1972-1974 : Monique Isselé (dont le pseudonyme est Rachel, elle est fonctionnaire à la Sorbonne, elle sera l’un des témoins figurant dans le film Les Invisibles de Sébastien Lifschitz en 2012) se souviendra de ses années Gouines Rouges depuis leur apparition en mai 1972 : des réunions hebdomadaires, en petits groupes, plutôt sympathisants les journalistes de Libération diffusent leurs informations, parfois des actions de provocation sur des mecs pour dénoncer le harcèlement, rue Saint-Denis on a acheté 2 ou 3 poupées gonflables auxquelles on a mis le feu et on dansait autour en criant « la pornographie ça pue », on lavait du linge dans des fontaines publiques, on manifestait pour les homosexualités, quand on parlait on n’utilisait pas de micros « car ce sont des phallus », on restait toujours entre nous groupées, on a fait une action boules puantes dans les bars de nuits où il y avait des « entraîneuses », Monique prenait la parole spontanément, un jour elle voit sa gynécologue dans une réunion (du coup pour éviter de se mettre en porte-à faux avec elle, elle changera de gynécologue) ; nous avons passé 2-3 jours à Poitiers la ville de Jean Royer, cassé une 4L à coup de pierres, une autre fois à Rome il y a eu une grande réunion de femmes sur la question de la violence dans les couples où nous nous sommes permises de la question de la violence dans les couples de femmes, nous sommes allées à Londres pour une conférence sur les femmes où il y avait plutôt des hommes ; lorsque le MLF a été créé sous la direction d’Antoinette Fouque, de Psychépo (psychanalyse et politique) nous avons été évincées, elles se battaient pour le droit à l’avortement, ce n’était pas notre combat, nous étions plus virulentes qu’elles ; nous sommes allées à la cérémonie à la femme du soldat inconnu (« plus inconnu que le soldat inconnu, sa femme ») à l’Arc de Triomphe
1972-1973 : les possibilités de changement de sexe se développent en Europe, en Suède en 1972 la 1ère loi au monde sur le changement de sexe est promulguée et les Pays Bas adoptent le principe de la gratuité des traitements et chirurgies pour les transsexuels ; en France en 1973 l’hôpital parisien Henri-Rousselle ouvre la 1ère consultation dédiée à la transsexualité (mais ce n’est qu’à partir de 1979 que les 1ères vaginoplasties seront faites à l’hôpital Saint-Louis) ; les conditions mises en place sont souvent draconiennes, ainsi en Suède la moitié des demandes sont rejetées, en Angleterre – à partir de 1967 – une très faible minorité de patients consultant Charing Cross Hospital parviennent à être opérés, et moins encore obtiennent une vaginoplastie, en RFA – à partir de 1969 – les patients seront contraints de divorcer, aux USA – à partir de 1966 – il faut parfois attendre plusieurs années avant que l’opération soit accordée, à Baltimore, aussi de nombreuses patientes prèfèrent se rendre à Casablanca ; aux Pays Bas les conditions sont plus favorables, et certaines patientes préfèrent Amsterdam à Casablanca, ainsi la genevoise Peggy Guex
Début des années 1970 : un adolescent de 14 ans, Pascal B., déclarera (en janvier 2019, lorsqu’il aura 60 ans) avoir subi les attouchements du prêtre Tony Anatrella, omniprésent dans sa famille, aumônier au lycée Arago ; ce prêtre sera « psy » en direction de prêtres et de religieuses en difficulté psychologique, il sera un des fers de lance de la bataille contre le PACS, et deviendra conseiller à la curie romaine, corédacteur d’un texte interdisant l’accès à la prêtrise des personnes homosexuelles ; Pascal B. rencontre Tony Anatrella lors du mariage de son frère Philippe, instituteur qui deviendra son secrétaire particulier, turbulent et malentendant Pascal B., encouragé par son frère, est confié à Anatrella qui, un jour, le masturbe après lui avoir demandé de montrer son sexe, il racontera qu’Anatrella faisait mettre les jeunes en slip lors de séances d’expression corporelle ; il dira qu’Anatrella, adepte de la thérapie manuelle, a une emprise extraordinaire sur lui ; ce n’est qu’une fois marié que Pascal B. dira à sa femme ce qu’il a subi, mais il perdra alors la confiance de sa mère et de son frère, puis de son épouse… ; il témoignera longuement dans le journal chrétien de gauche Golias en 2006 lorsque éclatera la première affaire Anatrella
1972 : Cinéma : « Cabaret » de Bob Fosse, « Le Rempart des béguines » de Guy Casaril, « Les Larmes amères de Petra von Kant » et « Gibier de passage » de R.W. Fassbinder, « Le Dernier Tango à Paris » de Bertolucci. Variétés : Dalida (Pour ne pas vivre seule), David Bowie (John, l’In only dancing), Elton John (Daniel), Lou Reed (Goodnight Ladies et Make up).
1972 : mixité à l’Ecole Polytechnique, Anne Chopinet devient major de la promotion
1972 : Pierre Juquin, au nom du Parti communiste, déclare que « l’homosexualité et la drogue n’ont rien à voir avec le mouvement ouvrier » (mais, devenu « communiste rénovateur », il sera, à son tour, exclu du PC en 1987)
1972 : un décret interdit la vente des seringues en pharmacie ; ce sera au moment de l’arrivée du sida, une raison de la multiplication rapide du sida chez les toxicomanes
1972 : mort de Violette Leduc (1907-1972), de naissance illégitime d’une femme de chambre et d’un fils de famille de la grande bourgeoisie, élevée par sa mère Berthe comme « l’enfant de la faute » dans la haine des hommes, amoureuse d’Isabelle au collège, enflammée par Les Nourritures terrestres de Gide ; auteure de L’asphyxie en 1946, de La Bâtarde qui a frôlé le prix Goncourt en 1964, de Ravages, éternelle amoureuse de Simone de Beauvoir (1908-1986) – qui parle de sa « sincérité intrépide » et dont elle dit « elle est une intellectuelle pure et je suis une sensibilité pure » – qu’elle a rencontré dans les années d’après-guerre à Saint-Germain des Près, elle a gardé avec elle des relations intenses, amoureuse de l’homosexuel Jacques Guérin (homme de lettres, directeur des parfum d’Orsay depuis 1936) qu’elle rencontre en 1947, elle a aussi fréquenté Maurice Sachs (1906-1945) et Jean Genet (1910-1986), elle est tombé amoureuse d’eux tour à tour ; elle s’est installée à Faucon dans le Vaucluse dans les années 1960
1972 : création des centres de planification et d’éducation familiale et d’établissements d’information, de consultation ou de conseil familial ; création des Editions des femmes ; création de Ecologie-féminisme par Françoise d’Eaubonne
1972 : la revue Arcadie revendique entre 12 000 et 15 000 abonnés, elle en revendiquera 25 000 en 1974 et 30 000 en 1975
1972 : création de l’association David et Jonathan après de ses fondateurs du sein d’Arcadie, elle se caractérise par : l’importance du sentiment amoureux dans la relation homosexuelle, faire vivre l’homosexualité dans la communauté chrétienne en respectant ses valeurs, la sexualité don de Dieu doit être tournée vers Dieu, en dehors de toute perversion ou de tout abus sexuel, dimension de l’Amour universel telle qu’elle est contenue dans le Nouveau testament, le plaisir n’est pas forcément lié au péché, la sexualité n’est pas forcément lié à la culpabilité, un souci d’ouverture sociale
1972 : 1ère parution de Fléau social, à l’initiative du groupe 5, dissident, du FHAR, dirigé par Alain Fleig (1942-2012), il paraitra jusqu’en 1974, journal provocateur, vocabulaire ordurier inspiré des anarchistes et des révolutionnaires anti-moralistes, issu mouvance spontanéiste et dissidente de Mai 68, il tente de croiser le mouvement homo et le mouvement communiste, il incrimine Georges Pompidou, Pierre Messmer, Jean Royer, il dénonce le fascisme généralisé de nos sociétés, il se présentera comme un organe de l’IHR (International Homosexuelle Révolutionnaire), il présente l’homosexualité comme une puissance subversive permettant la libération, non pas du désir, mais des classes opprimées , il critique durement la philosophie du désir de Deleuze et Guattari « Pissons sur le Deleuzegattarisme ! » l’accusant d’être coupée du monde réel et de la matérialité des rapports de production et issue d’une conscience de coqs de salons ; pour le Fléau social l’homosexualité n’existe pas, pas plus que l’hétérosexualité (la revendication homosexuelle est fasciste), il se réclame de l’Internationale Situationniste, il attaque les gauchistes du FHAR qui croient en la révolution sociale ; en mai 1973 la couverture du n°3 avec des hommes nus, provoquera les passants, et Alain Fleig fera une apologie de Septembre noir le groupe terroriste qui a abattu plusieurs sportifs israéliens aux JO de Munich en1972 ; analysant le Fléau social comme « le mariage entre des situs et des pédés » Patrick Cardon soulignera l’irritation de l’Internationale Situationniste contre « l’hystérie des connasses maoïstes du FHAR » ; plus tard un contrat sera signé par 3 signataires Pierre Hahn, Guy Hocquenhem et Françoise d’Eaubonne, avec les éditions Champs libre pour la parution d’un livre collectif, ce sera le Rapport contre la Normalité ; André Piana, Daniel Guérin et Françoise d’Eaubonne ont juré de ne plus mettre les pieds à Arcadie, Françoise d’Eaubonne et André Piana, venus vendre le Fléau social à la porte du club, y avait été accueillis par un « toi et la Dubonne, reine de la honnta ! » de la part du barman
1972 : mort de François Augiéras (1930-1972) qui s’est fait connaître sous le nom d’Abdallah Chaamba, il a publié sous l’un ou l’autre de ces deux noms Le Vieillard et l’Enfant, Le Voyage des Morts, l’Apprenti Sorcier, il est marqué par son adolescence (le sport, le théâtre, les mouvements de jeunesse en Périgord), puis par sa découverte de l’Algérie, l’oasis de Laghouat, le Sahara, le café maure et le kif, la détresse des enfants, la liberté de vivre des adolescents (« Son visage est là, près du mien; ses yeux brillent, ses joues sont belles et divin son sourire. Ses lèvres larges, sa gorge nue sentent la fumée des feux : il est beau, simple et tranquille devant les astres… Puis il y a la douceur des caresses. J’enlace sa taille souple, je touche ses yeux. ») ; malade depuis des années, il fait d’ultimes voyages au Mont Athos et en Tunisie
1972 : un soir de réunion du FHAR à l’amphi des Beaux-Arts, un strip-tease général est déclaré, Daniel Guérin y participe, ainsi que Françoise d’Eaubonne
1972 : année de parution des tracts Manifeste pour un autre groupe de lesbiennes : le péril mauve par les Gouines rouges métamorphosées, Femmes refusons les rôles d’épouses et de mère par les Gouines rouges lors des Journées de la dénonciation des crimes contre les femmes, et Hétéros : on est navrées de vous gêner signé Sappho on s’en fout
1972 : loi sur la filiation qui permet l’égalité entre les enfants naturels et adultérins, ils sont reconnus par leur père, même a posteriori ; ouverture de l’adoption aux personnes célibataires, ce qui reconnait l’existence de familles monoparentales
1972 : parution du livre de Guy Hocquenghem Le désir homosexuel, il s’appuie sur les analyses de Deleuze et Guattari, « l’homosexualité » est une fabrication du monde social, une catégorie psycho-policière servant à canaliser les énergies négatives d’une société sur une figure clairement délimitée puis dépréciée, il voit dans la pratique du désir une manière de créer de nouvelles identités sexuelles, puis de nouvelles identités sociales ; Edmund White notera que ce livre est le 1er ouvrage mondial de théorie homosexuelle
1972 : parution de Autobiographie de jeunesse. D’une dissidence sexuelle au socialisme de Daniel Guérin (1904-1988), il décrit l’attrait ressenti dans sa jeunesse pour les ouvriers : « Leur mode de vie simpifié à l’extrême, leur pittoresque et mâle accoutrement, leur vert langage, quelquefois pour moi quelque peu hermétique, leutr teint hâlé par le grand air, leur vigueur musculaire, leur animalité franche et naturelle que ne freinait ou ne tarissait encore à l’époque aucune inhibition, aucun préjugé petit-bourgeois… tout chez eux me surprenait, me métamorphosait, m’enchantait »
1972 : Michel Lancelot d’Europe 1 réalise un disque avec les chansons du FHAR
1972 : à Saint-Quentin un groupe de 3 membres du FHAR est allé de nuit bomber le bureau du directeur du lycée qui avait licencié pour fait d’homosexualité un jeune professeur
1972 : Charles Aznavour chante « Comme ils disent » : « Je vivais seul avec maman… une tortue un canari, une chatte… la marché et la cuisine… il pique à la machine… son vrai métier, c’est la nuit qu’il exerce travesti : un numéro très spécial qui finit en nu intégral », « Nul n’a le droit de me blâmer, de me juger. Et je précise que la nature est seule responsable si je suis un homme, oh !, comme ils disent » ; la chanson est peu diffusée, l’homosexualité est taboue, elle contribue à poser la question en douceur et sera peu à peu connue ; cette chanson joue un rôle symbolique, un changement de discours note Mathieu Pénet, jusque là la subculture homosexuelle apparaissait en filigrane dans les chansons même si la visibilité était croissante depuis les café-concert du Second Empire
1972 : à Aix-en-Provence, Patrick Cardon vient dans la ville pour entreprendre des études à l’IEP (institut d’études politiques), il y rencontre d’autres « maniérés » de son genre, notamment des membres du Fhar (front homosexuel d’actio révolutionnaire), il se rend à leutrs réunions hebdomadaires, ce qui l’intéresse c’est de rencontrer des gens qui partagent comme lui « l’idée d’une révolution anti-capitaliste, d’une révolution sexuelle », ils se retrouvent dans une salle de l’université, sur la pelouse du restaurant univesitaire des Gazelles, mais aussi dans la ville « on se tenait par la main, et dans les journaux c’était marqué ‘les homosexuels envahissent la ville’, c’était drôle comme tout, c’était spontanné »
1972 : à Lyon, éclate le scandale des Ecuries du Roy dans une boîte de nuit du vieux Lyon, des policiers et un député sont impliqués dans une affaire de prostitution
