1975-1982 : parution de la revue Sorcières, Les Femmes vivent, créée par Xavière Gauthier, 33 ans, philosophe et chercheuse au CNRS, en plein débat sur le vote de la loi Veil, sur le droit à l’avortement
2ème partie des années 1970 : à Marseille, l’assouplissement de la censure sur les films amène une déferlante de films X dans de nombreux cinémas de la ville et à la multiplication des sex-shops dans le centre-ville
1975-1978 : en RDA, à Berlin-Est, Charlotte von Mahlsdorf (née Lothar Berfelde, 1928-2002) organise le HIB (la société d’intérêt homosexuel de Berlin) qui réunit ses membres dans des appartements privés et des restaurants ; en avril 1978, Uschi Sillge organisera une rencontre nationale des lesbiennes à Mahlsdorf interrompue par la police, obligeant les participantes à se replier dans des appartements privés
1975 : Cinéma : « Salo ou les 120 journées de Sodome » de Pasolini, « Violence et passion » de Visconti, « Mais qu’est-ce qu’elles veulent ? » de Coline Serreau. Variétés : Queen (Bohemian Rhapsody et Death on Two Legs).
1975 : sortie du film « Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles » de Chantal Akerman, sur l’intérieur domestique d’une prostituée belge qui finit par tuer son client, le film sera perçu comme emblématique des mouvements de libération des femmes
1975 : pour la première fois la censure française autorise la diffusion d’Un chant d’amour, court-métrage de Jean Genet datant de 1950
1975 : sortie de Johan, mon été 75, de Philippe Valois, 75 ans, film pionnier du cinéma gay, c’est la première fois que les jardins publics, les urinoirs et les saunas parisiens sont sous les regards « j’étais un peu fou et inconscient » dira plus tard l’auteur, le film est classé X et pour permettre sa sortie en salle des scènes trop explicites sont supprimées ; en 2006 il retrouvera les bobines et reconstituera le film dans sa version originale avec un titre un peu différent Johan, Journal intime homosexuel d’un été 75
1975 : parution du livre Prostitution de Pierre Guyotat, il décrit un univers fait de sexe, de misère, d’oppression, avec une écriture inédite qui est en elle-même un univers ; il écrira en 2000 Progénitures
1975 : parution de Les Amantes de l’Allemande de l’Est Elfriede Jelinek, Brigitte et Paula ne se connaissent pas mais elles veulent s’en sortir, elles se marient chacune de son côté, clichés et fantasme de l’amour, ironie cinglante et phrases assassines
1975 : sortie en France de Anthologie du plaisir d’Alex de Renzy sorti aux USA en 1970, de Exhibition de Jean-François Davy qui présentent des scènes de sexe non simulées et de Change pas de main de Paul Véchiali ; un an après le succès colossal d’Emmanuelle de Just Jaeckin et Les Incestueuses de José Bénazéraf ; l’année suivante Catherine Breillat réalise Une vraie jeune fille qui comportent des séquences explicites, et sortira en 1999 sur les écrans
1975 : le Larousse en 6 volumes donne la définition du mot inversion : « Inversion sexuelle : anomalie consistant, pour un individu, à ressentir ou à se prêter les impulsions sexuelles et le caractère du sexe opposé au sien. L’inversion sexuelle est l’aspect psychique de l’homosexualité : elle s’appelle uranisme chez les hommes et saphisme pour les femmes »
1975 : création de l’association Beaumont Continental qui a pour objet l’entraide et le soutien pour les personnes transgenres (un objet qui veut dépasser la question de la transsexualité)
1975 : à Paris se forme le Groupe des lesbiennes féministes (GLF) pour un lesbianisme révolutionnaire « parce que c’est une remise en question de la sexualité, ce qui entraine une remise en question de la société dans ce qu’elle a de plus fondamental : la famille, l’enfant, la reproduction, l’économie »; elles créeront la 1ère revue lesbienne le Journal des lesbiennes féministes
1975 : le gouvernement de Jacques Chirac cesse d’interdire les films pornographiques aux moins de 18 ans mais les frappe d’un régime fiscal punitif, avec le label des films X
1975 : Arcadie organise le colloque « Etre homophile en France », c’est l’année où le ministre de l’Intérieur, Michel Poniatovski, lève l’interdiction de la vente publique de la revue ; la revue Arcadie revendique 30 000 abonnés, soit une augmentation continue depuis plusieurs années : 12 000 à 15 000 en 1972, 25 000 en 1974 ; une enquête diffusée en 1974 auprès des lecteurs indique que 8,1% sont dans la tranche des plus de 60 ans, les femmes sont un lectorat important, les hommes sont légèrement surreprésentés dans la tranche des 25-40 ans, les lecteurs sont pour 50% issus de Paris et la région parisienne, les lecteurs sont à 30% cadres supérieurs, professions libérales et intellectuels, à 40% employés et commerçants, 10% ouvriers, 7% retraités, 5% agriculteurs et ruraux ; un autre sondage révèlera que 20% des lecteurs n’ont quasiment pas de vie affective et que 50% considèrent avoir une vie sexuelle satisfaisante, 80% voient une amélioration malgré tout de leur situation dans les dernières années
1975 : Robert Badinter, avocat, proche de François Mitterrand, reçoit André Baudry ; André Baudry dira « Nous avons entretenu à partir de ce moment-là des relations courtoises, aimables » ; de son côté Robert Badinter se passionne pour le sujet jusqu’à donner des conférences devant le public arcadien, analysant « le conflit qu’il y a à l’intérieur de nos sociétés occidentales, d’un côté l’influence judéo-chrétienne, de l’autre la civilisation gréco-romaine » (il analysera davantage cela dans une pièce de théâtre sur Oscar Wilde C.3.3, qu’il écrira en 1995) ; jeune avocat au début des années 1950, Badinter a rencontré des homosexuels proclamés, dans les arts, la littérature ou le spectacle, et il a été marqué par l’histoire d’un notable de province, marié, père de famille, qui a été poursuivi pour homosexualité et s’est supprimé, il sensibilise Mitterrand sur cette question
1975 : le journaliste Bernard Guetta travaille au Nouvel Observateur, il y remarque Jean-Louis Bory qui a renvoyé à l’ambassade du Maroc une invitation adressée à M. Jean-Louis Bory et Madame, en retour, sur sa réclamation, il reçoit une autre invitation libellée « M. Jean-Louis Bory et Monsieur » et apprécie que le Nouvel Obs offre sa couverture à son ami Guy Hocquenghem pour y plaider la reconnaissance et la liberté de l’homosexualité
