Années 60 : 1960 – 1964

Années 1960-1970 : la loi 16 juillet 1949 qui régit le contenu des publications destinées à la jeunesse est invoquée pour interdire administrativement de nombreuses publications, l’hebdo Hara-Kiri à la mort du général de Gaulle (« bal tragique à Colombey » en 1969), les écrivains Pierre Guyotat (Eden, Eden, Eden) et Nicolas Genka (l’Epi monstre)

Années 1960-1970 : dans le monde se créent des associations trans, aux USA en 1964 l’EEF (Erickson Educational Foundation), en France en 1965 l’AMAHO (association pour les malades hormonaux), la même année en Angleterre l’HBIGDA (Harry Benjamin International Gender Dysphoria Association) ; d’autres suivront dans les années 1970 avec en France, le FHAR (1971-1974) puis le Centre du Christ Libérateur en 1976 qui publie un bulletin mensuel qui diffusera les noms des meilleurs chirurgiens, le Dr Burou de Casablanca est mentionné comme étant bien mais cher (15 000 à 20 000 francs)

Années 1960-1970 : en 2019 l’association Grey Pride rassemblera des témoignages qui permettent de se resituer dans ces années,  Jean, 79 ans en 2019, 25 ans en 1965, Lorrain d’origine, racontera ces années : « Vous savez ce que c’était d’être homo dans les années 1960 ? Vivre avec la honte, la culpabilité, la peur au ventre. Nous devions nous taire, nous cacher, par peur des représailles et du jugement. Certains  d’entre nous ont même été « soignés » pour cela. Jusqu’au début des années 1970, des familles « bien intentionnées » faisaient subir des électrochocs ou la castration chimique à leur enfant. Alors beaucoup d’entre nous trichaient, se mariaient même. Ce fut mon cas. »; Bernard, toulousain de 71 ans en 2019, 16 ans en 1965, né en Algérie, habitant Toulouse en 2019, dit : « Je me sentais attiré par mes copains de classe mais jamais, au grand jamais, je n’avais entendu parlé de cela. Jusqu’à notre retour en France en 1962, je ne savais pas que cela existait… (quand Les Amitiés particulières sont passées à la Télé le 21 janvier 1975, aux Dossiers de l’écran) La réaction de mon père fut telle que cela m’a refroidi pour pas mal d’années »; Mado, parisienne de 74 ans en 2019, 20 ans en 1965 : « Je n’en ai jamais parlé à mes parents, et même quand j’ai rencontré Evelyne en 1983 je l’ai présentée comme une amie. Je partageais ma maison avec elle, c’était plus économique disions-nous ! Je ne sais pas s’ils ont compris, mais nous n’en avons jamais parlé. Et quand mes parents sont décédés, c’est terrible mais je me suis sentie libérée. » ; Hector, grenoblois de 61 ans en 2019, 6 ans en 1965, n’a réussit cette annonce qu’après 8 années de psychanalyse : « J’avais la quarantaine (en 1998 donc) et je les ai informés par lettre pour ne pas être parasité par d’éventuelles réactions qui auraient pu infléchir ce que je voulais dire. »; François, parisien 83 ans en 2019, issu de famille aristocratique, 29 ans en 1965, termine sa vie seul et malheureux près du Trocadero, croyant, il attend la mort avec résignation…

Années 1960-1970 : à Marseille, les lieux de rencontre pour les homosexuels sont alors (selon René Murat) : les bars Chez Clairette (rue Curiol) ou le Paradou (près de l’Opéra), les cinémas X le Roxy (rue Tapis Vert), le Raimu (au bas de la Canebière), les Variétés (rue Vincent Scotto-Canebière ou l’Etoile (Bd Dugommier), le cinéma d’art et d’essai le Festival (sur le Vieux Port), le cinéma Cinéac (angle Canebière-Garibaldi) ou le Belsunce (cours Belsunce), les saunas de la rue Consolat et le Dragon, rue Dragon, le sex-shop de la Canebière près des Variétés, les boites de nuit le Cancan (tenue par Alice Guérini, épouse de Mémé Guérini) ou la Mare aux Diables où son propriétaire a transformé la maison paternelle en night-club, avec des « stars » comme Violys et Lady Jane