1972 : en Belgique, naissance du MHAR (mouvement homosexuel d’action révolutionnaire), parmi ses militants : Alain Bussuyt (comédien né en 1952, il sera président du Homocentrum Brussel 1977-1979, puis membre du Rooie Vlinder), Bernard Lanssens (travailleur social, membre du Centre Culture et Loisirs qu’il juge trop discret, il participera à la création du Groupe de Libération Homosexuelle, et à la 1ère UEH de Marseille en 1979 où il tournera un film pour la RTBF qui donnera lieu à une émission remarquée, il sera président de Tels Quels 1987-1992)
1972 : à Londres, 2 000 personnes marchent vers Hyde Park en commémoration de Stonewall
1972 : en Grande Bretagne, David Bowie (David Robert Jones, né à Londres en 1947) crée le personnage de star extraterrestre de Ziggy (dans The Rise and Fall of Ziggy Stardust and the Spiders from Mars), héritier de Vince Taylor, de Iggy Pop et d’autres figures mythologiques du rock, flamboyant, marginal triomphant, androgyne blond puis rouge, Bowie déclare au Melody Maker : « Je suis gay, je l’ai toujours été » ; du coup, quelque temps plus tard Mick Jagger, cofondateur des Rolling Stones, déclarera : « Je veux que toutes les filles du monde soient amoureuses de moi. Mais je veux que tous les garçons le soient tout autant ! » ; David Bowie partira aux USA en 1974, il sera alors avec un costume pâle et un brushing de jeune dandy dans un show de comédie musicale
1972 : en RFA, le groupe homosexuel de Francfort RotZSchwul est le à utiliser la couleur rose, en référence au triangle rose des camps de concentration nazis, alors que c’était le violet qui était la couleur de la sub-culture homosexuelle lors de la République de Weimar ; en revanche le mouvement lesbien qui combat la « pinkification » choisit le violet au cours des années 1970
1972 : aux USA parution du livre de Ann Oakley Sex, Gender and Society, ouvrage fondateur des gender studies qui étudie les perceptions sociales inégalitaires du statut masculin et du statut féminin, les conclusions de l’ouvrage serviront de base à une forte mobilisation des associations féministes américaines
1972 : aux USA, Liza Minnelli (née en 1946), actrice, chanteuse et danseuse américaine, fille de Judy Garland et de Vicente Minelli, remporte un Oscar pour son rôle de Sally Bowles, dans Cabaret (elle devient alors la seule titulaire d’un Oscar à Hollywood dont les deux parents ont eux aussi remporté un Oscar) ; elle retournera à Broadway en 1997 où elle remplacera brièvement Julie Andrews dans le rôle titre de la comédie musicale Victor Victoria ; le chanteur Antoine parlera en 2012 de l’intérêt de Liza pour les escort femmes qu’elle appelle les « michettes »
1972 : aux USA, sortie du film Le Dernier Tango à Paris de Bernardo Bertolucci avec Marlon Brando et Maria Schneider où il lui dit : « Mets-moi deux doigts » et parle de beurre, il sera interdit dans de certains pays et il faudra attendre 1997 pour qu’il ne soit plus classé X aux USA ; et sortie de deux films qui montrent des actes sexuels non simulés Deep Throat de Gérard Damiano et Derrière la porte verte des frères Mitchell, ce sont d’immenses succès populaires ; Richard Nixon fait interdire la projection de Deep Throat dans 23 Etats de l’Union et traduit les protagonistes du film devant la justice, l’acteur principal masculin Harry Reems sera reconnu coupable en 1974 et menacé de 5 ans d’emprisonnement auxquels il échappera grâce au soutien de Jack Nicholson et de Warren Beatty et à la contre-vague libérale qui portera Jimmy Carter à la présidence en 1976 ; le metteur en scène révélera plus tard, en 2005, que l’essentiel des 600 millions de $ de recettes du film Deep Throat qui a coûté 25 000 $, est passée sous la menace dans les caisses de la mafia…
1972 : aux USA, sortie du film trash Pink Flamingos, de John Waters, avec la drag-queen Divine « personne vivante la plus immonde », travesti de 140 kg, c’est un monument du cinéma underground qui s’inscrit dans la lignée de Chelsea Girls d’Andy Warhol (1966) et de The Rocky Horror Picture Show de Jim Sharman (1975)
1972 : aux USA, en Californie, l’avocat Burt Pines fait campagne pour être procureur de Los Angeles, Scotty Bowers rapportera que Lloyd Rigler lui a demandé d’arrêter le harcèlement des homosexuels par les brigades de la police s’il est élu, il donne son accord, il est élu confortablement et le harcèlement cesse
1972 : aux USA, adoption par le Congrès de l’ERA (Equal Rights Amendement) en vue d’inscrire dans la Constitution l’égalité des droits entre les sexes, malheureusement il ne sera approuvé lors de la date butoir de 1982 que par 35 Etats sur les 38 nécessaires, aussi ne sera-t-il jamais inscrit dans la Constitution ; l’égérie anti féministe Phyllis Schlafly partie en croisade Stop Era quelques années avant a réussi sa mobilisation des mères au foyer, mère de 6 enfants elle y voit une abomination ; cette loi avait déjà été proposée en 1923 par la suffragette Alice Paul ; en 2020, Donald Trump devenu président, après le Nevada (2017) et l’Illinois (2018), la Virginie le ratifiera, mais une bataille juridique s’engagera compte tenu des délais…
1972 : aux USA, décès de Natalie Clifford Barney (1876-1972), son père milliardaire avait une résidence à Paris, elle y a connu Oscar Wilde en tournée de conférence, à 12 ans elle était amoureuse de sa petite camarade Eva Palmer et connait ses 1ers émois sexuels ; la courtisane Liane de Pougy est séduite par Natalie, elles vivent un grand amour pendant quelques mois, Natalie tente sans succès de l’arracher à la prostitution, puis elle séduit Renée Vivien qui atteinte d’une grave pneumonie se laisse mourrir à 32 ans ; à la mort de son père en 1902 Natalie a ouvert au 22 rue Jacob le Temple de l’Amitié, salon littéraire où amies et amantes sont conviées (Djuna Barnes, Gertrud Stein, Eva Palmer, Olive Custance – future Lady Douglas -, Colette, Isadora Duncan, Mata Hari), ainsi que les auteurs les plus renommés (Pierre Louÿs, Gabriele d’Annunzio, Ezra Pound ou encore Rémy de Gourmont, amoureux d’elle : « Vous êtes l’Amazone, et vous resterez l’Amazone tant que cela ne vous ennuiera pas, et peut-être même plus tard, dans mon coeur en cendres »), en 1909 elle a rencontré chez Lucie Delarue-Mardrus la duchesse de Clermont-Tonnerre, âgée de 34 ans, qu’elle a initié aux amours saphiques, une relation passionnée, en 1910 elle a eu une relation avec la peintre Romaine Brooks, elle durera jusqu’à sa mort ; en 1927 elle a été séduite par la nièce d’Oscar Wilde, Dolly Wilde, à la beauté diaphane, puis dans les années 1930 par la chinoise Nadine Hwang ; revenue à Paris à la Libération elle a reçu Truman Capote et Marguerite Yourcenar, dans les années 1950 elle a eu une relation avec la femme de l’ambassadeur de Roumanie, Janine Lahovary ; elle a beaucoup écrit et ses aventures transparaissent à travers de nombreux écrits des personnes qu’elle a connues ; Lucie Delarue-Mardrus est celle qui a le mieux cerné Natalie : « Vous êtes perverse, dissolvante, égoïste, têtue, parfois avare, souvent comédienne, la plupart du temps irritante… un Monstre. Mais vous êtes une vraie révoltée et toujours prête à rebeller les autres. En dedans de vous-même un chic type. vous êtes capable – et c’est votre seule fidélité – d’aimer un être tel qu’il est… alors je vous estime » ; Marguerite Yourcenar qui entretient une riche correspondance avec elle, met le doigt sur la singularité d’une femme et d’une époque avec des accents nostalgiques « Je me suis dit que vous aviez de la chance de vivre à une époque où la notion de plaisir restait une notion civilisatrice, elle ne l’est plus aujourd’hui ; je vous ai particulièrement su gré d’être fidèle à l’évidence de votre esprit, de vos sens, voire de votre bon sens »
1972 : en Suède, un petit groupe de militants homosexuels pousse l’Eglise luthérienne à effectuer une 1ère enquête sur l’homosexualité, le professeur d’éthique Holsten Fagerberg, l’un des 3 experts désignés, avouera « On ne savait pas grand-chose de l’homosexualité » à un moment où celle-ci était classée comme une maladie, ils seront convaincus lorsqu’ils ont découvert « l’existence d’un amour homosexuel, qui n’a rien à voir avec les relations sexuelles éphémères et qui n’est mentionné nulle part dans les textes religieux » ; le petit groupe de militants homosexuels fondera l’Association oecuménique des chrétiens homosexuels (Ekho)
1972 : en Egypte, parution du livre La Femme et le Sexe de l’écrivaine Nawal El Saadawi, qui provoque une immense controverse en abordant le thème de l’excision ; elle crée l’Association arabe pour la solidarité des femmes qui sera dissoute en 1991, et deviendra une icône du féminisme, en répétant toute la difficulté, sinon la honte et le désespoir, d’être femme dans une société patriarcale de nature répressive
1972 : au Cameroun, l’homosexualité devient un délit pénal
Janvier 1972 : création de l’association David et Jonathan destinée aux homosexuels chrétiens, par Gérald de la Mauvinière, arcadien, grand bourgeois parisien, membre des conférences Saint Vincent de Paul, et Max Lionnet, vicaire de paroisse ; elle se réunit dans les locaux d’Arcadie et utilisera l’adresse d’Arcadie comme boite postale
Janvier 1972 : à la une du Nouvel Observateur Guy Hocquenghem fait son coming out homosexuel « Nous disons simplement : pourquoi ne supportez-vous pas de retrouver chez un homme les attitudes, les désirs, les comportements que vous exigez d’une femme ? Ne serait-ce pas que le désir de dominer les femmes et la condamnation de l’homosexualité ne font qu’un ?… On peut commencer par essayer de dévoiler ces désirs que tout nous oblige à cacher, car personne ne peut le faire à notre place. » ; sa mère lui répondra par une lettre ouverte « Je regrette de ne pas avoir deviner tes angoises. Tu paraissais si sûr de toi, si bien à l’aise dans ta peau »
Janvier 1972 : parution de l’Antinorm n°1, revue du groupe n° 11 du FHAR, organe de combat pour la révolution sexuelle dans le socialisme qui essaie de développer des comités Sexpol regroupant tous les opprimés sexuels, il se veut Journal homosexuel du FHAR ; les théories de Herbert Marcuse sur la réduction de l’homme à l’idéologie unidimensionnelle du capitalisme, et de Wilhelm Reich selon lequel le pouvoir réfrène nécessairement la société civile pour la dominer (le fürher s’appuie sur la frustration sexuelle), se rencontrent ; la stigmatisation la plus fréquente est celle de « l’hétéro-flic », et les homosexuels réticents sont « homo-flics réformistes » complices de l’ordre bourgeois (comme Arcadie) ; le journal est d’inspiration marxiste, avec un article sur « Homosexualité et socialisme » qui propose la politisation de l’homosexualité comme moyen de détruire le capitalisme
Janvier 1972 : David Bowie (David Robert Jones), né en Grande-Bretagne en 1947 (Londres), fait scandale en annonçant sa bisexualité, il porte des cheveux courts, teints et en brosse ; en 1964 il était apparu pour la 1ère fois à la télévision affichant son androgynie, avec robe et béret sur ses frisettes
3 janvier 1972 : la loi sur les filiations réalise l’égalité entre filiation légitime et filiation naturelle
10 janvier 1972 : le Nouvel Observateur titre « La révolution des homosexuels » et publie un long entretien avec Guy Hocquenghem, « Je m’appelle Guy Hocquenghem, j’ai 25 ans » dans lequel il raconte son cheminement personnel et souligne la force de la défense politique des mouvements homosexuels américains, il ajoute à son propos « Je suis entré en politique et je n’en suis pas sorti. Mais je me condamnais du même coup à mener encore une vie dédoublée, une vie de skyzophrène. D’un côté la vie militante, la révolution. De l’autre la vie affective, l’homosexualité. Et une hantise permanente : l’idée que ces deux mondes inconciliables se rejoignent » ; Guy Hocquenghem – qui se reprochera lui-même son « exhibitionnisme » – est alors l’objet de critiques dans le FHAR, car il est en contradiction avec ce que proclamait le Rapport « Le FHAR n’est à personne. Il n’est que l’homosexualité en marche »
21 janvier 1972 : meeting de l’Union de la gauche sur les femmes et le Programme commun (qui sera signé entre le PS, le PC et le MRG le 27 juin 1972) à la Mutualité, Jacques Duclos (1896-1975, candidat du Parti communiste en 1969 avec 21,27% des suffrages) monopolise la parole, pour lui l’homosexualité est une déviation individualiste et petite bourgeoise (destinée-à-détourner-lesmasses-laborieuses-de-leurs-justes-revendications ajoutera en parodiant Françoise d’Eaubonne), des femmes du MLF présentes quittent la salle bousculées par le service d’ordre ; le FHAR minoritaire y appuie les féministes en prenant place à leurs côtés ; Madeleine Vincent fait face à des interpellations courtoises qui provoquent l’indignation du public ; puis Philippe Genet du FHAR interpelle Jacques Duclos : « M. Duclos, le temps a passé, les mœurs évoluent, que pense le grand parti communiste des homosexuels ? » qui lui répond vertement « Vous êtes des petits congs ! Des petits imbéciles ! Vous n’êtes ici que pour me faire chhhier… comment vous, pédérastes, vous avez le culot de venir nous poser des questions ? Allez-vous faire soigner ! Les femmes françaises sont saines… et vous êtes tous des malades, des anormaux, vous les gens du 3ème sexe ! », « Très bien, répond Philippe Genet, c’est tout ce que je voulais savoir. Tu viens chéri ? » dit-il à son compagnon, travailleur de la haute couture, beaucoup de femmes suivent alors Genet, tandis que Françoise d’Eaubonne et Marc Payen se trouvent pris à partie par des militants et sont sauvés par un groupe d’« anars », Françoise frappant avec son parapluie après avoir été jetée à terre, et Mas un membre du FHAR lance des boules puantes ; le député PCF de Seine-Maritime et membre du bureau politique, Roland Leroy déclarera dans l’Humanité : « Ce désordre ne représente pas l’avant-garde de la société, mais la pourriture du capitalisme à son déclin » ; un an plus tard, à Bruxelles lors d’une Semaine marxiste où le PC sera confronté au MLF, un militant communiste accusera Françoise d’Eaubonne d’avoir failli « être responsable de la mort d’un vieux militant ouvrier, Jacques Duclos… Vous lui avez provoqué une crise cardiaque ! » ; entre janvier et avril 1972, une action musclée du FHAR se produira auprès de la tasse de la rue Manin, aux Buttes Chaumont pour intimider une bande de jeunes motards qui se plaisent à intimider les usagers de la pissotière, la réussite de l’opération sous la conduite du karatéka Corse Dominique, donnera naissance à une nouvelle chanson sur l’air de A la Glacière : « Dominique, en Napoléon / A dispersé les noirs blousons / Ce soir de la semain’dernière / A la pissotière ! » ; Françoise d’Eaubonne y a fait la connaissance du psychiatre « défroqué » Gérard Hof fondateur du mouvement des Fous furieux, futur auteur de Je ne serai plus psychiatre (qui partagera sa vie plusieurs années) ; Philippe Genet publie un mini journal, un bulletin polycopié dénommé Appelez-moi salope