1975 : année du basculement de l’attitude des homosexuels, après la révolte radicale du FHAR (sans concession à l’égard de la presse d’extrême gauche à la suite de l’expérience cuisante de Tout ! en 1972), le GLH choisit d’écrire dans les journaux révolutionnaires ; des articles paraîtront dans Poing Noir, Front libertaire, Crosse en l’air, Rouge, Tribune socialiste, Révolution !, L’outil-Révolution, ils seront récapitulés dans GLH-PQ Revue de presse sur l’homosexualité en 1977 « Entre élections et révolutions ; ce vice bourgeois » ; le GLH-PQ, plus pragmatique, choisira l’action collective qui repose sur l’alliance avec d’autres formations politiques comme les mouvements d’extrême gauche et d’autres types de lutte comme le mouvement des femmes ; il y a en revanche une forte réticence vis-à-vis de la CGT et du PCF : « l’attitude de cette centrale et du PCF est bien connue ; Duclos voulait qu’on aille se faire soigner » déclare Jean L. à Gilles Santis (1977)
1975 : les naissances hors mariage stable au dessous de 10% depuis 1900, dépassent désormais ce seuil (elles dépasseront les 50% dans les années 2000)
1975 : parution du Grand Bazar de Daniel Cohn-Bendit dans lequel il raconte son expérience d’éducateur dans un jardin d’enfants autogérés de Francfort : « Il m’était arrivé plusieurs fois que certains gosses ouvrent ma braguette et commencent à me chatouiller. Je réagissais de manière différente selon les circonstances mais leur désir me posait un problème. Je leur demandais : ‘Pourquoi ne jouez-vous pas ensemble, pourquoi m’avez-vous choisi, moi, et pas les autres gosses ?’. Mais s’ils insistaient, je les caressais quand même »
1975 : année de scission du mouvement Cuir SM français entre parisiens et provinciaux, les parisiens créent l’A.S.M.F. et le Boy’s Cuir de Marseille devient le F.S.M.C. (France Sport Moto Club)
1975 : à Marseille se tient la première rencontre régionale d’Arcadie, avec autour de M. Donnadieu, correspondant local, MM. Saint-Hilaire et Chevaly
1975 : à Lyon, plusieurs militants dont Jean-Paul Montanari ont tenté de lancer un FHAR, mais sans succès, quelque temps après ils fonderont le GLH (groupe de libération homosexuel), certains de ses membres soutiennent la révolte des prostituées lyonnaises lors de leur occupation de l’église Saint-Dizier, dans le 1er arr. ; en parallèle, un Centre des femmes ouvre, lié au MLF et au MLAC, à l’intérieur duquel se constitue un mouvement lesbien, il constitue le Groupe des Lesbiennes (GL) de Lyon qui lance le 1er fanzine lesbien français Quand les femmes s’aiment auquel collaborera le groupe lesbien de Paris
1975 : à Bordeaux, création du GLH par Georges Andrieux et Daniel Galy, en liaison avec la tendance Politique et Quotidien (du GLH PQ parisien), favorisé par l’amitié entre Jean Le Bitoux (1948-2010) et Georges Andrieux (1948-1993) ; le GLH de Bordeaux initie les bulletins GLH en faveur du regroupement national des homosexuels qui préparent la rencontre nationale qui se tiendra à Lyon en novembre 1978 ; le GLH deviendra le GHB (groupe homosexuel de Bordeaux) en 1979
1975 : à Lille, les premières réunions du mouvement homosexuel chrétien David et Jonathan se tiennent dans le presbytère de l’église Saint-Maurice, près de la gare ; les homosexuels se draguent entre les absides de l’église, près de la tasse (pissotière circulaire), dans le premier sauna homo de la rue Sain-Jacques, au café Gargantua (qui deviendra Peacock Café), le cinéma l’Omnia, ou au jardin Vauban (avec sa « grotte de la Sainte-Verge ») ; l’historien Sébastien Landrieux expliquera (Le Monde du 19 janvier 2022) que le café Le Molière (qui deviendra le Dracir) est depuis les années 1920 un lieu d’observation du manège des usagers des urinoirs souterrains les plus fréquentés de la ville, ils sont aussi une vraie souricière, pour éviter le flagrant délit il fallait briser les ampoules
1975 : au Havre, William Phillipe est attiré par le fort de Sainte-Adresse qui domine la ville, encore occupé par des militaires, il voit des masses d’ombres grises contraintes de raser les murs, avec quelques personnages exubérants, il rencontre des artistes et des notables
1975 : la loi sur le divorce est largement réformée avec notamment la possibilité du consentement mutuel ; le divorce instauré par la Révolution en 1792, annulé par la Restauration en 1816, réintroduit par la loi Naquet en 1884, a été condamné par le gouvernement du Vichy
1975 : en Grande-Bretagne, la CHE (compaign for homosexuel equality) – qui revendique, dans une logique réformiste, l’égalité des droits entre homosexuel-les et hétérosexuel-les – compte près de 5 000 membres et environ 100 groupes locaux
1975 (?) : en Grande-Bretagne, Antony Gray (1927-2010), dirigeant du HLRS (Homosexual Law Reform Society) devenu SLRS (Sexual Law Reform Society), qui entretient de bonnes relations avec Arcadie, est durement attaqué par les militants du Gay Liberation Front (GLF)
1975 : aux USA, Kenneth Anger, icône gay née en 1927 à Santa Monica, publie Hollywood Babylone dans lequel il décrit l’envers du décor des stars de Hollywood ; de 1937 à 2010 il réalise de nombreux films marqués par l’homoérotisme sur de nombreux sujets de sociétés
1975 : aux USA, parution du livre d’Anaïs Nin A Woman Speaks (Ce que je voulais vous dire) dans lequel elle souligne la méconnaissance que les femmes ont des autres femmes : « Il faut rattraper le temps perdu. Nous avons beaucoup à rattraper ; il faut remonter le courant. Nous ne nous connaissons même pas nos écrivains féminins. Nous ne connaissons pas nos artistes. Nous commençons à peine à découvrir les femmes. Donc, il y a beaucoup à faire et j’espère que les hommes se montreront patients pendant ce temps. »
1975 : aux USA, le photographe Tom Bianchi entreprend de photographier la vie homosexuelle à Fire Island, fine langue de terre, en bordure de côte Atlantique, à 2 heures de New York (il y fera des Polaroïd jusqu’en 1983) ; deux établissements accueillent la clientèle le Blue Whale, à l’entrée du port, et l’Ice Palace, pour les spectacles en play back ; déjà l’île était la destination préférée de l’élite artistique de New York dans les années 1920, avec la possibilité de pratiquer le nudisme ; après-guerre c’était le refuge de ceux qui fuient le conservatisme américain, Tennessee William, Benjamin Britten, W.H Auden, Patricia Highsmith ou la fondatrice de l’Actors Studio Cheryl Crawford ; le petit théâtre construit à côté de l’embarcadère est devenu « le plus vieux théâtre gay des USA » ; les étés de Fire Island sont devenus le rendez-vous des hommes de Greenwich Village et sont un peu considérés comme la matrice des émeutes de Stonewall en 1969 ; avec l’arrivée du sida un réseau d’entraide se mettra en place, piloté par des lesbiennes ; Michael Fischer, venu découvrir l’ile en 1985, réalisera en 2018 un documentaire Cherry Grove Stories à partir d’une quarantaine de photos et de films 8mm, afin d’éviter que « l’histoire de Fire Island se perde » ; le souvenir du refus d’accueillir un homme habillé en femme dans un restaurant du hameau des Pines en 1976 sera commémoré tous les ans par un débarquement extravagant tous les 4 juillet, à l’initiative de la drag queen Panzi (Thom Hansen)