Années 1960 : Françoise Sagan, après Bob Westoff et Bernard Franck, vit en compagnie de Peggy Roche, amie, amante, protection et conseil, Jacques Chazot est le parrain de fils de Françoise, Denis Westhoff

Années 1960 : Julien Green, né en 1900 à Paris a passé 60 ans, il écrit son Journal, son confessionnal de papier dont il écrira 18 tomes ; il est « l’auteur fétiche des petits et grands timides » parmi les homosexuels, écrira Pierre Assouline, « on y aimait qu’il détestât l’exhibitionnisme d’un Jouhandeau, les provocations d’un Genet, la pédérastie d’un Gide, fraternel et complice, mais dans l’ombre et les discrétions, il était la voix des homos de province »… « Ce grand frileux était un écrivain emmitouflé. Du jour où il dissipa son mystère en avouant l’inavouable, le Journal perdit de son intérêt pour un certain public… En mangeant le morceau (la révélation d’une rencontre décisive), il dissipa son propre mystère » ; Robert de Saint-Jean et Luc Estang le qualifient de « romancier de la violence, du désir et de l’échec » ; il écrit en outre des romans Adrienne Mesurat (1927), Léviathan (1929), Chaque homme dans sa nuit (1960), le Mauvais Lieu (1977), Dixie (1994)

Années 1960 : le gouvernement, sous la présidence du général de Gaulle, met en place un système de censure, Alain Peyrefitte, ministre de l’Information à partir de 1962 réunit chaque matin les responsables de la radio et de la télévision, il leur dicte le conducteur des différents journaux, et jusqu’en 1969 le SLII (service interministériel pour l’information) contrôle leur bonne conduite ; de ce fait de nombreuses émissions sont déposées en enfer : Gros plan sur Salvador Dali parlant de ses souvenirs de vie intra-utérine » en 1961, l’évocation de Mourir d’aimer d’André Cayatte ou du Souffle au Cœur de Louis Malle, Post Scriptum de Michel Polac dans lequel Alberto Moravia, Dominique Fernandez et Jean-Jacques Pauvert débattent du film de Louis Malle ; au début des années 1970 Maurice Clavel débattant avec Jean Royer, maire de Tours, dans A armes égales quittera le plateau en lançant « Messieurs les censeurs, bonsoir ! »

Années 1960 : Régine Deforges subit des interdictions, procès et lourdes amendes pour avoir édité des ouvrages érotiques de Guillaume Apollinaire (1880-1918), de André Pieyre de Mandiargues (1909-1991), de Pierre Louÿs (1870-1925) et de bien d’autres

Années 1960 : André Baudry fait bénéficier le réseau arcadien des contacts que Arcadie a pu créer dans différents lieux de villégiature, ce sont souvent de riches homosexuels qui sont susceptibles de recevoir des amis, à Londres, en Tunisie, au Maroc, en Italie ou ailleurs, l’accueil est agréable et la recommandation de Baudry est toujours efficace ; ainsi sur la côte nord de la Sicile, à Milazzo, au droit de Lipari dans les îles Eoliennes, un hôtel tenu par M. La Rosa, ancien magistrat de l’Italie du nord, accueille les amis, il vit avec un jeune sicilien hétérosexuel qui ne lui rend pas la vie facile et plusieurs jeunes siciliens et tunisiens s’occupent du service de l’hôtel

Années 1960 : Ménie Grégoire, née Marie Laurentin, est animatrice radio recevant des milliers de confidences sur la famille, le couple ou la sexualité, à la suite de son livre Le Métier de femme1964, en faveur du couple et de la contraception ; de 1967 à 1982 elle anime Allo Ménie et Responsabilité sexuelle, elle est submergée d’appels anonymes