1° mars 1972 : mort de l’écrivaine britannique Violet Trefusis (née Kepel 1894-1972), sa mère est la maîtresse du prince de Galles, futur Edouard VII, elle tombe amoureuse à 14 ans de Vita Sackville-West, sa camarade d’école et amante jusqu’en 1921 ; en 1913 Vita se marie avec Harold Nicolson, ils auront 3 enfants mais vivront leur homosexualité chacun de son côté ; Violet épouse Denys Trefusis ; elles poursuivent leurs fugues jusqu’en 1922 puis s’installent à Paris, Vita devient l’une des amantes de la princesse de Polignac qui l’introduit dans le monde des arts, de Francis Poulenc et Henri Sauguet entre autres ; la pricesse offrira un manoir à Violet en Seine et Marne, celle-ci y recevra des personnalités ; la liaison de Violet (sous le nom de lea princesse slave Sacha) et Vita est transposée dans Orlando. Une biograophie de Virginia Woolf ; Violet a également été l’amante de la musicienne et suffragette Ethel Mary Smyth
4 mars 1972 : enterrement de Pierre Overney, militant maoïste Gauche-prolétariene (mao-spontex) licencié, tué le 25 février devant les usines Renault (lors d’une manifestation destinée à commémorer le massacre de Charonne de février 1962) par le vigile Jean-Antoine Tramoni, les Gazolines qui ont participé aux manifestations (elles ont renversé un car de police), assistent à l’enterrement voilées de noir en scandant « Liz Taylor, Overney, même combat ! », leur présence suscite la colère des organisations gauchistes qui reprochent au FHAR son manque de sérieux et leur image de folles « bourgeoises », elles estiment qu’elles ont atteint leur but en rendant visible et évidente l’hétéronormativité de l’extrême gauche ; Daniel Guérin qui a été séduit par le FHAR lors de sa création un an plus tôt, est scandalisé, il ne comprend pas que ses efforts pour faire une jonction entre son combat politique et la libération homosexuelle, soient, d’un coup, anéantis, il continuera toutefois à assister aux assemblées générales du FHAR jusqu’à sa fin en 1974
7 mars 1972 : parution de L’Anti-Œdipe, Capitalisme et Schizophrénie, de Gilles Deleuze et Félix Guattari. Le livre entend fonder une politique du désir, en mêlant critique du freudisme orthodoxe et marxisme libertaire, « Etre anti-Œdipe » devient un style de vie ; le livre se rattache au mouvement de l’Antipsychiatrie, ils critiquent la psychanalyse traditionnelle, refusent de voir dans la maladie mentale une affection constitutive du sujet, l’état des rapports sociaux jouant un rôle majeur dans la maladie, ils déconstruisent la notion de sujet et font exploser la notion d’identité, et l’homosexualité, pratique de désir et seulement de désir, devient la force révolutionnaire (le désir créateur) qu’il faut encourager pour fonder un nouvel ordre social, celui du désir, où la conscience n’est plus soumise à la schizophrénie
Avril 1972 : en Italie, un congrès de psychiatres sur « Sexualité normale et sexualité déviée » se tient au casino de San Remo auquel le Dr Eck psychiatre proche d’Arcadie était invité ; le Fuori ! d’Angelo Pezana tente de la boycotter, des membres du FHAR sont présents à leurs côtés, et en particulier Françoise d’Eaubonne (emmenée avec Marc Payen par Maria-Silvia enthousiasmé par l’opération des Buttes-Chaumont) qui prend la parole au pupitre appelant à la grève de la natalité, en réponse à un psychiatre qui appelle les jeunes à prendre exemple sur leur père afin d’honorer plus tard leurs femmes ; les Français y sont venus à une cinquantaine dont Marie-Jo Bonnet, avec pancartes, tracts et n° du Fléau social ; Angelo Pezzana s’est fait passé pour médecin pour s’introduire en salle, il déclare : « Non ici, on n’ouvre rien », ses amis sont à l’extérieur ; « dans ce pays qui ne parle jamais d’homosexualité, il en est question plusieurs jours de suite dans les journaux et à la télévision » dira Pezana ; le journal Fuori ! paraîtra à partir de cet événement ; Françoise d’Eaubonne qui a été emmenée par la police ainsi que Anne-Marie, Marise et Marc, s’est mise à chanter sur l’air des P’tit’femm’de Paris : « Ah, les psychiatr’, / les psychiatr’ de Paris », elle deviendra l’objet d’une chanson sur l’air de le Tourbillon : « Tous à San Remo / On est arrivés / La d’Eaubonne en tête / Avec son minet / Tout l’monde a débarqué. » ; de là naitra l’IHR (Internationale Homosexuelle Révolutionnaire) à Bruxelles, avec le MHAR de Belgique, l’IHR organise un séminaire des minorités sexuelles au Danemark les 9-11 septembre 1972 et organise une rencontre avec les mouvements de libération de la femme le 15 octobre 1972 à Milan ; l’IHR se dote d’un journal IPSIS (International Politico-Sexual Information Sheet)
1er mai 1972 : le FHAR défile lors de la manifestation, les Gazolines (nom issu selon Hélène Hazera des camping-gaz utilisés pour faire le thé lors des réunions, que se donnent les Gay effeminists londoniens, les transsexuels et travestis partisans de la provocation) chantent l’Internationale en bel canto, exigent la nationalisation des usines à paillettes et se moquent du sérieux du FHAR, Marlène déclarera « nous ferons les prochaines barricades en robe de soirée », Hélène Hazera décrira leur démarche comme une sorte de « dadaïsme psychédélique, une idéologie de la dérision » ; les Gazolines, dans un registre situationniste, utilisent les ressources de ce qu’on appellera le transgenre ; Libération reproduira avec un article du GLH la photo d’une « folle » qui défilait nue, avec des bottes en caoutchouc, un boa et une ombrelle ; Daniel Guérin écrira à l’Humanité pour se plaindre des griefs de ce journal concernant la présence des « folles » au défilé du 1er mai ; Alain Fleig, rédacteur en chef du Fléau social, écrit à Rouge de son côté pour les mêmes raisons
2 mai 1972 : aux USA, mort du directeur du FBI John Edgar Hoover (1895-1972), maniaque du renseignement et des violations de domicile, il a constitué un fichier sur des millions d’Américains, y compris des 7 présidents qu’il a connu, si bien qu’ancun n’a osé le mettre à la retraite, il défend les valeurs morales et la religion ; il devance le sénateur MacCarthy dans la chasse aux sorcières chez les homosexuels, les communistes et les organisations activistes noires, mais il nie l’existence de la mafia qui possède des photos de lui, maquillé et travesti, se livrant à une caresse buccale sur son premier adjoint Clyde Tolson, à qui il lèguera toute sa fortune
13-14 mai 1972 : « Journées de dénonciation des crimes commis contre les femmes« , plus de 5 000 femmes à la Mutualité, sur l’impunité des violeurs, les violences conjugales, le harcèlement sexuel, la dégradation de l’image de la femme à travers la pornographie et la publicité sexiste, la maternité (légale ou honteuse), le travail salarié et ménager, en présence de Simone de Beauvoir ; Les Gouines Rouges apparaissent publiquement, provoquant la stupeur, pour évoquer la répression de l’homosexualité, l’homosexualité n’est pas contre nature et l’hétérosexualité est culturelle, parmi elles Marie-Jo Bonnet – qui a composé les parole de la chanson « à bas l’ordre bourgeois » – Cathy Bernheim, ou encore Monique Isselé
15 mai 1972 : dans l’Humanité, Pierre Juquin et Roland Leroy réagissent très durement à l’attitude des homosexuels qui ont pris part aux manifestations du 1er mai en 1972, le premier parle de « mascarade », le second écrit : « Et finalement, on a toujours en réserve, comme un feu couvant sous la cendre, une petite barricadette à la veille du référendum, des homosexuels pour le 1er mai. »
28 mai 1972 : mort du roi Edouard VIII d’Angleterre (1994-1972), envoyé faire le tour de l’Empire par son père quand celui-ci a découvert sa liaison avec son cousin Louis Mountbatten, Edouard est parti à 24 ans en voyage à travers une demi-douzaine de territoires de l’Empire, avec son cousin, 18 ans, son aide de camp, qui occupait une chambre, même petite, à côté de sa sienne ; à Delhi leur liaison a pris fin lorsque Mountbatten a été séduit par Edwina Ashley (qu’il a épousé en 1922) ; Edouard choisit de vivre avec Edward Metclaffe, officiellement en charge de ses chevaux, jusqu’en 1925 ; en 1924 le roi Georges V a demandé à Edouard de se renvoyer Melclaffe, puis l’a affecté aux Indes ; Edouard a fréquenté dans les années 1920 le milieu homosexuel du Touquet et de la Côte d’Azur, puis à Paris le jeune acteur Roger Gaillard de la Comédie-Française ; il a eu des liaisons avec deux femmes mariées, Freda Dudley Ward et l’américaine Thelma Furness puis Thelma lui a présenté Wallis Simpson, recrutée par la CIA, utilisant les jeux sexuels pour recueillir ses confidences et dominatrice ; en 1936 il est monté sur le trône en tant qu’Edouard VIII, mais le premier ministre Stanley Baldwin a exigé son abdication avant son couronnement ; la dignité de duc de Windsor lui a été alors attribuée par son frère Georges VI, en exil à Paris il a accepté les invitations d’Hitler et de Mussolini et s’est réfugié à Lisbonne en 1940 ; le poste de gouverneur des Bahamas lui a été imposé ; après la victoire, Wallis fréquentait les jeunes filles brunes, laissant le duc à ses rencontres homosexuelles (Scotty Bowers en a témoigné), puis ils ont formé un trio avec Jimmy Donahue, milliardaire new yorkais homosexuel
28 mai 1972 : mort de l’écrivaine Violette Leduc (1907-1972), André Debaralle, fils de famille, a refusé de reconnaître cet enfant qu’il a fait à la bonne, et elle souffrira toute sa vie d’être une bâtarde, au collège elle a une liaison amoureuse avec Isabelle, elle en fera plus tard le sujet de son livre Thérèse et Isabelle, en 1966 ; en 1925 Denise Hertgès, professeur de musique au collège de Douai, devient son amante et les deux femmes sont renvoyées dès que leur liaison est découverte, Denise sera le personnage d’Hermine dans La Bâtarde ; en 1926 Violette abandonne les études pour vivre avec Denise en tenant de petits emplois dans des journaux parisiens ; elle rencontre Maurice Sachs dont elle tombe amoureuse, sans espoir, et épouse en 1939 Jacques Mercier un ami d’enfance, le mariage est rompu au bout d’un an, elle vit de trafic et de marché noir avec Sachs qui la pousse à écrire ses souvenirs d’enfance ; elle écrit L’Asphyxie avec cette première phrase « Ma mère ne m’a jamais donné la main », son texte est publié par Camus chez Gallimard en 1946 dans la collection espoir ; Simone de Beauvoir prend en main la carrière de Violette qui soupire d’amour pour elle, et décrira cette passion impossible dans l’Affamée en 1948 ; sa laideur n’empêche pas Violette d’aimer autant les femmes que les hommes, en 1955 dans Ravages elle fera le récit de ses amours lesbiennes avec franchise, précision et crudité, mais l’ouvrage sera censuré ; l’industriel Jacques Guérin fait publier à ses frais L’Affamée et le texte ce Ravages, rebaptisé Thérèse et Isabelle dans un tirage limité publié sous le manteau ; il faudra attendre l’an 2000 pour que Gallimard publie in extenso le texte de Ravages ; elle devient en 1964 une vedette que s’arrachent les médias ; elle publie en 1970 La Folie en tête puis Le Taxi en 1971, avant de mourir d’un cancer
Juin 1972 : parution du n°1 de Le fléau social, mensuel, groupe 5 du FHAR, avec Sex slurp drool sur un visage « avide » en couverture, et le texte « Il n’est pas question de nous cantonner sur le terrain d’une lutte pour la révolution sexuelle, laquelle est totalement récupérée, le cul, ça se vend bien, et les pédés, croyez-moi, il y a tout un marché (et les gouines donc !) … Avec l’étiquette d’homosexuel qu’on assume volontairement, la liaison avec les luttes ouvrières, ça va pas être du gâteau, le mythe du prolo à gros bras et gros pine ou de la femme reproductrice qui a les reins solides et pourtant c’est là qu’il va falloir frapper »
Juillet 1972 : parution du livre « la Dérive homosexuelle » dans lequel Guy Hocquenghem parle de son « long chemin pour (se) déprendre de l’homosexualisme », il veut désormais détruire l’homosexualité en tant que catégorie et échapper à la « contre-normalité homosexuelle »
2 août 1972 : mort du romancier américain Paul Goodman (1911-1972), il a obtenu la célébrité en 1960 avec Growing up Absurd, une étude sur la délinquance de la jeunesse ; dans les universités où il enseigne, il ne cache pas ses liaisons avec des étudiants, il est un des gourous représentatif de la « gay liberation »