1975 : aux USA, le photographe indien Sunil Gupta, 23 ans, parcourt Christopher Street et Greenwich Village, cœur battant du mouvement gay naissant : « Période bénie, les émeutes de Stonewall, survenues en 1969 dans le quartier ont ouvert la voie à une liberté inédite. Et le sida n’est pas encore là… Les hommes s’habillent comme ils en ont envie. On croise tous les styles possibles, des hippies en flanelle, des employés de bureau en costume, des hommes habillés en ouvriers ou en bûcherons. Et tour cela va ensemble. »
1975 : à l’ONU, 1ère conférence mondiale des femmes, l’année est consacrée Année Internationale de la femme
1975 : loi contre la discrimination sexiste à l’embauche ; début des grandes campagnes contre le viol
1975 : l’association Beaumont Continental (ABC) permet un regroupement des personnes s’exprimant par le transvestisme
1975 : Roland Barthes écrit : « Le pouvoir de jouissance d’une perversion (en l’occurrence celle des deux H : homosexualité et haschich) est toujours sous-estimé. La Loi, la Doxa, la Science ne veulent pas comprendre que la perversion, tout simplement rend heureux ; pour préciser davantage, elle produit un plus : je suis plus sensible, plus perceptif, plus loquace, mieux distrait, etc., et dans ce plus vient se loger la différence (et partant, le Texte de la vie, la vie comme texte). »
1975 : Gilles Santis écrit un article Entretien avec le GLH, qui prendra place dans le Dossier de presse sur l’homosexualité du GLH-PQ en 1977, l’un des interlocuteurs Jean L. relève qu’il y a une certaine diminution de la répression, au moins « au niveau intellectuel », la télévision commence à parler de l’homosexualité, pas dans le sens qui conviendrait, mais au moins on en parle ; mais le même fait état d’un jeune homosexuel qui « faute de pouvoir s’accepter a sombré dans le délire » envoyé à l’Hôtel Dieu « les médecins l’ont gardé 3 semaines… pendant lesquelles ils lui ont administré du valium. Après quoi, la famille l’a récupéré plutôt mal en point » ; d’autres entretiens évoquent la relance les cas d’agression sur les lieux de drague (comme le jardin des Tuileries) et les interventions de la « brigade homosexuelle » de Paris : Christian F. a été pris dans une rafle sur un quai de gare (on était 5 ou 6 au poste, on subit une intimidation psychologique du style on va prévenir ton patron ; il y a eu une rafle considérable aux Tuileries il y a un mois,80 à 1000 homosexuels ont été embarqués en même temps dans des estafettes, quand on sait qu’il suffit de 2 à 4 inscriptions sur le registre pour ouvrir une enquête auprès de l’employeur ou une autre de moralité, on mesure l’ampleur de la répression sociale qui peut s’abattre sur les homosexuels), Raymond L. mentionne qu’il a un ami « qui a reçu quatre paires de claques aux Tuileries, il y a 2 ou 3 jours, c’était des flics en civil, ils sont arrivés en bagnoles pleins phares, ils sont descendus au Carrousel, ils ont frappé quelques types, ils ont proféré des insultes »
1975 : à Paris, Norbert Terry ouvre le 1er cinéma porno rue Vivienne La Marotte, deux ans plus tard il ouvrira le Club Vidéo Gay rue du Dragon, il deviendra le premier producteur de films homo-érotiques en France
1975 : création de groupes David et Jonathan en province en 1975-1977
1975 : l’année est officiellement déclarée Année de la femme
1975 : à la question de savoir comment décrire l’homosexualité 42% des personnes interrogées considèrent que c’est une maladie à guérir, 24% pensent que c’est un comportement comme un autre et 22% soutiennent que c’est une perversion à combattre ; comme parents, 3% des personnes disent qu’elles ne seraient pas dérangées, 16% déclarent que ça leur ferait de la peine, 34% chercheraient à faire changer leur enfant et 38% seraient profondément choquées et ferait tout pour changer les choses
1975 : parution du livre de Michel Tournier Les Météores dans lequel l’un des frères inséparables dont la gémellité est implicitement érotisée accuse les « sans-pareil » d’être nés avec un jumeau qu’ils auraient dévorés dans le ventre maternel; « Le sexe, c’est la force centrifuge qui vous chasse dehors. Hors d’ici ! Va baiser dehors ! C’est le sens de la prohibition de l’inceste. Pas de ça ici ! Monopole de papa ! Et si on sort, ce n’est évidemment pas pour des promenades solitaires. Le sexe ne vous expulse de chez vous que pour vous jeter dans les bras du premier venu. » écrit Tournier
1975 : parution du livre La sexualité en Islam d’Abdelwehab Boudhiba
1975 : au Vatican, la Congrégation pour la doctrine de la foi publie Personna humana, déclaration sur certaines questions d’éthique sexuelle : « Parmi les homosexuels qui sont définitivement tels par une sorte d’instinct inné ou de constitution pathologique jugée incurable…, certains concluent que leur tendance est à tel point naturelle qu’elle doit être considérée comme justifiant, pour eux, des relations homosexuelles dans une sincère communion de vie et d’amour analogue au mariage en tant qu’ils se sentent incapables de supporter une vie solitaire. Certes, dans l’action pastorale, ces homosexuels doivent être accueillis avec compréhension… Leur culpabilité sera jugée avec prudence. Mais nulle méthiode pastorale ne peut être employée qui, parce que ces actes seraient estimés conformes à la condition que ces personnes, leur accorderait une justification morale. Selon l’ordre moral…, les actes d’homosexualité sont intrinsèquement désordonnés et ils ne peuvent en aucun cas recevoir quelque approbation » ; par cette déclaration, le Vatican condamne l’homosexualité mais pas les homosexuels qui sont incités à la chasteté, c’est la 1ère fois que l’Eglise consacre un document spécifique à ce sujet ; les références implicites sont, entre autres, celles du Lévitique (18,22) : « Tu ne coucheras pas avec un homme comme on couche avec une femme. C’est une abomination »
