions et déportations nazies ».
Les autorités publiques ont reçu de nombreux courriers, les amenant à se positionner peu à peu. La Mairie a fini par annoncer la présence de M. Moscati au dépôt de gerbe des homosexuels. La Préfecture a fini par exprimer ses excuses et son souhait d’associer les homosexuels aux réunions préparatoires à l’avenir. Il faut dire que les injonctions du Ministère des Anciens Combattants – activé par le réseau national – étaient passées par là.
La presse enfin a joué son rôle, le gratuit « 20 minutes », mais aussi « la Marseillaise », « la Provence », ou encore FR3.
Le jour de la cérémonie de la Déportation, environ 30 à 40 personnes sont restées pour accompagner Karine Espineira, transsexuelle, membre du CEL et animatrice de l’association Sans Contrefaçon, et Christian de Leusse, de Mémoire des Sexualités Marseille, lors du dépôt de gerbe, après une brève prise de parole de ce dernier.
Il y avait des femmes et hommes politiques (Maurice Di Nocéra et Mme Misrahi pour l’UMP, Sylvie Andrieux, vice-présidente du Conseil Régional, pour le PS, Annick Boët présidente du groupe communiste au Conseil municipal, ou Christian Pellicani, conseiller d’arrondissement PC), mais aussi nombre de leurs proches (un collaborateur du député UMP Guy Tessier, par exemple).
Outre, le porte drapeau des ODLM, un porte drapeau des combattants d’Algérie est resté pour honorer ce dépôt de gerbe.
Igor Vassilieff, prêtre catholique, président de l’UDAC – qui chaque année prononce l’absoute lors de la cérémonie officielle, en évoquant aussi la déportation homosexuelle – était là, il venait auparavant d’informer le grand rabbin ; celui-ci avait, selon lui, manifesté une attention réelle à l’égard de cette démarche des homosexuels. Mme Torros-Marter, présidente de l’Amicale des Déporté d’Auschwitz, a tenu à rester pour ce dépôt de gerbe et à exprimer sa solidarité. Il est vrai qu’elle avait assisté en 1997 à la conférence donnée par Pierre Seel au Goethe Institut à Marseille, et lui avait exprimé son amitié.
Enfin les homosexuels, les lesbiennes et les transsexuels, et leurs amis, ont été assez nombreux, une vingtaine sans doute. Mais surtout un public non défini est resté, assez nombreux, pour cette petite cérémonie, accompagnée par le chef du protocole de la Mairie. Un homme s’est détaché après la cérémonie, il est venu serré la main de Christian, en disant uniquement 3 fois de suite « Enfin, enfin, enfin ».
2 mai 2006 Christian de Leusse Mémoire des Sexualités Marseille Mémorial de la Déportation Homosexuelle
Dans le cadre de la Célébration de la Journée du Souvenir
dimanche 30 avril 2006
Le Mémorial de la Déportation Homosexuelle vous invite
Vendredi 28 avril 2006, à 18h
Avec
- M. Emile Témime sur l’histoire des déportations nazies
- Mme Toros-Marter, Amicale des Déportés d’Auschwitz sur la Shoah (sous réserve)
- Mme Lopez-Théry, Fonds pour la Mémoire de la Déportation
- M. Igor Vassilieff, UDAC (déportés, d’internés et de résistants)
- Dr Clarté, psychiatre sur les déportations liées aux handicaps mentaux
- Mme Kaiserman, Handicap Amitiés Culture (sous réserve)
- M. Bruno Etienne sur les francs-maçons (sous réserve)
- M. Bruno Gachard, Mémorial de la Déportation homosexuelle
à un débat sur :
Les persécutions et les déportations nazies
à la Cité des Associations
93 la Canebière 13001 Marseille
A côté des déportations massives et odieuses concernant les juifs, les opposants politiques et les résistants,
de nombreuses autres catégories de populations ont été déportées, persécutées ou torturées.
Les travaux des historiens nous aident à mieux connaître toutes ces « minorités » :
objecteurs de conscience, tsiganes, francs-maçons, homosexuels et lesbiennes, jeunes marginaux (aux cheveux longs, attirés par le jazz ou la culture américaine, souvent appelés « zazous »), croyants d’églises ou de sectes (témoins de Jéhovah) refusant le dogme nazi, libre penseurs, minorités ethniques (noirs, slaves…), personnes accueillant des prisonniers de guerre, prostituées, ou encore handicapés physiques et mentaux, personnes atteintes de maladies génétiques, « asociaux », mendiants, sans abris ou vagabonds…
Nous souhaitons donner toute sa place à la Shoah et au drame absolu qu’elle représente. Nous voulons aussi entendre les opposants politiques et les résistants qui ont affronté à mains nues les armes des nazis et de leurs soutiens. Nous souhaitons aussi entendre la voix ténue des minorités écrasées au nom de l’édification de la race supérieure.
INVITATION :
POUR NE PAS OUBLIER
Vous êtes cordialement invités à vous rassembler
pour le dépôt de la gerbe
en Mémoire des Homosexuel-le-s déporté-e-s
après la cérémonie officielle
Dimanche 30 avril 2006
Journée du Souvenir
au
Monument de la Déportation
à Marseille
(Place Daviel, derrière l’Hôtel de Ville)
à 9 h 45
Votre présence lors de la cérémonie sera une pierre à l’édifice.
L’Europe des libertés ne peut se construire
sans reconnaître tous les crimes d’un passé
qu’elle voudrait à jamais aboli.