Septelmbre 1972 : parution de La Nature du Prince de Roger Peyrefitte sur le mariage en 1581 de Vincent Gonzague, fils du duc de Mantoue et de Monferrat, et de Marguerite Farnèse, petite-fille du duc de Parme et de Plaisance ; l’échec de ce mariage a donné lieu à de nombreuses supputations sur la puissance ou l’impuissance du prince, le pape Grégoire XIII est intervenu pour autoriser l’annulation du mariage, arbitrer l’éventuelle impuissance du prince et, sa puissance constatée, permettre enfin son re-mariage avec la florentine Eléonore de Médicis le 14 avril 1584 avec laquelle il aura 8 enfants ; le collège des cardinaux a été consulté, de nombreux évêques proches des différentes familles ont été impliqués, les arguments théologiques les plus élaborés ont été avancés
21 septembre 1972 : suicide de l’écrivain Henri de Montherlant (1895-1972), aristocrate dédaigneux, moraliste libertin partagé entre le paganisme et le christianisme, dramaturge inspiré, apologiste de l’énergie, du courage guerrier et de la force virile, il privilégie des thèmes qu’il considère comme masculins (le football, la corrida, la guerre) ; il écrit Le Songe en 1922 qu’il présente comme une biographie romancée, à travers Alban de Bricoule ; il écrit auteur de nombreux livres Les Bestiaires en 1926, La Petite Infante de Castille en 1929 (dont la première phrase est un clin d’œil aux homosexuels), Les Célibataires en 1934, Les Jeunes Filles en 1936 (4 volumes dans lesquels il se montre résolument hétérosexuel mais étale une violente misogynie), Les Garçons en 1969 (un remaque de sa pièce de théâtre La Ville dont le prince est un enfant) et de pièces de théâtre La Reine Morte en 1942, Le Maitre de Santiago en 1947, Port-Royal en 1954, La Ville dont le prince est un enfant en 1951 et 1967 (pièce inspirée de sa propre aventure au collège ND de Sainte-Croix à Neuilly, avec 2 jeunes princes qui découvrent leur amour, que l’archevêque de Paris, le cardinal Feltin, demande à Montherlant de ne pas faire jouer en 1952 compte tenu du rôle ambigu du prêtre, de ce fait Montherlant attendra 1957 pour faire jouer la pièce), Le Cardinal d’Espagne en 1960 ; il fait tout pour ne pas apparaître comme homosexuel et fuit les photographes, sa notoriété d’académicien lui permet d’étouffer bien des affaires dans lesquelles il est compromis, peu à peu il sacrifie tout à l’amour « plus exactement au plaisir », au contact physique avec des adolescents, « Je ne comprends pas ce qu’on appelle aberrations sexuelles. Il y a des goûts différents, c’est tout » écrit-il, il parle de ses « deux forces essentielles : le goût du plaisir sexuel et le goût de la création littéraire » ; très populaire, il a des centaines de milliers de lecteurs ; inspiré par la Rome antique, il se suicide en cumulant cyanure et coup de revolver, ses cendres seront éparpillées clandestinement sur la place du Forum à Rome ; une biographie de Pierre Sipriot en 1979 appuyée entre autres sur le témoignage de Peyrefitte, révèlera que Montherlant entretenait des relations sexuelles avec des garçons de 9 à 14 ans, Peyrefitte et Montherlant faisaient des virées ensemble (voire entretenaient des mères de familles complaisantes), ces révélations posthumes modifieront l’image qui dominait de son vivant
30 septembre-1er octobre 1972 : à Paris, se tient au Keller’s « hard cruising bar » se tient le 1er meeting européen des clubs cuir, il réunit les 3 club cuirs existant en Europe ; le Keller’s vient d’être ouvert par le calaisien Robert, Robert est aussi le trésorier du F.S.M.C., le 1er club cuir français présidé par le marseillais Jean-Pierre Fouque, qui a ouvert à Marseille le club Cuir, Motos et S/M ; pour le F.S.M.C c’est son 3ème meeting
Octobre-novembre 1972 : le n°2 du Fléau Social , avec en couverture une foule de corps nus, souligne le recours à la lobotomie par les partisans de l’ordre établi pour guérir de l’homosexualité, et souligne les propos d’un médecin dans France-Soir le 9 juin 1972 « Une opération du cerveau guérira les intoxiqués » préconisant une opération de l’hypothalamus pour les drogués et les homosexuels ; outre la lobotomie, la lobotomie préfrontale et l’intervention sur l’hypothalamus, le Fléau Social indique les autres traitements utilisés dans divers pays (USA, Allemagne, Espagne) : incarcération, implantation d’hormones, castration, hypnose, électrochoc, traitement psychanalytique, psychothérapie dérivée, chimiothérapie, thérapie comportementale
Octobre 1972 : l’Olympia accueille le spectacle Polnarévolution, Michel Polnareff montre ses fesses sur des milliers d’affiches, il est sanctionné de plusieurs milliers de francs d‘amende
Octobre 1972 : le Nouvel Observateur présente la premièree enquête scientifique sur la sexualité des Français, le rapport du Pr Pierre Simon est l’équivalent français du rapport Kinsey, le Pr Simon est gynécologue, cofondateur du Planning familial (MFPF), l’initiative de ce rapport est né lors du congrèrs du MFPF de mars 1969 à Paris
11 octobre-22 novembre 1972 : procès de Bobigny – qui aura un énorme retentissement – contre une « avortée » de 16 ans (Marie-Claire, victime d’un viol), une « avorteuse » (sa mère, Michèle Chevalier, mère célibataire de 3 enfants, poinçonneuse dans le métro) et leurs complices, Gisèle Halimi de l’association Choisir, prend leur défense ; Jean Rostand fait partie de ceux qui témoignent en faveur de la défense, aux côtés de Françoise Fabian, Delphine Seyrig, Simone de Beauvoir, Michel Rocard, Jacques Monod (prix Nobel de médecine) ou encore Paul Milliez, célèbre gynécologie, catholique pratiquant ; Marie-Claire est acquittée par le tribunal pour enfants, la mère et ses complices sont condamnés à de faibles amendes, le procès en appel ne sera pas programmé ; la loi de 1920 sera abolie 2 ans plus tard par l’Assemblée nationale…
Novembre 1972 : parution du n°1 de Gulliver : une Gasoline y déclare « nous sommes les prolétaires de la sexualité » ; ce discours militant est traversé par les débats politiques du moment, quelques mois plus tôt dans Actuel (n° de juin 1972) un membre du groupe 5 du FHAR avait déclaré qu’il y avait des « gasolines staliniennes et des gasolines gauchisantes », un autre membre du FHAR se dira irrité par leur bouffonneries qui causaient du tort au par leur « terrorisme » ; Gulliver titre aussi « prolétaires de tous les pays, caressez-vous ! » : « l’homosexualité n’ayant pas d’autre raison d’être que le désir, elle est la négation du monde tel qu’il est » ; les journaux gays sont alors L’Antinorm, Le Fléau social, Gulliver et pour une part Actuel
Novembre 1972 : le n° 25 d’Actuel, Guy Hocquenghem rend hommage aux groupes lesbiens, pour leur rôle prépondérant dans la mise en place du FHAR, et avoue son admiration pour le Gay Liberation Movement aux USA ; dans le même n°, Guy Hocquenghem et des militants du FHAR dénoncent le « complot » des psychanalystes et des psychiatres au plan mondial pour anéantir l’homosexualité par une sorte de norme disciplinaire (la World Organisation for Mental Health qui « pratique le lavage de cerveau à grande échelle ») et parlent de la lobotomie pratiquée comme traitement de rééducation ; un militant du FHAR évoque une lettre qu’il a envoyé à Rouge, journal de la LCR, qui n’a publié que ce qui l’arrangeait, il conclut « je crois que la double appartenance à un mouvement gauchiste et au FHAR devient impossible » ; un article signale que des militants du FHAR se sont fait jetés hors d’un meeting du PCF avec Jacques Duclos
22 décembre 1972 : loi sur l’égalité de rémunération homme-femme
1973-1991 : en Tchécoslovaquie, 50 à 60 femmes Roms seront identifiées par un médiateur comme victimes de stérilisation forcée, mais cette politique existant de puis 1950, on imagine qu’au-delà des 80 plaintes ce sont des milliers de femmes qui en ont été victimes
1973-1980 : Simone Iff (1924-2014) est présidente du Planning familial, elle inventera le slogan « Un enfant si je veux quand je veux » ; elle a été la principale organisatrice du manifeste des « 343 salopes » (avortées) d’avril 1971 dans le Nouvel Observateur, par erreur elle ne l’a pas signé, elle aura 5 enfants et dira qu’elle a connu « un certain nombre d’avortements » dont un en Suisse ; elle a épousé le Suisse protestant Werner Iff en 1943, créé le mouvement Jeunes Femmes au sein de la bourgeoisie protestante en 1946, puis créé l’association La Maternité heureuse en 1956 qui est devenu le Mouvement français pour le planning familial en 1960 ; elle a contribué à ouvrir les premiers centres du planning de Grenoble et de Paris en 1961, déclarant plus tard : « Il fallait passer de la clandestinité à une structure qui avait pignon sur rue » ; proche du parti communiste, elle sera conseillère santé de la 1ère ministre des droits des femmes, Yvette Roudy, nommée par le 1er ministre Pierre Mauroy ; elle s’engagera en faveur des prostituées
1973-1974 : à Marseille, un groupe d’homosexuels se constitue à la faculté des sciences de Saint-Charles – à la faculté de lettres d’Aix aussi -, ils sont plus ou moins proches de l’extrême gauche, de la Ligue communiste en particulier, ils font leur coming out l’un après l’autre, parmi eux Jacques Girard, Clément Deloffre ou Jacques Fortin ; parmi eux, venu de Genève, Jacques Fortin est arrivé à Marseille à la fin de 1973, il a une complicité avec Jacques Girard qui a connu le FHAR à Paris, Jean-Pierre Léonetti et Jean Rossignol s’associent à ce groupe ; puis les réunions se feront dans les locaux du journal militant la Criée, aux allées Léon Gambetta ; de septembre 1974 à septembre 1975, Jean-Pierre Léonetti est mobilisé pour son service militaire, où il soutient les comités de soldats
1973 : Variétés: Charles Aznavour (Comme ils disent), David Bowie (The Jean Genie et Cracked Actor), The Who (Helpless Danger), Elton John (All the Girls Love Alice), Lou Reed (Walk on the Wild Side, où Lou Reed, intimiste, rêve d’être James Dean). Cinéma : « Louis 11, Ludwig ou le crépuscule des dieux » de Visconti, « George qui ? » de Michèle Rosier
1973 : parution du livre de Jean-Louis Bory (1919-1979) Ma moitié d’orange dans lequel il annonce publiquement son homosexualité, il s’affiche alors dans l’association homosexuelle Arcadie, par une int ervention des plus retentissantes lors de son 1er colloque, puis militera au FHAR, écrira Le Pied en 1976, et avec Guy Hocquenghem Comment nous appelez-vous déjà ? en 1977 ; Ma moitié d’orange est une méditation alègre et désabusée sur ce qui est son idée fixe, trouver sa moitié, fort de la recommandation prémonitoire de son père, pharmacien malheureux « regarde toi bien en face, c’est le principal, il se peut que le parti que tu prennes, en accord avec ce que tu sauras que tu es, te rende la vie difficile, bon courage », il raconte ses passions littéraires et artistiques, il crie sa solitude malgré sa célébrité conquise an « Masque et la Plume » et dans ses écrits, il note ce qui chez les écrivains lui parle de sa condition d’homosexuel, comme chez Balzac avec « l’incroyable couple femelle de la Fille aux yeux d’or… la curieuse actrice Zambinella aimée du sculpteur Sarrasine, actrice qui se révèle un castrat » ou encore « Vautrin amant du bagnard Théodore Calvi », Proust et Balzac sont pour lui des amis intimes, il avouera, « je n’ai pas peur de vieillir, j’ai peur de vieillir mal », « je voudrais résister au complot des forces assoupissantes » »j’ai besoin de l’attente des autres pour chercher ma moitié d’orange » ; la mort de son père le remue, elle sera inévitablement dans sa mémoire lorsqu’il se donnera la mort six ans plus tard, après une grave dépression, « après la mort de papa, j’ai retrouvé dans le tiroir de sa table de nuit un comprimé de cyanure » il se souvient qu’il avait dit « je ne serai jamais gâteux » avec une fermeté farouche, « s’il avait pu demeurer à proximité de sa table de nuit, et si les brumes maléfiques de l’attaque, son roulis d’ivrogne lui en avaient laissé la liberté, papa eût gobé son poison, il se serait pargné, et à nous, la laideur parthétique de sa sortie »
1973 : parution du livre de Philippe Ariès L’enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime sur la construction de la figure de l’enfant en Occident au cours des 2 derniers siècles
1973 : parution de Le Corps Lesbien de Monique Wittig ; interrogé par un journal néerlandais le 10 août 1974 elle dira « Ce dont je rêve, c’est une société de femmes entre elles. De groupes de femmes qui développent leur propre culture, et une idée propre qui ne soit plus imposée de l’extérieur et au service de quelque chose d’autre, qui ne soit pas non plus une réaction, mais qui soit complètement séparées des points de vue qui existent jusqu’à présent dans le patriarcat sur les femmes »
1973 : la pièce de théâtre La Cage aux folles est jouée pour la première fois, elle sera vue par un million de spectateurs, écrite par Jean Poiret, mise e scène par Pierre Mondy, il y aura 1 800 représentations avec Jean Poiret et Michel Serrault, elle sera adaptée au cinéma en 1978
1973 : à Lille, la surveillance policière des espaces de rencontre homosexuelle baisse drastiquement à partir de l’arrivée de Pierre Mauroy à la mairie, 19 personnes ayant des pratiques homosexuelles ont été condamnées en 1970 par le tribunal correctionnel pour « outrage public à la pudeur » ou « actes impudiques ou contre nature avec individu de même sexe, mineur de 21 ans », ils ne sont plus que 8 en 1971 et 3 en 1972 ; entre 1974 et 1986 seuls deux individus seront condamnés chaque année
1973 : le journaliste du Monde, Bruno Frappat raconte avoir accompagner des femmes « dans des opérations qui semblaient scandaleuses… Un dimanche, Maya Surduts, du MLAC, m’a proposé d’assister à un avortement clandestin organisé près de la Bourse, avec Yvette Roudy, j’étais le seul homme présent. Le lendemain mon papier était titré : Quand l’avortement est libre et gratuit »
1973 : au Maroc, le livre du tangérois Mohamed Choukri (1935-2003), le Pain nu, est traduit en anglais par Paul Bowles, il sera traduit en français par Tahar Ben Jelloun, cette autobiographie romancée sera interdit de circulation au Maroc jusqu’en 2000
1973 : la RFA révise le § 175, sans l’abolir