1975 : création de l’association SOS Femmes battues et mise en place de la 1ère permanence téléphonique pour les femmes battues ; parution du n°1 du menstruel Les femmes s’entêtent des féministes révolutionnaires libertaires dirigé par Cathy Bernheim
1975 : à Aix en Provence, le FHAR a disparu, il laisse la place au groupe Sexpol, ce sont un peu les mêmes qui s’y retrouvent, mais d’autres militants apparaissent, gay comme Jacques Poché (et son ami Jeannot) et Valdo Bouyard, ou non (2 hétéros), une fille Joëlle, le groupe dure peu de temps, il laissera la place au GLH, groupe de libération homosexuelle
1975 : Phoang, 20 ans, fuit le Vietnam ; en France il verra tous ses amis fauchés par le VIH, tombant aux Halles sur des affaires personnelles de morts du sida jetées aux encombrants, avec des photos de personnes qu’il avait connues, il sera obsédé par l’idée de rassembler des souvenirs qui racontent la communauté gay, atteint lui-même du VIH, il se battra pour conserver la mémoire, il créera l’Académie Gay et Lesbienne afin d’y rassembler le maximum de documents dans sa maison de la région parisienne
1975 : Dominique Besnehard a 20 ans, venu d’Houlgate, il se passionne pour le théâtre et le cinéma, il tombe amoureux de Jean-Luc Boutté, grand sociétaire de la Comédie-Française puis metteur en scène, de 7 ans plus âgé que lui, qui mourra de la maladie de Hodgkin en 1995 ; Besnehard tournera dans plus de 90 films et deviendra agent d’artistes
1975 : en Israël, 6 personnes créent l’association The Aguda afin de supprimer la loi héritée des Britanniques pénalisant les rapports entre hommes, mais jamais appliquée, elles entreprennent plusieurs actions en particulier destinées à poursuivre les propriétaires qui ne veulent pas louer aux homosexuels
Début 1975 : à Paris, le GLH regroupe rapidement une trentaine de militants, ils s’activent (distribution de tracts sur les marchés, affichage, inscription du sigle GLH à la bombe sur les pissotières), la tendance « unitaire » partage un local avec un groupe antimilitariste connu sous le nom de MRAP rue du Faubourg Saint-Denis et tient une permanence tous les vendredi soir ; mais en février 1975 le local est plastiqué par un groupe d’intervention nationaliste laissant le GLH à la rue et dans la division ; après moins de 2 années le GLH se divisera en 3 entités : GLH PQ, GLH Groupe de base et GLH 14 décembre ; le plasticage, puis les crispations sévères autour de la participation à la journée du 1er mai (participer à la manifestation du matin avec les organisations gauchistes ou à celle de l’après-midi avec les partis politiques et syndicats traditionnels ?) feront qu’une majorité des anciens de Philandros (proche du PCF) se retirent progressivement du groupe
Janvier 1975 : parution du n°1 de la revue Sexpol : toute forme de frustration sexuelle doit être abolie et le désir doit s’exprimer librement, sans gêne ni censure ; elle contient un entretien de Daniel Guérin et divers témoignages, Françoise d’Eaubonne participe à la revue ; Daniel Guérin dénonce Jean Daniel du Nouvel Observateur qui selon lui se livre à un « boycott systématique de ses œuvres » car l’homosexualité « compromettait les idées de gauche »
17 janvier 1975 : promulgation de la loi Veil qui suspend pour 5 ans l’application de l’article 317 du Code Pénal (loi de 1920) qui considère l’avortement comme un crime, mais toute propagande en faveur de la contraception ou de l’avortement reste interdite ; il y a alors 70 comités MLAC sur la région parisienne
21 janvier 1975 : le film Les Amitiés particulières sert d’introduction à un débat de l’émission Les Dossiers de l’écran sur Antenne 2 sur le thème Des amitiés particulières aux amours interdits, c’est une des premières fois que ce sujet est présenté à une heure de grande écoute à la télévision française, participent au débat André Baudry, Jean-Louis Bory : « Je n’avoue pas que je suis homosexuel, parce que je n’en ai pas honte. Je ne proclame pas que je suis homosexuel, parce que je n’en suis pas fier. Je dis que je suis homosexuel parce que cela est.« , Roger Peyrefitte l’auteur du livre dont est tiré le film de Jean Delannoy, l’écrivain Yves Navarre, l’ancien député Paul Mirguet, auteur de l’amendement de juillet 1960 désignant l’homosexualité comme un « fléau social », le prêtre Xavier Thévenot, le Dr Liberman neuropsychiatre à Dijon et Pr Klotz endocrinologue à l’hôpital Beaujon ; aucune lesbienne n’a été invitée ; les défenseurs de l’homosexualité dominent le débat, un sondage est cité qui montre que seule une minorité de Français considèrent l’homosexualité comme un « fléau social »; André Baudry d’Arcadie, reçoit à cette occasion une couverture publicitaire sans précédent ; les questions sont filtrées par Anne-Marie Laborde et Guy Darbois ; l’émission avait été déprogrammée au dernier moment en octobre 1973 par Arthur Comte PDG de l’ORTF puis non diffusée pour cause de grève au dernier trimestre 1974 ; les propos tenus mettent en avant implicitement le fait qu’on ne nait pas homosexuel on le devient, on estimera à 19 millions le nombre de téléspectateurs ; c’est l’apothéose quantitative du mouvement Arcadie, l’émission télévisé y contribue, le revue annonce 20 000 abonnées, elle en annoncera 30 000 en 1976 et 40 000 en 1977 (ces chiffres seront considérés comme surestimés, 15 000 serait le maximum) ; terrible destin pour les deux écrivains courageux, Jean-Louis Bory se suicidera 4 ans plus tard en 1979, Yves Navarre à son tour se suicidera en 1994 à 51 ans ; le contexte exige du courage alors que pour 48% des français l’homosexualité est une maladie à guérir et pour 22% d’entre eux une perversion à combattre
21 janvier 1975 : à 20 ans, Jan-Paul Pouliquen, marié depuis peu à une amie qui voulait faire plaisir à son père, fonctionnaire à la mairie de Paris, regarde cette émission, « Faut aller se faire soigner, mon pauvre garçon ! » lui a dit sa mère, dactylo, il fait semblant de ne pas écouter mais il est très marqué par ce débat ; il deviendra un militant très actif, fondateur du CUARH (comité d’urgence anti-répression homosexuelle) en 1979, journaliste à Homophonies, puis promoteur du CUS (contrat d’union civile) puis du Pacs