Années 1960 : dans  Confessions païennes de Claude Loir, né en 1944, racontera sa vie d’homosexuel en liberté, à Paris comme serveur au Pimm’s, bar créé par Fabrice Emaer, il évolue beaucoup au gré de ses attirances affectives et connais ainsi beaucoup de monde, il est figurant, modèle de roman-photos, régisseur de théâtre, acteur du cinéma X très demandé ou encore antiquaire, il passe à travers l’épidémie du sida ; grand séducteur, il fait la connaissance chemin faisant de personnalités (l’académicien Philippe Erlanger, le chanteur de charme Jean-Claude Pascal, l’écrivain Henri de Montherlant, le baron Jean Barclay Dupuy de Latour, l’actrice Marcelle Balick, l’acteur Robert Murzeau, Jorge (Donn ?) danseur soliste de la Cie de Maurice Béjart, l’ex-danseur des années folles Robert Mérino, le journaliste du Nouvel Observateur Jean-François Josselin, le grand patron marseillais Georges-Périclès Zarifi, le futur écrivain qui travaille dans la publicité Yves Navarre sur les pavés de Mai 68, l’acteur de cinéma Gil Vidal, le futur ministre de la Culture Michel Guy, Jacques de Bascher de Beaumarchais ami de Karl Lagergfeld et de Yves Saint-Laurent, Jean-Marie Bossard collaborateur du couturier Guy Laroche, et tant d’autres plus ou moins connus ; il découvre et fréquente des lieux de la vie nocturne (à Cannes le Zanzibar en 1964, à Paris Saint-Germain des Près avec ses gigolos entre le Flore et le Drugstore, le Café de Flore, le Fiacre et son patron bonhomme Louis Baruc, les Tuileries, la drague sur les boulevards et les grands axes de la capitale dans les années 1960, les vespasiennes, le bar le Festival lieu très privé de la rue du Colisée, le vaste sauna du Continental Opéra, Michou, le Pimm’s à proximité du Sept si convoité de Fabrice Emaer – qui ouvrira bientôt Le Palace – où il voyait Yves Mourousi, Jacques Chazot, Alain Oulman, Copi et parfois Noureev, l’Alcazar animé par Jean-Marie Rivière, le sauna du Louvre rue Saint-Honoré, le Hammam Voltaire, etc. ; son parcours sentimental ou « professionnel » le fait voyager en Turquie, en Egypte, en Grèce, en Italie, en Hollande

Années 1960 : à Aix en Provence, le parc Jourdan est un lieu de drague important (décrit par René Murat qui deviendra directeur de l’Opéra de Marseille)

Années 1960 : Bernard Bousset né à Dax en 1941, racontera (Le Monde du 18 janvier 2022) ses années d’adolescence, il a été violé par un prêtre et giflé par son père pour lui en avoir parlé, fin et effeminé il dira qu’il a vécu un enfer, à 20 ans en 1961 il arrive à se faire réformer par une tentative de suicide, pour éviter l’Algérie ; il découvre le monde parallèle des homosexuels à Bordeaux (jardins publics, squares et bars éphémères comme le juke-box le Fuxéen), il sent que le contextre est dangereux « dans mon esprit j’étais presque un assassin ou un voleur, on se faisait rtaper , mais impossible d’aller se plaindre à la police, parce qu’elle répondait :Vous êtes pédé, vous l’avez bien cherché ! « , attrapé dans une boite où il n’y a que des garçons il passe un week-end au poste, la police prévient sa famille et son employeur, il est licencié, à 23 ans à Megève, en 1963, il rencontre un garçon de 18 ans qui, chez lui, vole plusieurs affaires, en portant plainte il se fait accuser de détournement de mineur, il est jugé  et sa condamnation est publiée dans la presse locale ; à Paris à 25 ans il découvre en 1965 le Café de Flore, Gérald Nanty vient d’ouvrir sa première boite le Nuage, près de la rue Dragon, il dine au Camionneurs, près de la place Dauphine, il découvre les jardins publics (Notre-Dame et Austerlitz sur les quais), il se rend au Fiacre rue du Cherche Midi, tenu par Louis de Fiacre, il découvre que Jean Marais et Jean Cocteau vont y manger, il y voit Marcel Carné, qui le prendra en 1974 comme assistant, il découvre le Sept ouvert par Fabrice Emaer qui a racheté le Palace où dinent parfois Karl Lagerfeld et Yves Saint-Laurent, il se rend avec le « train des folles » au chateau romantique de Saint-Nom la Bretèche baptisé la Chevrière, propriété d’une « colonelle », lesbienne qui organise des thés dansants où il danse son premier slow avec un garçon « et tout à coup, je découvrais quelque chose qui ressemblait au paradis » ; il rencontrera son compagnon, Philippe, aux Camionneurs en 1980 – mort du sida en 1994 -, il sera propriétaire d’un sauna rue Montmartre en 1984, et créera le SNEG (syndicat national des entreprises gay) en souvenir de Philippe, pour imposer l’usage des préservatifs