1973 : en RDA, à Berlin-Est, les Jeux mondiaux de la jeunesse et des étudiants sont une occasion pour les gays et les lesbiennes d’être présents, mais lorsque Peter Tatchell du Gay Liberation Front britannique prend la parole dans un forum des problèmes techniques se produisent malencontreusement, il en profite toutefois pour distribuer des prospectus
1973 : aux USA, l’homosexualité est retirée de la liste des maladies mentales (où elle figure depuis 1952 dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux) sous la pression des militants gays et à la suite d’un vote de l’association psychiatrique américaine, 10 000 psychiatres se sont prononcés votant à 58% pour et à 37% contre
1973 : aux USA, David Thorstad est président de l’Alliance des militants gais de New York, cofondateur de la coalition pour les droits des lesbiennes et des gais et de l’association nord-américaine de l’homme et de l’amour, coproducteur de Le mouvement homosexuel (1864-1935), et rédacteur en chef de « Gay Liberation and Socialism« , documents tirés des discussion sur la libération des homosexuels au sein du Socialist Workers Party (1970-1973) ; il conduit des recherches sur Félix Guattari lors de la publication de Trois milliards de pervers en mars 1973, lors de sa visite à Paris en 1974 il prendra contact avec Daniel Guérin grâce à qui il pourra mettre la main sur une copie du livre et rencontrera chez lui Guy Hocquenghem, et se rendra avec Daniel Guérin à des réunions des Beaux-Arts du FHAR et un soir au Bois de Vincennes, dans l’obscurité, à un rassemblement « chaotique et exubérant » qui lui rappelle les groupes gay radicaux aux USA et « se reflète dans la qualité pastiche du livre banni »
1973 : aux USA, à San Francisco 20 000 gays et lesbiennes vivent à Castro, 10 ans après l’ouverture du 1er bar gay
1973 : aux USA, création à Broadway de The Rocky Horror Show de Richard O’Brien, Brad et Janet découvrent un extra-terrestre bisexuel en provenance de la planète Transexual qui tente de donner vie à un éphèbe nommé Rocky ; le film en 1975 sera tout aussi dément
1973 : aux USA, mort en France de l’écrivaine et journaliste Margaret Anderson (1886-1973), elle a dirigé avec son amante Jane Heap la Little Review à New York, publié le début de Ulysse de James Joyce ; avec sa nouvelle compagne l’actrice Georgette Leblanc, elle a créé à Paris le groupe saphique La Cordée (1935-1937) ; elle publiera son autobiographie en 3 volumes, mais ce n’est qu’après sa mort que sera publié en 1996 son roman lesbien à thèse Forbidden Fires
1973 : aux USA, le Planning familial de Montgomery, en Alabama délivre des contraceptifs à base de Depo Provera, on découvrira en 2016 que des centaines de femmes ont été stérilisées sans leur consentement, elles étaient noires, pauvres, handicapées mentales ; en 1972 un scandale avait éclaté à propos d’une étude faite à partir de 1932 qui avait cherché à révéler les effets de la syphilis sur 600 métayers noirs non traités contre cette maladie
1973 : en Grande-Bretagne, mort de Wystan Hugh Auden (1907-1973) poète renommé, lors de ses études à Oxford il est membre du groupe formé par Louis MacNeice, Cecil Day-Lewis, Stephen Spender et Christopher Isherwood avec lequel, il a eu une liaison qui a duré jusqu’en 1939, chacun restant libre d’avoir des amants ; en 1928 il s’est rendu à Berlin pour apprendre l’allemand, et y a trouvé l’inspiration pour ses poèmes à partir de ses 1ères aventures homosexuelles, il a épousé Erika, fille de Thomas Mann pour obtenir un passeport britannique et fuir le pays, il resteront officiellement mariés jusqu’à la mort d’Erika, sans vivre ensemble ; il voyage en Espagne en 1937 pour soutenir les Républicains, il a entrepris un voyage en Chine en 1958 avec Christopher Isherwood ; il s’est installé à New York en 1941-1945, tombe amoureux de Chester Kallman en 1940 avec lequel il a vécu en couple pendant un an, Kallman refusant de lui rester fidèle, mais il resteront amis jusqu’à la mort d’Auden partageant le même appartement ou la même maison, travaillant ensemble sur des livrets d’opéras, et rédigeant de nombreux poèmes jusqu’au poème pornographique The Platonic Blow qui paraitra après sa mort
1973 : loi établit le divorce pour consentement mutuel
1973 : pour la 1ère fois une femme, Jacqueline de Romilly, accède au Collège de France
1973 : les Editions des Femmes publient un texte sur la sexualité et le politique L’alternative : libérer nos corps ou libérer l’avortement ; Le Bulletin la Cause des femmes se transforme en Bulletin du Cercle Flora Tristan du MLF ; création du Quotidien des femmes ; Monique Wittig publie le Corps Lesbien
1973 : création du MLAC (mouvement pour la libéralisation de l’avortement et de la contraception) qui regroupe une cinquantaine de comités mixtes
1973 : Arcadie organise le colloque « L’Homophilie à visage découvert » ; Jean-Louis Bory est critique sur l’usage du mot homophile mais restera compagnon de route de l’association et fidèle à sa relation avec Baudry jusqu’à sun suicide en 1979, il y prend la parole, et – cherchant une voie moyenne entre radicalisme et conservatisme – il cosigne également une livre de Guy Hocquenghem
1973 : à la télévision, l’émission consacrée à l’homosexualité des Dossiers de l’écran est brusquement déprogrammée par Arthur Comte, président de l’ORTF ; l’émission prévue en octobre 1974 sera à nouveau annulée pour cause de grève, elle sera diffusée en janvier 1975
1973 : disparition du groupe 5 du FHAR ; le FHAR meurt de ses contradictions, « une pensée trop conceptuelle et normative qui ne s’est jamais traduite positivement » dira Alexandre Marchant, le Groupe de Libération Homosexuelle (GLH) et d’autres (comme la culture camp) prendront la suite reprenant quelques thèmes du FHAR (la libération de l’oppression bourgeoise, le refus contestataire de l’ordre établi), tout en minimisant la dimension projet de société porté par les discours reichiens et deleuziens ; des Comités Sexpol apparaissent dans le sillage du FHAR à l’initiative du journal L’Antinorm qui publie la Plateforme du Sex-Pol dans son n°2-3 (ainsi à Aix-en-Provence la « Mouvance folle lesbienne » autour de Patrick Cardon prend la dénomination de Sexpol)
1973 : mort de Marc Allégret (1900-1973), fils du pasteur Elie Allégret, il est dès l’âge de 15 ans amant d’André Gide, il accompagne Gide dans son périple africain en 1927, tourne son 1er film Le Voyage au Congo, le soutien de Gide l’amène à mettre en scène l’Entrée des Artistes avec Louis Jouvet en 1938 ; il réalise – pour sa 1ère apparition à l’écran – avec Brigitte Bardot dans Futures Vedettes en 1955, et pour leurs 1ères apparitions à l’écran Alain Delon dans Sois belle et tais-toi en 1958 et Jean-Paul Belmondo dans Un drôle de dimanche, et tourne avec Jean-Claude Brialy Le Bal du comte d’Orgel (tiré du roman de Radiguet)
1973 : début de l’amitié de Jean-Marc Roberts (plutôt tourné vers les femmes) et François-Marie Banier, plus âgé de 7 ans, ils font les 400 coups, sur les traces de Louis II de Bavière, courant les casinos avec Aragon (plein de gentillesse et d’une grande faculté d’adaptation dira Jean-Marc Roberts), écumant les boites gays de la rue Sainte-Anne et les clubs chics (Castel ou Jimmy’s), Pascal Greggory devient l’amant de François-Marie Banier
1973 : au Canada et aux USA, création de la Canadian Lesbien and Gay Archives à Toronto et des Lesbian Herstory Archives à New York ; aux USA les années 1970 sont celles de la montée en puissance du Gay Liberation Movement avec sa vison communautariste et sa revendication d’une intégration des homosexuels comme communauté dans la société, des communautés gays s’implantent à New-York et San Francisco
1973 : en Belgique, parution du n°1 des Cahiers du GRIF (groupe de recherche et d’information féministes), avec Jacqueline Aubenas, Françoise Collin et Marie-Thérèse Cuvelliez
1973 : en Italie, parution du livre d’Elena Gianini Belotti Du côté des petites filles, inventaire des caractéristiques assignées aux filles et aux garçons avant leur naissance et tout au long de leur éducation ; le livre a du retentissement en France
4 janvier 1973 : création du journal Libération par Serge July, ancien de la Gauche prolétarienne, et Jean-Paul Sartre, il donne définitivement droit de cité à l’homosexualité à travers ses petites annonces dans les pages Chéri(e) ; Jean-Luc Hennig – suspendu de l’Education nationale pour avoir fait lire à ses élèves Trois milliards de pervers – est l’intermédiaire entre le journal et le mouvement homosexuel ; la parution de ces petites annonces vaudra au journal plusieurs procès, pour « outrage aux bonnes mœurs » et « excitation à la débauche » ; rapidement plusieurs figures homosexuelles rejoindront le journal, Guy Hocquenghem, Hélène Hazera, Michel Cressole et bientôt Copi ; Franck Arnal, plus tard cofondateur de Gai Pied, dira : « Libération a publié plus d’information sur l’homosexualité en 8 ans que l’ensemble de la presse quotidienne depuis 1881 »
22 janvier 1973 : aux USA, la Cour suprême reconnaît, avec l’arrêt Roe contre Wade, que l’accès à l’avortement est un droit constitutionnel
Février-mars 1973 : parution du n°2 de L’Antinorm, journal des groupes du FHAR avec en couverture une photo de travestis défilant dans la rue et le slogan « Prolétaires de tous les pays, caressez-vous ! »
Février 1973 : La Cage aux folles est un succès au théâtre du Palais-Royal (avec Jean Poiret, Michel Serrault) sur les tribulations d’un couple de travestis à Saint-Tropez
11 février 1973 : mort du comédien Maurice Escande (1892-1973), habitué des personnages de grand seigneur dans les films historiques, des Trois Mousquetaires en 1932 à l’Affaire du Collier de la Reine en 1946 ; son homosexualité était notoire et son cours d’art dramatique lui servait de vivier
Mars 1973 : parution du numéro spécial de Recherches intitulé Grande Encyclopédie des homosexualités : trois milliards de pervers, coordonné par Guy Hocquenghem, ce texte fondateur se veut étudier l’homosexualité à l’aune de la philosophie du désir, le n° est saisi, Félix Guattari qui dirige le revue en écrit le « liminaire », il y a 36 noms de contributeurs ; l’ouvrage sera condamné le 25 mai 1974 pour « outrages aux bonnes mœurs« , Gilles Deleuze, Michel Foucault, Jean Genet, Daniel Guérin, Pierre Hahn, Guy Hocquenghem et Jean-Paul Sartre ont collaboré à la revue ; la revue présente une collection d’interviews et d’analyses sur des thèmes comme : faire l’amour avec des arabes (c’est l’article le plus long – à quelques années de la guerre d’Algérie – il fait l’objet d’une controverse avec son discours sur des « Arabes imaginaires »), avec des mineurs (sous le titre générique Pédo-Philie qui fera l’objet d’autocensure lors d’une réédition en 2003), la masturbation (qui choquera les juges en charge de la censure), la drague, le lesbianisme et la question des travestis ; c’est la dernière manifestation publique du FHAR dont il annonce l’échec et la disparition ; les articles répondent à des détracteurs comme le Dr Morali-Daninos qui avait envoyé à Françoise d’Eaubonne une lettre d’injures et publié un Que sais-je ? écrivant que si on accordait la plus petite complaisance à l’homosexualité, ce serait la fin de la famille hétérosexuelle, base de notre civilisation
Mars 1973 : révélé par le n° spécial de Recherches, Jean-Claude Boyer, maître auxiliaire au lycée de Saint-Quentin, est muté pour avoir essayé d’ouvrir un atelier sur la sexualitéet l’homosexualité, après s’être fait traité de sale pédé par le proviseur, le SNES a pris sa défense avec réserve
Mars 1973 : parution de Ma moitié d’orange de Jean-Louis Bory, son « idée fixe » c’est de rechercher son autre « moitié », longtemps enseignant en lettres il a aimé transmettre son plaisir de la littérature, il parle de son « inquiétude » et de sa quête insatiable de « l’Autre », il veut « resister au complot des forces assoupissantes » et « déranger » à l’exemple du » Satiricon, Gulliver, Sylvie, Germinal, Nadja, tout Balzac, tout Proust« , ses « amis intimes », qui sont « inconfortables », il sent à quel point il est décalé du fait de son homosexualité, « l’amour interdit », il cite Reich qui « saute le pas qui va de la résistance à la révolution », Balzac l’enchante avec Zambinella, aimée du sculpteur Sarrasine, actrice qui se révèle être un castrat et le forçat Vautrin, il est aussi hanté par sa décrépitude
26 mars 1973 : mort de l’auteur dramatique britannique Noël Coward (1899-1973), auteur de nombreuses comédies aux dialogues brillants et spirituels, le film Brève rencontre (1945) de David Lean a été tiré de l’une d’elles ; il a rencontré en 1925 l’américain John Chapman Wilson qui est devenu son amant et son administrateur ; en 1937 John l’a quitté (pour épouser Nathalie Paley, petite fille du tsar Alexandre II) et Coward a eu de nombreux partenaires, le comédien Graham Payne a été le plus fidèle
18 avril 1973 : création du journal Libération, sous l’égide de Jean-Paul Sartre qui démissionnera en 1974, une bonne partie des 1ères équipes de journalistes sont homosexuels (Michel Cressole, Hélène Hazéra, Jean-Luc Hennig, Guy Hocquenghem, Jean Le Bitoux, Alain Prique, Eric Dahan, Gérard Lefort, Elisabeth Lebovici, Alain Pacadis, …) et ont connu le FHAR
Pâques 1973 : à Calais, meeting semestriel du F.S.M.C., le 2ème meeting semestriel se tiendra en septembre à l’occasion du Bol d’Or ; le marseillais Jean-Pierre Fouque, président du F.S.M.C., va élaborer, conjointement avec le président du 69 de Londres, Fraser L., et Yan et Otto, secrétaire et président du M.S.C. d’Amsterdam, les bases de la confédération européenne des clubs motorcycles gay qui regroupe les club existant et se propose d’accueillir les éventuels nouveaux clubs ; à Marseille Jean-Pierre Fouque va fonder son club avec Lucien Laurent, et bientôt il aura comme barman Antoine Carlotti