22 janvier 1975 : à Marseille, le journal alternatif La Criée rend compte du spectacle Fauves de la troupe Les Mirabelles (à Aix-en-Provence au Théâtre du Centre, puis à Marseille au Mini-Théâtre), au début 1974 ils étaient quatre Gilles, Didier, Pascal et Jean-Marie, acteurs, chanteurs, musiciens, Denis les a rejoint, puis Michel, ils sont devenus Nini Crépon, Marie Bonheur, Loulou Bonheur, Ginette Plumetis, fauves séparés du public par des barreaux, dirigés par Rocco Uccelli le dompteur
23 janvier 1975 : invitation de Michou et d’acteurs de son cabaret lors de l’émission Champs Elysées de Michel Drucker ; il sera aussi invité au Grand Echiquier de Jacques Chancel, aux côtés de Marie-Paule Belle et de Serge Lama ; Michou sera aussi invité par Marie-Laure de Noailles dans son magnifique hôtel particulier ; puis un 14 juillet lors d’un bal chez Frédéric Castet organisé par la maison Dior ; Michou connait toujours plus de stars, acteurs et chanteurs, après une soirée passée avec Jacques Brel dans son cabaret, le poète et compositeur Bernard Dimey écrira pour lui le 29 mai 1981, soit 2 mois avant sa mort : « Tout Paris le connaît, il a déjà sa légende, on le plaisante, on le charrie, mais s’il n’était pas là, je sais qu’il nous manquerait terriblement. », il recevra Bette Midler, Diana Ross, Sylvie Vartan, Mireille Mathieu ; Jean Poiret s’est inspiré de son cabaret pour créer La Cage aux Folles en 1973 ; grâce à Line Renaud, il créera Paris by night à Tokyo en 1984
Février 1975 : dans le Nouvel Observateur, Guy Sitbon, chaud partisan de la libération sexuelle, fait un reportage sur des travaux pratiques de sexologie à la faculté de Vincennes, il y est question d’une discussion entre le professeur et un groupe d’étudiants au sujet du dégoût et des odeurs corporelles, le président de la faculté supprimera les travaux dirigés de sexologie et menacera le journal ; désormais les petites annonces feront leur apparition dans le journal, inspirées de celles de Libération, mais beaucoup moins osées
3 février 1975 : mort de la chanteuse et actrice égyptienne Oum Kalthoum (1898-1975), formée à la littérature française par le poète Ahmed Rami et accompagnée au luth par Mohamed El Qasabji, elle fait une tournée dans le Moyen-Orient en 1932, sa notoriété est internationale quand Nasser l’invite en en 1948 ; elle épouse en 1953 son médecin Hassen El Hafnaoi, libre de divorcer quand elle le voudra ; en 1967 elle chante à Paris à l’Olympia et donne une série de concert au profit du gouvernement égyptien après la guerre des Six Jours, israélo-arabe ; elle apporte des secours à de nombreuses familles pauvres et deviendra « la cantatrice du peuple »
Mars 1975 : aux Pays-Bas, 1ère assemblée générale du Front lesbien international à Amsterdam qui réunit 500 lesbiennes hollandaises, américaines, françaises, danoises et australiennes
Mars 1975 : création du GLH de Mulhouse, le 1er GLH de province, après celui de Paris, après une petite annonce dans Libération, après un an et demi d’existence soit en octobre 1976, 85 personnes (dont 6 femmes) auront pris contact avec lui ; puis bientôt constitution d’un groupe d’homosexuels à Angoulême
25 mars 1975 : Minute se scandalise du fait que Jean-Louis Bory et Daniel Guérin (présenté comme président du « Front homosexuel révolutionnaire ») aient pu venir parler à des lycéens de Genesa, Val d’Oise, pour affirmer que l’homosexualité n’est pas un « fléau social » mais une recherche comme une autre du plaisir
30 mars 1975 : France-Soir titre « les homosexuels font leur marché le dimanche » se moquant de la distribution de tracts du GLH le dimanche, des défilés du GLH en tenue de carnaval sur les grands boulevards pour Mardi-Gras, la projection gratuite du film de Jean Genet Un Chant d’amour un « samedi soir dans une salle de patronage laïc du XVème arr. à l’attention de tous ceux qui se réclament du 3ème sexe », les interventions du GLH en lycée dans le cadre du « 10% pédagogiques » ou encore le défilé lors du jour de la déportation
Avril 1975 : en URSS, Gradov, un homosexuel de 22 ans, est couvert de bleus, le médecin Mikhail Stern (La vie sexuelle en URSS, Albin Michel, 1979) qui le découvre dans un camp du goulag s’en étonne, il lui est répondu que refusant d’être sodomisé, il était périodiquement roué de coups sauvagement par les « droit commun », il avait été un jour emmené à l’infirmerie, souffrant de saignements à l’anus, à la suite d’un viol collectif ; au camp, les pédérastes forment la caste des intouchables, l’organisation des baraquements, l’attribution des lits, la construction des cloisons étant décidée par les prisonniers, les gardiens feignent l’ignorance complète et laissent faire, une partie du baraquement est séparée et réservée aux pédérastes, de même au réfectoire et aux toilettes, et on les force à exécuter les travaux les plus pénibles, ceux qui ont eu un contact (hormis un rapport sexuel actif) quelconque, même par mégarde, avec les pédérastes sont les dégradés, ils devront à leur tour manger avec eux, etc. ; en 1977, Kosolapov sera tué d’un coup de couteau au camp ITK-12 pour avoir refusé de tendre le cul, dans l’indifférence complète des autorités
27 avril 1975 : lors de la cérémonie nationale du Souvenir de la Déportation, une délégation du GLH et du GLH-PQ (ex-groupe XIème arr.) emmenée par Guy Hocquenghem avec une gerbe pour les déportés aux triangles roses, est expulsée par la police et leur gerbe refusée
Mai 1975 : levée de l’interdiction d’affichage de la revue Arcadie dans les kiosques sur décision du ministre de l’Intérieur Michel Poniatowski ; dans la foulée la revue Homo retrouve la ventre libre, puis en 1976 ce sera la revue Dialogues homophiles, puis Sexpol, Olympe, In, Hommes, Don et Andros
Mai 1975 : Michel Foucault est aux USA pour donner des cours à Claremont College en Californie, avec Simeon Wade et Michael Stoneman, il fait une expérience de « drogue et de sexe sans lendemain », dans la vallée de la Mort à Furnace Creek, ils prennent du LSD, Foucault en parlera comme de « la plus grande expérience de (s)a vie« , c’est pour lui une parenthèse de bacchanales (d’activités physiques, de désirs et de nudité), de discussions philosophiques et esthétiques, et un moment d’expérience augmentée que racontera Simeon Wade, citant des courriers exaltés de Foucault ; le projet d’histoire de la sexualité de Foucault s’en trouvera modifié, il s’éloignera d’une théorie de la normalisation et du contrôle du corps (La Volonté de savoir) et plongera au cœur de la subjectivation sexuelle, antique et chrétienne, avec l’Usage des plaisirs, le Souci de soi et l’inachevé Aveux de la chair, il aura aussi un projet de livre sur les drogues et leur (contre-)culture en Occident ; Wade racontera que Foucault a puisé l’ « intuition fondamentale » de son œuvre dans les propos de son directeur à Normale Sup qui lui promettait de le guérir de son homosexualité et de le faire interner « pour son bien »