Années 1960 : à Nantes, Jean-Serge Pineau, 28 ans, gérant des salles de cinéma Katorza, rencontre Henri Le Callonec – il aura 17 ans 4 jours plus tard, il fait ses études de comptabilité dans un internat de Saint Nazaire – le 22 novembre 1960 (Le Monde du 19 janvier 2022) ; déjà stigmatisé par ses proches pour ses attitudes et ses fréquentations, ils sont dénoncés par un membre de la famille Le Callonec pour « attentat aux bonnes mœurs » au TGI de Nantes le 3 novembre 1961, ils sont incarcérés puis sont placés en liberté provisoire ; en gérants le cinéma d’art et décès ils vivront 40 ans ensemble

Années 1960 : en Allemagne de l’Ouest, quelques 50 000 personnes tombent sous le coup des lois anti-homosexuelles de 1955 à 1965 ; en Autriche, 7 500 poursuites judiciaires ont eu lieu de 1950 à 1960, avec en 1955 au cours de la même affaire 130 personnes arrêtées ; au Danemark, le « scandale de la pornographie » de 1955 a débuté par une descente de police dans une maison d’édition International Model Service, et s’est poursuivie par l’arrestation de 250 personnes (dont un rédacteur de Vennen) ; en Hollande, la loi de 1911 qui criminalise les personnes de même sexes incluant un mineur de moins de 21 ans, les poursuites ne se sont pas arrêtées depuis 1949 ; dans le même temps, la société s’« hétérosexualise » – la contraception aidant, les relations hétérosexuelles hors mariage sont moins risquées – c’est un élément important pour « permettre » l’émergence de l’homosexualité comme catégorie distincte et stable, c’est le chemin de l’affermissement des frontières sexuelles

Années 1960 : en Autriche, un rapport publié par l’église protestante estime à 220 000 le nombre des homosexuels exécutés par les nazis.

Années 1960 : à Cuba, Che Guevara fait jeter homosexuels, prêtres catholiques, criminels, intellectuels anti-régime, etc. dans des camps de rééducation

Années 1960 : aux USA, Edmund White se souvient « de Hair, des Beatles, de l’acide, du Pop Art, des hippies et de la politique gauchiste », il rejoint son amant Stan à New York en 1962, il lit les livres de Marianne Moore, Jean Cocteau, Dylan Thomas, Robert Stone, Joyce Carol Oates, Hugh Kenner, il entend parler de Jack Kerouac (pitoyable ivrogne), Bob Dylan habite près de chez lui ; White a de mauvaises relations avec son père, à la fin des années 1960, gay non assumé, il consulte un psychothérapeute hétéro dans l’intention de guérir et de se marier ; il coche la case homosexuel et est exempté de guerre du Viet-Nam ; à un moment où il n’y a pas de fierté homosexuelle : « il n’y a que la peur homosexuelle, l’isolement homosexuel, la défiance homosexuelle et la haine de soi homosexuelle »