Mai 1973 : Le Fléau social dans son n°3 déclare que les élections sont un gigantesque « piège à cons » et que ce n’est pas avec des revendications que l’on avance (revendication = récupération) « chaque petite amélioration arrachée au système ne fait que lui rendre service, caque fois que l’esclavage améliore ses conditions d’esclavage, c’est au maître que cela profite »
4 mai 1973 : mort de l’Américaine Jane Bowles (1917-1973, née Auer) atteinte de tuberculose, elle a découvert en sanatorium sa passion pour la littérature et son goût pout les femmes, en 1937 elle a rencontré Paul Bowles, écrivain et compositeur américain, bisexuel, et s’est mariée avec lui leur relation a été platonique, chacun préférant désormais son propre sexe ; amante d’Helvetia Perkins il a écrit Two Serious Ladies en 1943, ils se sont installés à Tanger en 1947 ; elle a connu Cherifa en 1953, marocaine, avec laquelle elle a eu des relations orageuses pendant des années ; ils reçoivent William Burroughs, Truman Capote, Allen Ginsberg et Tenessee William
6-12 juin 1973 : en RFA, le Groupe d’action homosexuelle de Berlin ouest (HAW) organise une rencontre internationale des militants homosexuels de Berlin ouest, avec stands, programme de films, plus de 600 personnes y participent ; lors de la pentecôte 1974 les femmes de ce groupe Haw organiseront un grand rassemblement lesbien
17 juin 1973 : la « foire des femmes » création féminine sur le terrain vague de la Cartoucherie de Vincennes
23 juillet 1973 : la circulaire Joseph Fontanet, ministre de l’Education nationale de Georges Pompidou, encadre l’éducation sexuelle à l’école, avec d’un côté l’information sexuelle, obligatoire pour tous les élèves, et de l’autre l’éducation sexuelle, facultative, soumise à l’autorisation des parents pour le premier cycle ; le communiqué de la fédération de Paris des associations de parents d’élèves de l’enseignement libre (APEL) est sévère : le projet de circulaire Fontanet s’inscrit dans « le processus inéluctable qui transforme le projet de l’Education nationale en une vaste entreprise de libération sexuelle »
24 juillet 1973 : aux USA, à la Nouvelle-Orléans une communauté chrétienne LGBT – la Metropolitan Church – d’une soixantaine de personnes se réunit au Upstairs pour dîner au 1er étage, des flammes se déclenchent à l’entrée peu avant 20h, seules une trentaine de personnes parvient à s’enfuir, certains sautent par les fenêtres, en 16mn les locaux sont détruits par le feu, 29 personnes périssent intoxiquées ou brûlées vives, 3 personnes succomberont les jours suivants ; la presse passe sous silence l’incendie, a fortiori l’homosexualité des victimes, parmi les plaintes et menaces que reçoit le pasteur l’une d’entre elle dit « Laissez les pédés brûler » ; le probable auteur de l’attaque Rodger Dale Nunez, alcoolique et malade psychiatrique, est arrêté mais jamais condamné ; au cours de cette année des églises accueillant des personnes LGBT sont la cible d’incendies volontaires à Los Angeles et à Nashville
30 août 1973 : assassinat du poète pied-noir resté en Algérie Jean Sénac (1926-1973), enseignant en 1943 à l’institution Jeanne d’Arc de Mascara ; il publie des pooèmes dans la revue marocaine Le Pique Boeuf, fonde en juin 1946 Le Cercle arttistique et littéraire Lélian, une pleurésie l’oblige à séjourner dans un sanatorium proche d’Alger jusqu’en mars 1948 ; il travaille à Radio Alger, participe aux rencontres culturelles de Sidi Madani, près de Blida, publie ses recueils Mesure d’homme, Terre prodigue devenu Terre possible ; il se lie à de nombreux écrivains dont Emmanuel Roblès, Albert Camus, Jean Cayrol et Jules Roy ; dès le début de la guerre d’indépendance il rejoint le FLN et participe à l’installation de l’imprimerie El Moudjahid ; en janvier 1955 il publie son premier poème ouvertement anticolonialiste et des textes engagés ; il vit à Paris jusqu’en 1962 et rejoint l’Algérie indépendante où il est nommé conseiller du ministre de l’Education nationale et fait partie du comité chargé de la reconstitution de la bibliothèque de l’université d’Alger brûlée par l’OAS ; en 1963 il participe à la fondation de l’Union des écrivains algériens et en devient secrétaire général ; en 1965 lorsque Houari Boumédiène devient président, il perd la faveur du pouvoir central lorque son homosexualité est révélée, ses émissions poètiques sont interdites ; il est séquestré par des inconnus et assassiné dans la nuit du 29-30 août 1973, il avait prévu de terminer comme Garcia Lorca ; auteur de poèmes protéiformes d’une lumière singulière, crépitant d’étincelles libertaires, socialistes, nationalistes, chrétiennes, païennes, homosexuelles et panthéistes ; fou de Victor Hugo, d’Albert Camus, de René Char ou encore Yves Bonnefoy, il réinventait la poésie homosexuelle ; dans le poème Wilde, Lorca, et puis… il dit : « L’heure est venue pour vous de m’abattre, de tuer / En moi votre propres liberté, de nier / La fête qui vous obsède. Soleil frappé, des années saccagées / remontera / mon CORPS. » ; ses archives sont à la Bibliothèque nationale d’Alger et aux Archives de la ville de Marseille
Septembre 1973 : à Arcadie, parution du n° sur les questions de société préparé par le groupe de travail des jeunes homosexuels critiques,; c’est en 1971 qu’un groupe « jeunes » s’est constitué, ses membres sont les rédacteurs de ce n° s’engagent dans une approche marxiste, pour eux il ne peut y avoir de solidarité entre un patron et un ouvrier homosexuel, le groupe organise un débat au Club où la question des folles est évoqué et un militant propose d’aller s’enchaîner à une statue… l’avant-propos précise avec soin que la rédaction décline toute reponsabilité éditoriale ; Baudry est ulcéré : « Je ne veux plus vous voir, le groupe est noyauté par le PC, dehors ! », il parle d’ « une interprétation marxiste des problèmes de l’homosexualité » et les vire promptement les plus remuants, Jean-Noël Segresta et Odon Vallet se désolidarisent d’eux ; les animateurs du groupe, Jean-Pierre Januel et Jean-Pierre Matteï, sont militants du PCF, mais le n° paraît après leur expulsion ; lors de leur expulsion plusieurs membres de la commission se solidarisent avec eux, ils adoptent un nouveau nom Philandros, mais celui-ci ne regroupe bientôt plus qu’un petit groupe de personnes, en avril 1974 ils feront la jonction avec des anciens du FHAR pour fonder le Groupe de Libération Homosexuelle
4 septembre 1973 : mort de la journaliste et militante norvégienne Elise Ottesen-Jensen (dite Ottar, 1886-1973), 17ème enfant d’un pasteur,, installée en Suède en 1919 elle fonde l’Association for Sex Education qui encourage la contraception, l’avortement et la légalisation de l’homosexualité ; en 1930 elle séjourne à Berlin à l’Institut de Science Sexuelle de Magnus Hirschfeld, et à son retour aide à la formation de la Swedish Federation for Gay and Lesbian Rights et organise un réseau d’aide qui renseigne sur les conférences et les lieux de rencontre ; durant la Seconde Guerre mondiale elle recueille de nombreux juifs et homosexuels qui fuient les camps ; son action contribue à ce que la Suède soit le premier pays à décrminaliser l’homosexualité en 1944, en 1950 elle publie le Magazine populaire pour la Psychologie et l’Education sexuelle, son travail est couronné en 1958 par le diplôme de docteur honotis causa de l’Université d’Uppsala
20 septembre 1973 : aux USA, Billie Jean King, lesbienne, tenniswoman de 29 ans, remporte le match mixte qui l’oppose à Bobby Riggs, ancien n°1 mondial de 55 ans, misogyne autoproclamé (« la place des femmes est dans la chambre à coucher et dans la cuisine »), il y a alors 30 400 personnes à l’Astrodome de Huston et 50 millions de téléspectateurs américains ; le match restera un événement d’anthologie (un film sera réalisé sur ce match en 2017)
29 septembre 1973 : mort du poète britannique Wystan Hugh Auden (1907-1973), il quitte Oxford en 1925 avec son dipôme, sa réputation de poète attire un groupe d’intellectuels marqués à gauche, Louis MacNeice, Cecil Day-Lewis, Stephen Spender et Christopher Isherwood avec qui il a une liaison sexuelle qui dure jusqu’en 1939 ; en 1928, en compagnie d’Isherwood, il passe un an à Berlin, apprend l’allemand et vit ses premières aventures homosexuelles, pour obtenir un passeport britannique il épouse Erika, fille de Thomas Mann, il ne vivent pas ensemble mais restent amis et officiellement mariés jusqu’à la mort d’Erika ; en 1937 il va en Espagne soutenir la cause des républicains, en 1958 il va en Chine avec Isherwood ; en 1939 il s’installe à New York et enseigne de 1941 à 1945 des les universités et obtient la nationalité américaine en 1946 ; en 1940 il est tombé amoureux de Chester Kallman, avec lequel il vit en couple un an, Kallman refusant d’être fidèle comme Auden l’exige, pourtant de 1947 à la mort d’Auden ils restents amis, partagrent le même toît et travaillent sur des livrets d’opéras (comme The Rake Progress de Stravinsky) ; les sources d’inspiration d’Auden sont nomlbreuses, avec Poems (en 1930) plutôt autobiographique, héros et prophète avec The Orators en 1931, plutôt dans l’amour avec Blues Funeral, dans la politique et les questions sociales avec Le Bouclier d’Achille en 1955, les thèmes culturels et psychologiques avec The Age of Anxiety , les thèmes religieux dans The Dance of Death en 1933 et For the Time Being en 1944 ; avec A Baroque Eglogue il obtient le prix Pulitzer en 1948 ; son poème pornographique The Platonic Blow paraîtra après sa mort ; il est enterré à l’abbaye de Westminster à côté des plus grands poètes anglais ; sa biographie Auden ou l’œil de la baleine sera publiée par Guy Goffette en 2005
Octobre 1973 : parution de Paysage de fantaisie de Tony Duvert (1945-2008) qui reçoit le prix Médicis, il revendique sa pédophilie avec des « gamins qui aiment faire l’amour comme on se mouche », il raconte ses relations sexuelles « avec un bon millier de garçons » dont les plus jeunes avaient 6 ans, il parle de l’homosexualité et porte sa critique sur la famille ; Gabriel Matzneff publiera en 1974 les Moins de 16 ans, il écrit « Coucher avec un/une enfant, c’est une expérience hiérophanique, une épreuve baptismale, une aventure sacrée » et célèbrera le « corps enfantin, baisé, exploré, fouillé »
1er octobre 1973 : parution de la Lettre de David et Jonathan, l’association est surtout parisienne avec le même profil social qu’Arcadie
Novembre 1973 : le n°3 du Fléau Social dénonce la misère sexuelle générale, contre « les boites et les bars » lieux clos et ghettos où l’on va « pour échapper à sa solitude, rencontrer d’autres solitaires, partager un peu de sa non-vie », contre la vie en couple, la famille et la communauté, il est temps d’en « finir avec le sexe » totalement phagocyté par le capitalisme
1° novembre 1973 : les dirigeants de la Gauche Prolétarienne (la GP, maoïste), l’une des principales organisations gauchistes issue du mouvement de Mai 68, sabordent leur mouvement pour éviter de tomber dans le terrorisme, parmi ses soutiens Jean-Paul Sartre, Maurice Clavel, Michel Foucault ou encore François Truffaut et Léo Ferré, parmi ses cadres Benny et Tony Lévy, Alain Geismar, Olivier Rollin, Serge July, Jean-Pierre Le Dantec ; sa dissolution sur décision du gouvernement en mai 1970 qui a conduit au repli sur le Secours Rouge et le journal La Cause du Peuple, la mort de Pïerre Overney, jeune ouvrier, devant les usines Renault le 25 février 1972, les dérives terroristes des mouvements allemand (Fraction Armée Rouge) et italien (Brigades Rouges), l’émergence d’un mouvement ouvrier autonome chez Lip à Besançon dont la GP est absente à l’été 1973, sont autant d’événements qui conduisent à cette autodissolution ; leurs concurrents de Vive la Révolution, groupe libertaire et moins dogmatique, dont le leader est Roland Castro, sont en pointe sur le féminisme, la question urbaine ou les droits des homosexuels
29 novembre 1973 : émission médicale à la télévision réalisée par Igor Barrère, à laquelle participent Yves Navarre et André Baudry, ainsi qu’un chauffeur routier, un couple d’homme, un homme marié et des endocrinologues et psychanalystes elle attire près de 5 millions de téléspectateurs
Décembre 1973 : sur France Culture, Guy Hocquenghem confronté au Pr Milliez, combat la catégorisation médicale des sexualités, il déclare : « Il n’y a pas de statut sexuel définitif »
15 décembre 1973 : aux USA, à Washington, le Dr Alfred M. Freedman, président de l’APA, annonce que les administrateurs de l’Association psychiatrique américaine a décidé, à l’unanimité moins 2 abstentions, que l’homosexualité ne sera plus citée comme « trouble mental » dans la nomenclature officielle des troubles mentaux (avec le fétichisme, le voyeurisme, la pédophilie, l’exhibitionnisme), elle est désormais un « trouble de l’orientation sexuelle » ; les administrateurs recommandent également que les homosexuels reçoivent toutes les protections maintenant garanties à tous les autres citoyens
18 décembre 1973 : première petite annonce homosexuelle dans le quotidien Libération qui devient un organe d’expression pour les militants homosexuels ; Jean le Bitoux fait ses premières armes de journaliste à Libération, il y rencontrera Serge July, Hélène Hazera et Michel Cressole ; le journal sera jugé en correctionnelle pour ces petites annonces
1974-1977 : le secrétaire d’Etat à la culture du gouvernement Chirac, Michel Guy, est un homosexuel libre – il fréquente le Sept, rue Sainte-Anne – mais cette notoriété est limitée et la majorité politique rejette frontalement l’homosexualité
1974 : Cinéma : « Le Droit du plus fort » de R.W. Fassbinder, « Une chose très naturelle » de Christopher Larkin, « Berlin Harlem » de Lothar Lambert. Variétés : Dalida (Il venait d’avoir 18 ans, chanson écrite par Pascal Sevran), David Bowie (Rebel Rebel), Queen (Killer Queen), Henri Tachan (L’Amour et l’amitié).