Mai 1975 : le GLH de Mulhouse participe à la marche antinucléaire de Fessenheim, il distribue 3 000 tracts et tient un stand d’information
1er mai 1975 : le GLH se heurtent aux manifestants de la CGT qui déchirent leurs banderoles, les « folles » sont dans la manifestation à leurs côtés ; de 1ères crispations sont apparues – au risque de provoquer une scission – sur le principe de participer ou pas à cette manifestation et sur le choix de la manifestation, celle du matin avec les organisations d’extrême gauche ou celle de l(‘après-midi avec les partis politiques traditionnels et les syndicats ; Michel Heim considèrera que les AG du GLH deviennent de plus en plus théoriques et prennent le pas sur les actions militantes, et bientôt une majorité des anciens de Philandros se retireront du GLH
6 mai 1975 : la Sécurité sociale rembourse les contraceptifs ; les mineurs sont autorisés à les utiliser
30 mai 1975 : mort de l’acteur suisse Michel Simon (1895-1975), il débute au théâtre avec la troupe des Pitoëff et devient célèbre dans le rôle de Clo-Clo de Jean de la Lune de Marcel Achard ; il interprète ses personnages avec un relief étonnant, dans Boudu sauvé des eaux, Drôle de drame et Quai des brumes de Jean Renoir en 1923, 1937 et 1938, Les Disparus de Saint Agil de Christian Jaque en 1938, Fric-Frac de Maurice Lehman et Claude Autan-Lara, La Fin du jour de Julien Duvivier, Circonstances atténuantes de Jean Boyer en 1939, La Beauté du diable de René Clair en 1950, La Poison de Sacha Guitry en 1951, Le Vieil homme et l’enfant de Claude Berri en 1966, parmi une centaine de films ; misanthrope, anarchiste, proche des exclus, solitaire, entouré de ses animaux familiers, il n’a de préjugé ni sentimental ni affectif, il avoue ses expériences sexuelles avec des garçons
2 juin 1975 : à Lyon, des prostituées occupent l’église Saint-Nizier pour protester contre les violences institutionnelles et le harcèlement policier dont elles sont la cible, avec le soutien des mouvements féministes, elle s’insurgent contre la dégradation de leurs conditions de travail de 1972 à 1974 ; elles sont 100 le premier jour et 400 le 4ème jour, et font appel au mouvement le Nid, des prêtres de différentes villes acceptent l’occupation de leurs églises ; créateur à 19 ans d’une revue anarchiste publiée de 1967 à 1970, vivant un couple homosexuel depuis juillet 1968, Michel Chomarat se rend sur place avec son dazibao » La répression s’abat également sur les homosexuels – qui paient également des PV de 16 francs – qui sont également poursuivis par la police de Lyon. Nous exigeons la libre disposition de notre corps. Nous sommes de ce fait solidaires de la juste cause des femmes. » En parlant de la libre disposition de notre corps il reprenait le slogan du FHAR et du MLF
21 juin 1975 : dans Libération, Jean-Luc Hennig affirme que « Ce qui compte pour l’instant pour les homosexuels, c’est peut-être plus de mesurer leurs forces, de constituer un vaste mouvement (comme outre-atlantique) qui puisse mettre en échec dans l’immédiat le système répressif qui les mutile, les humilie. »
Eté 1975 : Alain Huet, Jean Le Bitoux et Michel Heim se rendent ensemble au congrès de la CHE (compaign for homosexuel equality) à Sheffield, en Grande-Bretagne ; ce sont les 3 personnalités – partagées entre ceux qui souhaitent suivre la démarche réformiste de la CHE et ceux qui veulent une démarche lutte de classes – qui vont chacun prendre la tête de l’une des futures tendances
Juillet-août 1975 : parution du n°1 de Nouvelles Questions Féministes publiée par la Ligue du droit des femmes, Simone de Beauvoir en est la directrice de publication
Juillet 1975 : en R.F. d’Allemagne, Alice Schwarzer (1945-2009) apparaît avec son nom et sa photo dans le magazine Brigitte ce qui fait sensation, elle a fondé le 1er groupe lesbien à Münster
11 juillet 1975 : la loi reconnaît le divorce par consentement mutuel, le divorce pour rupture de la vie commune et le divorce pour faute
14 juillet 1975 : un bal est organisé quai de la Tournelle, comme chaque 14 juillet dira Hugues Fischer (futur président d’Act Up Paris) « C’était noir de monde, ça débordait de partout ! Nous sortions des backrooms pour faire la fête à la vue de tous. C’est ça la libération ! »
13-14 septembre 1975 : week-end du GLH unitaire consacré au mouvement homosexuel, au regard des positions du FHAR et d’Arcadie ; la « tendance XVIIIème arr. » (qui deviendra GLH Groupe de base à la fin 1975) est davantage sur une position réformiste, privilégiant la dépénalisation de l’homosexualité
Octobre 1975 : des militants des diverses tendance du GLH unitaire de Paris créent le bulletin Agence Tasse, au nom de l’APPELS (association populaire pour l’éducation et la libération sexuelle), une petite annonce dans Libération en a annoncé le projet
Octobre 1975 : constitution d’un groupe d’homosexuels à Rouen, des réunions périodiques se tiennent avec près d’une vingtaine de personnes ; il deviendra GLH en janvier 1976 avec l’obtention d’un local
15 octobre 1975 : mort du sociétaire de la Comédie française Jacques Charon (1920-1975), grand acteur de pièces comiques, à la vivacité de jeu, souvent efféminé, à l’élégance classique, il favorisait les jeunes comédiens qui acceptaient ses avances
Novembre 1975 : assises nationales de la prostitution à la Mutualité ; parution du n°1 de L’Cause dirigée par Marcelle Fonfreide ; parution du n°1 de L’Information des femmes dirigée par Michèle Baron ; parution du n°1 du mensuel Les Cahiers du féminisme tiré à 3000 exemplaires par les trotskistes de la LCR (Ligue communiste révolutionnaire)