Années 1960 : aux USA, Sylvia Rivera est une militante engagée du African-American Civil Rights Movement proche des Youngs Lords et des Black Panthers, fondatrice de STAR (Street Transvestite Action Revolutionnaries), qui devient Street Transgender Action Revolutionnaries, avec Martha P. Johnson en 1970, elle est une figure des émeutes de Stonewall en 1969 ; elle prendra ses distances avec le mouvement Gay en raison de l’invisibilisation des travestis, transgenres et drag-queens dans l’héritage de Stonewall ; Riki Anne Wilchins qualifiera Rivera de « Rosa Parks » du mouvement transgenre moderne (mais il faudra attendre années 1990 pour connaître l’explosion associative trans)

Années 1960 : en Grande Bretagne, David Hockney, à l’âge de 20-25 ans, figure incisive du pop art, déclare son homosexualité dans des œuvres narquoises et se fait le chroniqueur satirique du luxe californien ; à 74 ans, en 2011, il sera considéré comme le plus grand peintre britannique vivant

Années 1960 : l’Espagne franquiste est marquée par l’absence de vacances, la constitution de la seconde république en 1931 a reconnu le droit à 7 jours de congés payés, reconnus par le décret franquiste de 1944, un autre l’étendra à 14 jours, mais il faudra attendre la mort du général Franco en 1975 pour conquérir ce droit ; en 1973 seuls 20% des Espagnols partiront en vacances (ils seront 60% à la fin des années 1990) ; l’exode rural lié aux plans d’industrialisation en cours est tardif et brutal ; l’absence de vacances d’été contribue à créer un contraste avec les jeunes européens qui séjournent, marqués par la libération sexuelle, l’anticonformisme, la rupture générationnelle, l’indifférence religieuse, l’émancipation féminine ; l’évêque des iles Canaries, Antonio Pildain, se bat pour interdire aux hommes et aux femmes de se baigner sur les mêmes plages, l’église est alors plus attentive que l’Etat sur les tenues vestimentaires

Années 1960 : à Paris, lorsqu’une immense pissotière en taule circulaire est rasée, des homosexuels branchés organisent un faux enterrement, avec un travelo en deuil avec des couronnes de fleurs

Années 1960 : en Afrique, selon le l’infectiologue canadien Jacques Pépin, dans les deux Congo (Léopoldville et Brazzaville) le déracinement et l’asservissement de milliers d’hommes s’est effectué dans le cadre du développement du chemin de fer, des mines et de l’urbanisation dès le début du siècle, il a provoqué une propagation rapide des maladies tropicales ; la crise de 1929 a accru l’exploitation coloniale (belge et française), engendrant surpopulation, misère et prostitution ; la prise en charge médicale s’est améliorée peu à peu, mais les campagnes de vaccination liées à la période de décolonisation s’effectuent avec du matériel non stérilisée, et lorsque les cadres belges quittent le Congo dans les années 1960 ils sont remplacés aux postes techniques par des Haïtiens, ils vont contacter le virus sous-type HIV-1B (bientôt exclusivement présent chez les Haïtiens et les Américains) ; les guerres civiles du Congo et la présence des casques bleus élargiront à leur tour le champ mondial de la dissémination (Haïti en 1971, puis San Francisco en 1976)

Début des années 1960 : les mouvements nationalistes et poujadistes imputent à l’arrivée des immigrés maghébins l’essor supposé de l’homosexualité ; déjà dans les années 1950 un stéréotype policier attribuait à ces sociétés d’hommes une sexualité supposée déviante et la pratique de l’homosexualité masculine

1960 : création du Mouvement français du Planning familial, issu de la Maternité heureuse créée en 1956 par Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé, Catherine Valabrègue et Evelyne Sullerot