1974 : sortie du film de Louis Skorecki Eugénie de Franval qui reprend littéralement le texte du roman éponyme de Sade, Skorecki incarnant le personnage de Valmont se masturbe jusqu’à éjaculer face à la caméra
1974 : le film Je, tu, il elle de Chantal Akerman film-manifeste dans lequel elle se met en scène frontalement, à l’issue d’une longue errance tordue par le désir, faisant l’amour avec son amante dans la vie, Claire Wauthion, avec la force brutale de trois longs plans fixes des deux femmes en train de faire l’amour ; Chantal Akerman est fille et petite-fille de déportées à Auschwitz ; elle fera encore Jeanne Dielman avec Delphine Seyrig en 1975, La Captive, La Folie Almayer, De l’autre côté, Un jour Pina m’a dit, ou encore Marcher à côté de ses lacets dans un frigidaire vide en 2004
1974 : dans les Temps modernes parution d’un n° spécial « Les femmes s’entêtent » dirigé par Simone de Beauvoir ; et en décembre 1974, début de la parution des Chroniques sur le sexisme ordinaire tenue par Simone de Beauvoir dans la revue
1974 : Michelle Perrot met en place avec Pauline Schmitt et Fabienne Bock un cours d’histoire intitulé Les femmes ont-elles une histoire ? ; elles sont dans un premier temps chahutées au prétexte qu’elles détournent les femmes de l’objectif révolutionnaire
1974 : dans le cadre du MLF est fondé Musidora, premier festival de film liant féminisme et cinéma dans l’objectif de diffuser des films de réalisatrices ; en 1978, suite à la disparition de Musidora un second festival de films de femmes sera créé à Sceaux, puis ern 1983 à Créteil
1974 : création de l’association Le Patriarche par Lucien Engelmaïer pour « soigner » les toxicomanes en les faisant vivre dans des communautés ; l’association sera signalée en 1995 dans le Rapport parlementaire sur les sectes, son fondateur devra démissionner et sera condamné à de la prison (l’association changera de nom)
1974 : mort de Pierre Herbart (1904-1974), il a été pendant la Résistance le général Le Vigan et accueillit à ce titre de Gaulle à Rennes, il a connu Albert Camus, puis dirigé et écrit dans Combat, il était attiré par les garçons issus du peuple, il a admiré et rencontré Jean Cocteau et André Gide, il connu Roger Martin du Gard et Roger Kempf ; il a écrit L’Age d’or en 1952 dans lequel il témoigne de ses amours homosexuels
1974 : Arcadie publie le bulletin Arcadie flashes, bulletin de presse et d’information qui paraît au rythme de 10 n° par an, et la couverture de la revue devient colorée et fait apparaître en sous titre Mouvement homophile de France ; parution de livre Rapport sur l’homosexualité de l’homme de Michel Bon et Antoine d’Arc (avec un 1er chapitre sur l’analyse du profil social d’Arcadie) ; la revue Arcadie mène une grande enquête auprès de ses adhérents, 1 000 réponses sont obtenues, les plus de 60 ans représentent 8,1 % des membres, il y a une légère surreprésentation des 25-40 ans (au regard de cette tranche dans la population nationale), 50 % des membres habitent Paris et sa région, les professions libérales et les membres de la classe moyenne dominent largement (39% des membres)
1974 : Jean Le Bitoux est membre du 1er GLH (groupe de libération homosexuelle) qui se dénommera Politique et Quotidien (il durera jusqu’en 1978) qui se réunit dans une salle de classe de Jussieu ou ailleurs, il participe aux 1ères marches, aux 1ers festivals, aux 1ers bals ; il aimera raconter – même s’il n’y a pas participé – l’épisode de la poubelle déversée sur Jean Poiret à la sortie de la pièce de théâtre la Cage aux Folles ; Alain-Pierre Ricard, 17 ans, devient membre du GLH groupe de base, où il rencontre Michel Heim et Alain Leroy
1974 : création de la Ligue du Droit des Femmes par Anne Zelensky et Annie Sugier, présidée par Simone de Beauvoir (jusqu’en 1986)
1974 : création du GLIFE (groupe de liaison et d’information femmes enfants) dans le quartier des Halles (il durera jusqu’en 1976), plusieurs groupes se réunissent dans ses locaux : la Ligue du Droit des Femmes, les Féministes révolutionnaires, les Pétroleuses, Musidora ; création des Muses ; création du 1er festival de films de femmes de Musidora
1974 : la loi rend la contraception accessible à toutes , sans consentement parental pour les mineures, la Sécurité Sociale dès lors rembourse les frais relatifs à la pilule et au stérilet
1974 : Marie-Pierre Pruvot à 37 ans, née en 1935, devient professeur de français à Querqueville, près de Cherbourg, elle a passé le bac en 1969 à l’âge de 33 ans, puis obtenu son Capes grâce aux cours de l’après-midi, elle devient Madame Tout-le-monde ce qu’elle a toujours rêvé d’être, elle enseignera pendant 30 ans avec plaisir ; née le 11 novembre 1935 en Algérie, en Kabylie, elle était Jean-Pierre, elle a été séduite par le Carrousel du Louvre, de passage à Alger, elle a pu partir pour Paris et devenir la femme qu’elle rêvait d’être, elle s’est faite opérée en 1958, et devenue Bambi, avec ses airs de Martine Carol, elle y a travaillé dur aux côtés de Capucine et Coccinelle ; elle dira qu’à l’époque (1953-1973) « c’était risqué de sortir dans les bars ou les petits restaurants d’artistes de Pigalle, car il y avait des contrôles d’identité et la police était terrible avec les transsexuels. Le mot transsexuel n’existait pas à l’époque ! Même sur les affiches du Carrousel, il était écrit : Les plus beaux travestis du monde » ; à sa retraite, elle écrira ses mémoires et sera en 2013 l’objet d’un documentaire de Sébastien Lifschitz
1974 : parution de Le Bon Sexe illustré de Tony Duvert (1945-2008), critique acerbe et moquerie de L’Encyclopédie de la vie sexuelle : de la physiologie à la psychologie des Dr Cohen et Tordjman, valorisation du modèle familial et promotion d’une sexualité « châtrée », neutralisée et aseptisée ; il se fait le défenseur de la pédophilie homosexuelle, à un moment où ce sujet est en débat; le livre est parsemé de sexes d’enfants en érection, « Il faut reconnaitre aux mineurs, enfants et adolescents, le droit de faire l’amour » ; Duvert fait l’éloge de la législation danoise qui fixe la majorité sexuelle à 14 ans
1974 : la communauté de l’Emmanuel organise le 1er rassemblement du Renouveau charismatique française, de l’Eglise catholique, à Paray-le Monial, en Saône et Loire ; désormais des milliers de personnes passeront chaque été pour des sessions d’une semaine organisées sous le chapiteau de la communauté de l’Emmanuel ; elles seront le creuset de la « refondation anthropologique » de l’Eglise de France, soutenue par les deux pontificats de Jean-Paul II (1978-2005) et Benoît XVI (2005-2013) ; « l’insurrection spirituelle » conservatrice portera peu à peu ses fruits jusqu’aux grandes manifestations de 2012-2013 contre le Mariage pour tous
1974 : avec la disparition du FHAR, se crée à Paris le 1er Groupe de Libération Homosexuelle dont Jean-Paul Amouroux témoignera dans un livre Du rose à l’arc-en-ciel (en 2016), jeune étudiant à Nanterre, il fréquente alors le club Arcadie une fois par semaine dans le 10ème arr. et fonde avec quelques amis Philandros qui devient rapidement GLH avec le secret espoir d’envoyer un message aux lesbiennes, avec en particulier Michel Heim (qui créera la troupe de théâtre très colorée des Caramels Fous), ils distribuent des tracts sur les marchés parisiens, les conflits sont nombreux mais des énergies nouvelles apparaissent ; pour sa part Jean-Paul part à l’armée, puis est nommé professeur en Picardie
1974 : parution de L’Emile perverti, ou des rapports entre la sexualité et l’éducation de René Scherer pour lequel l’initiation sexuelle a un rôle dans l’éducation des enfants, pour lui l’enfant n’existe pas, c’est une figure construite historique et sociale, une représentation formée par les adultes dans nos société occidentales depuis 2 siècles, tenir l’enfant dans l’ignorance des questions sexuelles et des questions de vie en général est néfaste et peu céer de la frustration sexuelle et du refoulement ; il fait une analogie entre pédagogie et pédérastie, en référence à la figure de Socrate, et considère que « La secte des instituteurs et des pédagogues » doit être « attentive aux attractions passionnées des enfants », il faut les aider « à satisfaire l’immensité de leurs désirs, en dehors des familles et contre elles »
1974 : à l’université de Vincennes Paris VIII Hélène Cixous, agrégée d’anglais, fondatrice à 26 ans de cette université avec Jacques Derrida en 1968, créé le 1er doctorat en études féminines, en France et en Europe ; en 1975 elle contactera les Editions des femmes dirigées par Antoinette Fouque, avec laquelle elle s’engagera
1974 : l’écrivaine Françoise d’Eaubonne publie dans Charlie-Hedbo l’Appel des femmes du mouvement éco-féministe « Attendu que le plus grand péril qui menacee dans un avenir très proche notre planète et notre espèce, présente ce double aspect : surpopulation et destruction des ressources, à savoir la catastrophe écologique… Nous femmes du mouvement écologie-féministe, nous déclarons : … prendre le contrôle de la démographie avec nos sœurs du tiers-monde… organiser une grève de la marernité d’un an pour celles de nos signataires qui sont en condition de précréer… l’abolition totale et irréversible du sexisme et du patriarcat ; son livre Le féminisme ou la mort paraît la même année ; quelques années auparavant elle a signé le Manifeste des 121 pour le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie, elle s’est engagée dans le FHAR (Front homosexuel d’action révolutionnaire) en 1971, et en 1975 elle ira jusqu’à déposerune bombe sur le chantier de la centrale nucléaire de Fessenheim, en Alsace
1974 : le journa l l’Antinorm devient l’Antinorm Sexpol, il abandonne la référence explicite à l’homosexualité, s’enrôle sous la bannière de Wilhelm Reich et finit par conseiller le vote trotskiste aux élections présidentielles ; paraissent au même moment Le Fléau Social (n°2, fin 1972), Actuel (n° 25, nov 1972), Gulliver (n°1, nov. 1971)
1974 : création en France de la société de sexologie (Jacques Waynberg, Dr Torjmann)
1974 : à Aix-en-Provence, le groupe de théâtre travesti Les Mirabelles présente ses spectacles Les Fauves, puis Les Guérilléroses ou encore Oiseaux de nuits qui sont présentés au Off du festival d’Avignon ; Félix Guattari leur consacre un article dans Libération ; de son côté Patrick Cardon, toujours en lien avec le groupe qui a créé le FHAR, fonde le groupe Sexpol, groupe de réflexion sur la sexualité et la politique, du nom de la revue Sexpol (inspirée par les travaux de Wilhelm Reich), puis il cofondera en 1976 le GLH (groupe de libération homosexuelle), « on remplissait des tables entières au restaurant universotaire et dans les terrasses de la ville, et on se réunissait pour parles chez les uns les autres. L’important pour nous c’était de dire ‘n’ayez pas peur d’être homosexuels : arrêtez d’avoir honte, vive la liberté sexuelle, à bas la bourgeoisie qui nous fait taire’
1974 : à Rome, pour ses 30 ans, Helmut Berger, héros des Damnés et de Ludwig de Visconti, organise une grande fête du « mauvais goût » au club de nuit célèbre Jackie O’ où tout le monde était déchainé par la cocaïne écrira-t-il en 2015 dans ses Mémoires, Valentino, Ursula Andress, Soraya, etc. « les gens les plus exquis d’Europe dans les fringues les plus moches, la noblesse, les célébrités du cinéma, la jet-set »
1974 : en Suède, l’Association œcuménique des chrétiens homosexuels (Ekho) publie le contenu de ses travaux dans un livre les Homosexuels et l’Eglise qui conseille aux évêques – de l’Eglise luthérienne (qui regroupe 60% des Suédois) – d’accueillir les prêtres homosexuels et suggère d’envisager une forme de bénédiction des couples de même sexe ; l’Eglise choisit de ne pas commenter ce rapport, elle reconnait que l’homosexualité n’est pas quelque chose que l’on choisit et estime que son rôle est d’encourager les relations amoureuses dans la foi
1974 : aux USA, dans le quartier Castro à San Francisco Harvey Milk qui tient un magasin de photographie, organise la 1ère foire de Castro Street, ce sera le point de départ des célébrations de la gay pride à San Francisco
1974 : aux USA, à New York, création des 1ères archives lesbiennes au monde les Lesbian Herstory Archives, parmi ses fondatrices Mabel Hampton, tour à tour danseuse, philanthrope et militants des droits des LGBT et des Noirs
1974 : aux USA, en Californie, création des Ballets Trockadero, ils ne comptent que 2 danseurs classiques sur 10 hommes, c’est le début du mouvement gay californien, dans les années 1980 des compagnies analogues seront crées le Ridiculous Theater ou le All Males Comedy Ballet ; plus tard seront créés les Ballets Trockadero de Monte Carlo
1974 : en Allemagne, parution du 1er ouvrage général sur la situation des homosexuels en RFA L’homosexuel ordinaire de Marin Dannecker et Reimund Reiche ; en 1975, Verlag rosa Winkel (Triangle Rose) sera le 1er journal homosexuel depuis 1945 ; en 1974 tenue du procès d’Itzehoe mettant en accusation deux lesbiennes, Judy Anderson et Marion Ihns, à la suite du meurtre du mari de Marion, le 16 septembre 1974 un groupe de femmes interrompt le procès en accusant la presse « mâle » hostile à l’amour lesbien ; en 1974 création à Berlin Ouest de l’association de lesbiennes L 74 autour de 3 fondatrices qui ont connu l’Allemagne de Weimar, à l’initiative de Käthe Kuse (1904-1999), avec l’artiste juive Gertrude Sandmann (1893-1981) et la résistante communiste Hilde Radusch (1903-1994), elles font venir la sexologue juive, berlinoise de naissance, Charlotte Wolff (1897-1986) dont les travaux sur l’homosexualité féminine ont un impact majeur, et le groupe L 74 publiera un périodique Unsere kleine Zeitung (notre petit papier) de 1975 à 2001
1974 : en Allemagne, 1er Congrès international des femmes à Francfort avec 600 femmes sont réunies issues de 14 pays, il donne lieu à la création du Front lesbien international, avec la participation de Monique Wittig
Janvier 1974 : David et Jonathan éclate en 2 entités, le groupe Saint-Germain, rattaché à la paroisse de St Germain des Près, et un autre qui se réunit à l’atelier Béthanie
19 janvier 1974 : en Grande-Bretagne, réunion à Londres au 1er étage du « célèbre » club Le Colherne, pour la création de l’E.C.M.C. (European Confederation Motorcycle Club) dont le président d’honneur est Jones F. (président d’honneur du club 69, le Sixty-Nine) et le secrétaire John W. (secrétaire du 69) qui devient le 1er secrétaire de l’E.C.M.C., le marseillais Jean-Pierre Fouque y représente le Boy-Cuir, les autres fondateurs sont le M.S.C. d’Amsterdam, le M.S.C., le Sherwood Choppers, le Northern Riders, V Senses et le Sixty-Nine de Londres, le M.S.C. de Belgique et le Loge 70 de Suisse