Novembre 1975 : aux USA, l’université de Columbia offre l’occasion de 3 jours de rencontre-confrontation internationale entre la contre-culture américaine et une bande d’intellectuels français, Williams Burroughs et le compositeur John Cage ont été invités, ainsi que Jean-François Lyotard, Michel Foucault, Gilles Deleuze et Félix Guattari, comme si les grands représentants du mouvement de Mai 68 avaient opéré une percée profonde dans l’existentialisme des années 1950 et le structuralisme des années 1960, et si la « révolution du désir » avait mis en place une stratégie de dissolution des systèmes qui soutiennent ces courants de pensée, l’organisateur est un jeune professeur Français de littérature comparée, Sylvère Lotringer ; Michel Foucault qui travaille sur son Histoire de la sexualité fait son intervention sur le thème « Nous ne sommes pas réprimés, lorsqu’il parle de la masturbation au XVIIIème siècle un groupe de partisans du gourou complotiste Lyndon LaRouche vient semer le chaos accusant Foucault d’être à la solde de la CIA, lorsque Félix Guattari s’exprime la féministe radicale Ti-Grace Atkinson le fait huer par ses partisanes, lors de la soirée de clôture la Schizo Party tourne à la bagarre générale ; l’évènement aura de profondes répercussions, la French Theory y prend naissance, en 1976 le philosophe Jacques Derrida rejoindra rapidement ce courant intellectuel avec sa déconstruction ; au cours des décennies qui suivront, de nombreux courants critiques naîtront de ces rencontres, le relativisme moral, l’obsession des systèmes de pouvoirs, le rejet de l’occident et des « métarécits » (le marxisme, Les Lumières, les religions, la psychanalyse), la pensée décoloniale, la critique de la société de consommation, le néoféminisme, les revendications gays et lesbiennes, les cultural studies et des sous-champs identitaires, études ethniques et postcoloniales, études intersectionnelles, études de genre, etc. ; ainsi Judith Butler puisera-t-elle chez Foucault et chez Derrida le fondement de sa théorie du genre
1er-2 novembre 1975 : en Italie, assassinat de Pier Paolo Pasolini (1922-1975), adorant ses parents et son frère,il adhère au parti communiste et devient un professeur admiré, un soir il est surpris par les gendarmes avec deux jeunes garçons, accusé de corruption de mineurs, il est renvoyé de l’université et exclu du PCI, à 27 ans il devient à moitié clochard se mêlant à des jeunes voleurs et prostitués, il écrit Ragazzi di Vita publié en 1955 lorsqu’il a 33 ans, le livre poursuivi pour obscénités apporte la célébrité à l’auteur, il devient figurant, assistant, scénariste de films de Fellini et B olognini, et se passionne pour le cinéma, avec Acatone en 1961, Mamma Roma en 1962, il montre ses obsessions sadomasochiste et pour le corps masculin ; puis l’Evangile selon Saint Mathieu est fêté par l’Eglise catholique tandis que d’autres y voient un esthétisme pédérastique, et l’ange rédempteur de Théorème en 1968 le conduit à recevoir le grand prix de l’Office catholique du cinéma ; dans Le Décameron en 1971, Les Contes de Canterbury en 1972 et Les Mille et une nuit en 1974 il révèle ses goûts pour de jeunes acteurs dans des intrigues hétérosexuelles ; il porte à l’écran Œdipe roi en 1967 et Médée avec La Callas 1969, son dernier film Salo ou les 120 Journées de Sodome en 1975 il présente une violence insoutenable où se mêlent un pouvoir fasciste et l’homosexualité ; c’est dans ses écrits (Actes impurs, Amado mio, Les Anges distraits) qu’il avoue son homosexualité qu’il avait toujours mal acceptée ; il meurt assassiné tard dans la nuit – le Jour des Morts notent les Italiens – sur une plage d’Ostie, probablement par le prostitué Giuseppe Pelosi, 17 ans, avec lequel il venait de diner, mais quatre personnes se sont acharnées, aux cris de « sale pédé, sale communiste » ; peu de temps auparavant, le 20 mars 1975, il avait déclaré à Il Mondo : « Je suis comme un Noir dans une société raciste qui a voulu se gratifier d’un esprit de tolérance. Je suis un toléré. » ; Dominique Fernandez écrit « Un hara-kiri dans le sordide. » ; Pasolini dinait la veille avec Ninetto Davoli, l’amour de sa vie, ils se connaissent depuis 1962, le calabrais a alors 14 ans dans le film La Ricotta, il a été l’ange exterminateur dans Théorème 1968, puis joue dans le Décaméron 1971, provoquant le scandale ; Pasolini célèbre la vitalité de Davoli dans les Sonnets 1971-1972 mais aussi sa dérive lorsque Davoli veut se marier, le renversement est total pour Pasolini qui désormais « regarde la mort avec joie » ; Alberto Moravia parlera « d’une figure centrale de notre culture, un poète qui avait marqué une époque, un réalisateur brillant, un essayiste inépuisable » et l’ayant vu, en Afrique, rentrer couvert de bleus et de bosses d’une virée nocturne, il écrira : « C’est refuser sa mort au poète que de lui refuser cette apothéose sacrificielle, ce délire d’immolation inconsciemment recherché depuis vingt-cinq ans. » ou encore « Avec la violence, Pasolini a vécu ce qu’a vécu Rimbaud avec l’aube. » ; Ninetto Davoli déclare qu’il était « plus haï qu’aimé par les intellectuels. Décalé. Très seul. C’est aujourd’hui que le vide se fait sentir. », pour lui « La Trilogie de la vie (Décameron, Contes de Canterbury et Mille et une nuits) était l’ultime espoir d’une période gaie. Il avait pris conscience que le monde changeait de manière dramatique » ; quelque temps plus tard sera édité Pétrole, livre bancal et inachevé dans lequel Pasolini décrira jusqu’à l’écœurement près de 20 fellations pratiquées sur des jeunes gens dans un terrain vague ; il a subit une trentaine de procédures judiciaires, autant pour des affaires de droit commun que pour des affaires de mœurs ; le spécialiste de Pasolini, Walter Siti, fera un lien avec la mort d’Enrico Mattei, patron de l’ENI, (la Cie nationale des hydrocarbures) – dont l’avion s’est écrasé en Lombardie en 1962 -, car le livre très documenté, de 2 000 pages, que préparait Pasolini Pétrole (dont 1/4 seulement sera édité, selon une traduction de René de Ceccaty qui parlera de « chef-d’œuvre »), il constatera qu’une soixantaine de feuillet du manuscrit avaient disparus du domicile de Pasolini (et en 2010 le sénateur Marcello Dell’Utri proche de Silvio Berlusconi se vantera de détenir le chapitre manquant) et donnera d’autres informations attestant de liens entre Eugenio Cefis l’un des dirigeants de l’ENI, Démocratie chrétienne, Mafia, CIA et Cies pétrolières… ; le philosophe Jean-Paul Curnier analysera, en 2005 (dans CAIRN Info), le « message » de Pasolini : « L’évocation d’un monde perdu et avili par l’hédonisme consumériste est régulièrement associée à une dégradation esthétique des corps… Sa pensée est à la fois rigoureusement matérialiste et fondamentalement sensualiste… Ce sensualisme est consubstantiel à son oeuvre, il parle des corps et dit vouloir parler avec le corps… De la sorte prend forme une sorte d’érotique virile et sentimentale de la critique, un érotisme du ‘polemos’ et de l’engagement politique… Par delà l’homosexualité, le sensualisme irradie l’ensemble de ses œuvres… L’homosexualité devrait beaucoup de ce qu’elle est à l’émotion singulière faite de l’enchaînement sans fin de variations sensitives et sensuelles qui fait le monde des lettres et de l’art… L’art comme la pensée sont affaire de volupté, d’une forme particulière, spécifique de la volupté, et les œuvres en sont tout ensemble l’instrument, le témoignage et le mode de transmission… Comment parler autrement que sensuellement d’une sensualité disparue du monde, comment parler du sexe sans en parler d’une façon ‘sexuée’, comment parler autrement que poétiquement d’une poésie qui a disparu des actes et des choses ?… A partir des années 1970, il s’agit pour Pasolini d’engager tout ce que peut la littérature et, avec elle, la poésie et tout ce que peut le cinéma aussi dans une bataille décisive »
7 novembre 1975 : sur Antenne 2, Bernard Pivot reçoit les écrivaines Kate Millett, Muriel Cerf et Hélène Cixous pour parler à partir de leurs ouvrages respectifs de La sexualité des femmes », Kate Millett auteur de La Politique du mâle vient de publier le texte autobiographique En Vol ; à la suite de cette émission une adaptation théâtrale du texte de Kate Millett sera réalisée, une troupe de théâtre sera nommée Lilith Folies et à Lyon sera créée la Villa Lilith ; Monique Wittig expliquera le mot Lilith en 1976 dans un livre coécrit avec Sande Zeig Brouillon pour un dictionnaire des amantes : « les amantes ont utilisé le nom de la forte amante d’Eve » lors d’un rassemblement qui s’est tenu en Gaule
18 novembre 1975 : Minute tient des propos haineux et méprisants à l’égard de l’homosexualité en critiquant la diffusion du film de John Schlessinger Un dimanche comme les autres sur FR3, « l’accouplement » de deux hommes dans un lit est taxé « d’ignominie »
19 Novembre 1975 : l’Humanité publie un texte d’Alain L. de Chelles favorable à l’ouverture des cellules du PCF aux homosexuels : « Il faut que l’on admette que l’individu doit choisir sa sexualité sans être blamé », la vie conjugale n’est pas le signe distinctif de l’exemplarité d’un bon communiste « plus jamais cela ! » ; le 10 décembre, les réponses à cette lettre seront acerbes, en amalgamant homosexualité et pédérastie ou en déclarant « le bon sens ouvrier ou paysan s’insurge contre de tels mœurs » contre ce « vice des classes possédantes, des nantis, des gens blasés par tous les plaisirs de la vie »
22 novembre 1975 : à Marseille, 200 homosexuels du mouvement Arcadie se réunissent à l’Alhambra (en face de la gare de la Blancarde) sur le thème « Comment être homophile en 1975 », discours d’ouverture d’André Baudry, différentes table-rondes (« Homophilie et vie familiale », « Homophilie et vie en Province », « Homophilie et activité professionnelle », etc.), le thème de la liberté de vivre est mis en avant , face à la désespérance de la vie dans une petite ville de Province, aux insultes et aux coups, face aux schémas imposés par la société patriarcale ; l’émergence des mouvements contestataires (FHAR, l’Antinorm) met en évidence de grosses divergences, la prise de position du PCF selon lequel il n’y a pas d’homosexuels dans la classe ouvrière et l’homosexualité est une déviation typiquement bourgeoise (cf. un débat sur FR3 entre un représentant de l’Humanité et André Baudry) ; dans le n° 262 d’Arcadie, M. Baudry ne compte pas sur l’Etat ni sur l’Eglise, ni sur la société pour modifier les choses : « Celui qui modifiera votre vie c’est Vous et Vous seul. VOUS…VOUS… » ; 30 000 personnes adhèrent à Arcadie dit l’auteur de l’article du journal marginal La Criée du 26 novembre, sur 3 millions de personnes qui se disent homophiles en France, en sont réduits à restés isolés
3 décembre 1975 : création d’un groupe homosexuel à Lille
13-14 décembre 1975 : week-end du GLH unitaire organisé à l’origine en vue de préparer un bulletin intérieur ouvert à toutes les tendances qui devient la week-end de l’éclatement ; les tensions étant de plus en plus fortes entre les tendances, la tendance PQ (Politique et quotidien) sous l’impulsion de Jean Nicolas, proche de la LCR, favorable à la « convergence avec les luttes des femmes et du mouvement ouvrier » lance l’invitation (pour se retrouver au centre international de la Villa Montsouris) tandis que la tendance qui va devenir GLH GB (Groupe de base, ou GLH XVIIIème), plutôt « réformiste » mais en faveur d’un véritable mouvement de masse, animé par Michel Heim, Jean Nicolas stigmatise leur refus de « convergence avec la lutte des femmes et du mouvement ouvrier »), fait signer sa propre pétition et crée une 1ère scission, et qu’un autre groupe se crée autour d’un texte de Jacques Mao qui écrit « les ouvriers sont nos meilleurs alliés et les femmes nos pires ennemis » entraînant les réactions des lesbiennes regroupées sous le nom des Pétroleuses, c’est la 2ème scission avec d’un côté la tendance GLH 14 décembre et de l’autre le GLH-PQ ; le GLH GB qui est en faveur d’un mouvement de masse ouvert à tous les homosexuels, va s’organiser en groupes de quartier et un groupe dirigeant, le GLH PQ souhaite construire un « front général anti-répression », le GLH 14 décembre avec son manifeste ouvert aux contributions de chacun, refuse les structures contraignantes et se méfie de la rhétorique militante
16 décembre 1975 : arrêt de la Cour de Cassation le changement d’état-civil devient plus difficile au nom de l’ « indisponibilité des personnes » définie par le Code Napoléon de 1804 ; pour les transsexuels le passage par un psychiatre est rendu obligatoire, les hormones ne sont plus en vente libre (l’arrêté du préfet Léonard en 1949 interdisanrt la travestissement à Paris avait en fait poussé au recours aux hormones qui était en vente libre) ; les transsexuels sont de fait contraints à la prostitution et aux violences policières
30 décembre 1975 : sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, le ministre de la Culture du gouvernement Chirac, Michel Guy, fait voter la loi sur la censure, classant les films X interdits au moins de 18 ans, elle sera complétée par un décret (6 janvier 1976) ; paradoxalement la loi libéralise ainsi le cinéma porno ; trois cinémas gais ouvrent à Paris dès 1976