Février 1974 : la fin du FHAR : à la demande de la direction de l’école des Beaux-Arts, la police intervient au 5ème étage ; le FHAR était moribond depuis huit mois et ses assemblées générales (hebdomadaires en 1973) désertées ; un témoin Jean L. explique « dans les 1ers mois l’atmosphère était très sympathique et par la suite ce fut la désorganisation totale, il s’agissait de fonctionner de manière spontanée et finalement personne n’a été capable de faire face à la répression policière qui a eu lieu » ; dissolution de fait du FHAR ; le groupe de travail de Paris rassemblait 6 à 30 personnes, et il existe désormais une quinzaine de groupes en province ;
Février 1974 : Daniel Guérin écrit dans une lettre à Jean-Marie Aubry que la fréquentation de ces jeunes prolétaires lui permet de trouver un « point de contact avec le populo » (bien mieux qu’avec les militants gauchistes qui sont des cérébraux dépopularisés malgré leurs attitudes et leur vocabulaire), il défend son idée que les combats à mener pour la libération du prolétariat se font dans l’homosexualité pratiquée avec de jeunes ouviers ; Guérin vois dans l’état d’esprit gauchiste des années 1970 (fédéralisme, autogestion), « l’amorce d’une société nouvelle », il est de toutes les luttes (nucléaire, OLP, , grève des postiers), il fonde l’UCTL (l’union des travailleurs communistes libertaires) et écrit Rosa Luxembourg et la spontanéité révolutionnaire
Mars 1974 : création de la Ligue du Droit des femmes pour lutter contre toute forme de discrimination sexiste par Simone de Beauvoir, Anne Zelenski et Annie Sugier ; parution du n°1 des Pétroleuses, journal de la tendance lutte des classes du MLF sous la direction de Michèle Descolongues ; parution du n°1 du bulletin de liaison Femmes travailleuses en lutte, supplément au journal trotskiste Révolution, dirigé par R. Rotman puis Babette Motsch
Avril-mai 1974 : parution dans les Temps modernes d’articles Les femmes s’entêtent : les homosexuelles parentes pauvres du mouvement des femmes ont davantage à se créer un territoire qu’à revendiquer une place dans ce mouvement
Avril 1974 : le groupe dissident d’Arcadie, Philandros, confronté à la difficulté de constituer une association qui ne soit pas contraire aux « bonnes mœurs », sur proposition d’Alain Leroi (Jeanne d’Arc) le groupe prend le nom de GLH (Groupe de Libération Homosexuel), sa 1ère action est d’aller distribuer des tracts sur le marché de la rue de Bretagne mais personne n’ose véritablement effectuer cette distribution ; Michel Heim qui fait partie de ce groupe indiquera qu’ils ont été contactés par des anciens du FHAR (de l’Université de Jussieu) ce qui leur a permis de surmonter « cette difficulté de passage », puis d’autres militant-es comme ceux du journal l’Antinorm, mais Michel Heim est mal à l’aise, il craint que l’échec du FHAR ne se reproduise avec le retour du seul souci de satisfaire sa libido au détriment de « l’action militante » ; le GLH se dotera bientôt d’un président Jean-Paul Amouroux et d’un manifeste en 7 points Programme pour la libération des homosexuels ; lors d’un meeting sur l’homosexualité à l’université de Vincennes, Duchein, proche d’André Baudry à Arcadie, essaie de prendre la parole, il est interrompu par les cris de l’assistance, l’expérience est cuisante pour Arcadie
Avril 1974 : Paris Match publie un article sur le Pr Burou qui à Casablanca pratique des opérations de changement de sexe (depuis 1956), titré « L’homme qui change le sexe » ; déjà en juillet 1970 sa photo auprès de patientes transsexuelles était parue dans les tabloïds américains et britannique, National Police Gazette et Sunday Miror, et en 1971 dans la revue érotique italienne Playmen ; il déclare dans un entretien avec le journaliste Michael Goldsmith ne pas connaitre de médecin qui ait pratiqué comme lui plus de 60 opérations, et à l’AFP la même année en avoir pratiqué plus de 600 ; et cette année-là, une patiente qui a été par le Dr Burou publie une autobiographie (Conundrom de Jan Morris) ; Harry Benjamin écrira un livre sur le Dr Burou en 1978 (The Transsexual Phenomenon) ; le Dr Burou n’a fait qu’une communication scientifique sur son travail, en février 1973 au Symposium on Gender Dysphoria Syndrome à l’université de Stanford aux USA ; des personnalités célèbres ont été opérées pas lui April Ashley (GB), Deborah Hartin (USA), Bambi (France), Gunde (Allemagne), Corinne Van Tongerloo (Belgique) ; en France de 1976 à 1991 les tribunaux refuseront de reconnaitre les changements de sexe opérés par le Dr Burou, soit un an après la mort de celui-ci
Mai 1974 : ouverture de la Librairie des femmes à Paris
19 mai 1974 : Valéry Giscard d’Estaing est élu président de la République (Jacques Chirac Premier ministre, Simone Veil ministre de la Santé, Françoise Giroud secrétaire d’Etat à la Condition féminine) sur le thème du « libéralisme avancé » ; des mesures de libéralisation vont être prises, parmi elles : l’abaissement de l’âge de la majorité de 21 à 18 ans, l’accès à la contraception, l’accès à l’IVG (interruption volontaire de grossesse), la levée de l’interdiction d’affichage de la revue Arcadie, l’assouplissement de la censure interdisant les films érotiques (les films érotiques sont autorisés mais non subventionnés)
Juin 1974 : création du Groupe lesbiennes féministes (GLF) qui publie le Journal des lesbiennes féministes
Juin 1974 : à Paris, 1er tract du Groupe de Libération Homosexuel (GLH), constitué par des militants du FHAR et un groupe de jeunes exclus d’Arcadie en 1973, le GLH se veut un moyen terme entre le FHAR, inorganisé et pétri de contradictions, et Arcadie trop structuré et pas assez revendicatif, ses thèmes : liberté sexuelle à tout prix, droit au plaisir, refus de la normalité, lutte féministe, lutte contre le racisme ; à Jussieu le GLH partage ses locaux avec l’association étudiante homosexuelle Philandros, et avec une association antimilitariste ; un militant Christian F. explique « Il ne faut pas tomber dans l’espèce de terrorisme des « folles », comme ce fut le cas au FHAR. Toutefois, on refuse de se retrancher derrière la façade de respectabilité bourgeoise, sérieuse et vide » ; Jean-Luc Hennig expliquera dans Libération en juin 1975 que le GLH s’ouvre bien au-delà du milieu étudiant, à la différence du FHAR : cadres moyens, enseignants, employés, jeunes travailleurs
8-9 juin 1974 : à Paris appel à la grève des femmes (Grrrrr-rêve) et rassemblement des femmes avec banderoles sur le Bd Sébastopol
5 juillet 1974 : la loi fait passer la majorité civile de 21 à 18 ans, parmi les conséquences la majorité sexuelle pour les relations homosexuelles passe automatiquement de 21 à 18 ans, elle reste pour les hétérosexuels à 15 ans
2 août 1974 : mort de Pierre Herbart (1903-1974), à Grasse, au bord de la misère à 71 ans, il a connu Cocteau et Gide dans les années 1920, l’opium, l’alcool, les voitures de sport et les cures de désintoxication, il a entrepris de nombreux voyages ; il a écrit Le Rôdeur en 1931, été secrétaire de la journaliste Andrée Viollis, puis dirigé à Moscou la revue Littérature internationale des écrivains révolutionnaires, où il a succédé à Paul Nizan, après avoir déchanté du communisme, secrétaire et confident de Gide – sur qui il a écrit A la recherche d’André Gide – pendant plus de 20 ans, il est allé avec lui à Moscou et va avec lui en Afrique en 1938 ; en mai 1944, devenu général Le Vignan, il a dirigé la résistance en Bretagne et accueille à la préfecture de Rennes le général de Gaulle, il est devenu éditorialiste à Combat, puis à Défense de la France (qui deviendra France-Soir) et à Terre des Hommes qu’il a fondé avec Claude Bourdet ; il a écrit Contre-Ordre en 1935, Alcyon en 1945, L’Age d’or en 1953 qui décrit son amour des garçons, La Ligne de Force en 1958, mais aussi Souvenirs imaginaires, La Nuit, La Licorne et Histoires confidentielles
21-22 août 1974 : à Marseille, dans la calanque de Morgiou, un couple de lesbiennes belges, Anne Tonglet et Araceli Castellano âgées de 24 et 19 ans (l’une professeure, l’autre étudiante), qui avaient planté leur tante, sont victimes d’un viol de la part de 3 jeunes hommes (Guy R. 29 ans père de 5 enfants, séparé de sa femme, Serge P. et Albert M. ouvrier de 24 ans qui vit chez sa mère), le viol a duré 4 heures ; jusqu’aux années 1970, le regard social considère que viol est un tabou, les victimes sont regardées comme plus ou moins consentantes, y compris pour les tribunaux ; les agresseurs seront retrouvés et défendus par le jeune Me Gilbert Collard, c’est Me Gisèle Halimi, star du barreau de Paris depuis sa victoire lors du procès de Bobigny en 1972 (où elle a défendu une adolescente de 16 ans qui s’était fait avortée après avoir été violée), qui défendra les jeunes filles le 2 mai 1978 ; les 3 agresseurs seront condamnés en appel à 6 et 4 ans de prison ferme ; elles s’étaient rencontrées à Bruxelles 1974, Araceli découvrait un autre monde, beaucoup plus ouvert ; il faudra attendre 1980 pour réformer la loi de 1832 qui restreint le viol à la pénétration vaginale et protégeait davantage l’honneur des maris en leur épargnant la venue de bâtards, que les femmes, le 20 décembre 1980 la loi définira le viol comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui, par violence, contrainte ou surprise » ; un téléfilm sera tourné à partir de cette affaire Le Viol par Alain Tasma avec Clotilde Courau et Hippolyte Girardot
Septembre 1974 : dans le n°4 de la revue Marges, Daniel Guérin signe l’article « Pour le droit d’aimer un mineur », il considère comme bénéfique la loi du 7 juillet mais il préconise une évolution plus franche et plus rapide pour reconnaître et encourager la sexualité des mineurs, il va jusqu’à faire des pédérastes des « protecteurs de l’enfance » : « La séduction d’un jeune mineur, sans violence, est parfaitement inoffensive, bien au contraire, elle procure à la « victime » une décharge salutaire de son flux sexuel contrarié par la Famille, l’Ecole et la Morale » ; au même moment d’autres intellectuels tentent de légitimer la relation homosexuelle d’un adulte et d’un mineur Gabriel Matzneff, Tony Duvert, Guy Hocquenghem ou René Scherer
Septembre 1974 : Baudry se réjouit dans Arcadie que la presse ait relaté le colloque de Besançon, que des entreprises sollicitent Arcadie pour faire des interventions auprès des salariés (comme le Crédit Foncier de France) ou des associations comme le Planning Familial ; mais Arcadie se plaint auprès de l’ORTF de la diffusion du film Un bon patriote qui montre des images de folles et fait de l’homophile le traître parfait, elle se plaint aussi de l’homosexualité du théâtre de boulevard de la Cage aux folles – qui a un grand succès au théâtre alors – et de l’agressivité de certains journaux (de Minute en particulier)
Septembre 1974 : les exclus d’Arcadie qui ont créé Philandros, puis le GLH, auxquels de sont joints des anciens du FHAR, ils sont rejoints par d’autres groupes issus d’Antinorm et de Sexpol, ils ont le souci de se structurer (et de ne pas retomber dans les travers des AG du FHAR tournées vers la seule libido), ils désignent Jean-Paul Amouroux comme président et se dotent d’un manifeste en 7 points le Manifeste programme pour la libération des homosexuels, le GLH est ouvert à tous les types de comportements homosexuels, il est opposé à l’image de respectabilité d’Arcadie
27-29 septembre 1974 : meeting du F.S.M.C. à l’hôtel de Boulogne de Calais, tenu par la famille de Robert, fondateur du Keller’s
29 octobre 1974 : l’émission des Dossiers de l’écran consacrée à l’homosexualité à partir du film Les Amitiés particulières, est déprogrammée pour cause de grève à l’ORTF (elle sera diffusée le 21 janvier 1975)
Novembre-dévembre 1974 : dans le n°4 de la revue Marge, Daniel Guérin compare les statistiques du ministère de la Justice de 1971 avec celles de 1953-1955, les condamnés pour délit d’homosexualité sont à 55% des hommes du peuple, salariés, contre 61% en 1953-1955), les ouvriers représentent à eux seuls 40% de ce chiffere (contre 42% en 1953-1955), il en déduit que contrairement à la légende l’homosexualité n’est pas un vice de riche
23 novembre 1974 : parution du n°1 du Quotidien des femmes du collectif Psychanalyse et Politique, directrice Anne Grugnardi
28 novembre 1974 : la loi Veil sur l’interruption volontaire de grossesse est adoptée à l’Assemblée nationale ; Jacques Médecin : » Vous ouvrez la voie du commerce de la mort » ; Lucien Neuwirth soutient le projet de loi comme rapporteur : le 26 novembre, Simone Veil déclarait face à une Assemblée hostile : « Personne n’a jamais contesté, et le ministre de la Santé moins que quiconque, que l’avortement soit un échec quand il n’est pas un drame. Mais nous ne pouvons plus fermer les yeux sur les 300 000 avortements qui, chaque année, mutilent les femmes de ce pays, qui bafouent nos lois et qui humilient ou traumatisent celles qui y ont recours. »; Simone Veil racontera le contexte de ce vote : « Aux USA, des médecins se faisaient assassiner pour avoir procéder à des avortements… Les outrances de Laissez les vivre, comme l’effervescence de l’extrême droite et de l’intégrisme des proches de Mgr Lefebvre ne parvinrent pas , bien au contraire, à convaincre les sénateurs, toujours hostiles aux excès, de faire obstacle aux projet. » »
29 novembre 1974 : aux USA, le n°19 de Entertainment West publie en page de couverture la photo d’un jeune homme drapé d’une svastika, ce journal des gays nazis qui se vante d’être « le 1er et le seul mouvement homosexuel national-socialiste » écrit : « Si les homosexuels peuvent être capitalistes, si nous pouvons être communistes, alors pourquoi ne pouvons-nous être nationaux-socialistes ? » et soutient que « la purge de Röhm était la réponse à l’insubordination et aux trahisons, cela n’avait rien à voir avec l’orientation sexuelle »
13 décembre 1974 : à Paris, spectacle des Dzi Croquettes, au théâtre Charles de Rochefort, 12 travestis brésiliens venant de Rio de Janeiro dirigés par un chorégraphe américain font un triomphe (une partie d’entre eux s’installeront à Barbentane dans les Bouches du Rhône où ils animeront une célèbre boite de nuit ; ils seront invités sous le nom des Stupidas, lors du gala de l’UEH 1979 à Marseille, en même temps que d’autres brésilens Les Etoiles)
Fin 1974 : à Paris, le GLIFE (groupe de liaison et d’information femmes enfants), centre des femmes, ouvre dans le 1er arr., les Féministes révolutionnaires y reçoivent Monique Wittig qui leur présente sont projet de Front lesbien, elles se réunissent le mercredi, elles participent aux assemblées générales du GLIFE des lundis soir ; le GLIFE disparaîtra en 1976, les femmes se lanceront alors dans plusieurs projets de maisons des femmes