1960 : en Suisse, Der Kreis fustige Notre Dame des Fleurs de Jean Genet : « Si ce livre est censé donner une description correcte du monde homo-érotique, alors fermons tout de suite boutique »

1960 : le manuel scolaire catholique d’Economie domestique pour les femmes, donne des conseils pratiques : « En ce qui concerne les relations intimes avec votre mari, il est important de vous rappeler vos vœux de mariage et en particulier votre obligation de lui obéir. s’il estime qu’il a besoin de dormir immédiatement, qu’il en soit ainsi. En toute chose, soyez guidée par les désirs de votre mari et ne faites en aucune façon pression sur lui pour provoquer ou simuler une relation intime. Si votre mari suggère l’accouplement, acceptez avec humilité tout en gardant à l’esprit que le plaisir d’un homme est plus important que celui d’une femme, lorsqu’il atteint l’orgasme, un petit gémissement de votre part l’encouragera et sera tout à fait suffisant pour indiquer toute forme de plaisir que vous avez pu avoir. Si votre mari suggère une quelconque des pratiques moins courantes, montrez-vous obéissante et résignée, mais indiquez votre éventuel manque d’enthousiasme en gardant le silence. Il est probable que votre mari s’endormira alors rapidement ; ajustez vos vêtements, rafraichissez-vous et appliquer votre crème de nuit et vos produits de soin pour vos cheveux. »

1960 : en Italie, sortie du film de Federico Fellini La dolce vita où Anita Ekberg se déplace de façon très sensuelle dans la fontaine de Trevi, aux cotés de Marcello Mastroianni

1960 : en Italie, sortie du film de Luchino Visconti  Rocco et ses frères ; Visconti a été séduit par Alain Delon, 23 ans, qu’il a rencontré à Covent Garden lors d’une représentation de Don Carlos de Verdi, il l’a découvert dans Plein Soleil de René Clément, il lui confie le rôle de Rocco (« J’avais besoin de cette candeur » dira-t-il), il a choisi aussi Annie Girardot et Renato Salvatori (qui deviendront mari et femme) ; la critique reprochera à Visconti l’homosexualité trop affirmée du film, où Roger Hanin promoteur de combats de boxe, se rince l’œil en regardant les torses de Delon et Salvatori ; Delon tournera dans le Guépard en 1963, Visconti choisira Burt Lancaster pour le Guépard et Violence et passion (1974), Helmut Berger dans Ludwig (1972), Dirk Bogarde pour Mort à Venise (1971)

1960 : en Italie, mort de Sibilla Aleramo (1876-1960), forcée à épouser un homme qui l’a violée, elle s’est engagée pour la cause féministe et a déclaré son amour à Cornula Poletti lors du Congrès de l’union nationale des femmes en 1908, cette liaison sera le sujet de son roman Il Passagio (1919), en 1910 C. Poletti a quitté S. Aleramo pour La Duse ; Sibilla Aleramo  est venue à Paris en 1913, a fréquenté le salon ce Natalie Clifford Barney et écrit de savoureux portraits de Colette et d’Anna de Noailles dans Andando et stando (1921) ; elle a vécu avec l’écrivain Dino Campanaan

1960 : la correspondance entre Paul Morand et Jacques Chardonne (t.1 1949-1960 qui paraîtra en 2013) fait état de propos antisémites et homophobes, tous deux ont été proches du gouvernement de Vichy, Chardonne a fait le voyage des écrivains en Allemagne en 1941 à l’invitation de Goebbels, Morand a été ambassadeur de Vichy révoqué à la Libération ; le 7 mai 1960, Paul Morand écrit à Jacques Chardonne : « Là où Juifs et P.D. s’installent, c’est un signe certain de décomposition avancée ; asticots dans la viande qui pue », publié dans la Correspondance entretenue entre les 2 écrivains de 1949 à 1968

1960 : parution des ordonnances qui qualifient les prostituées de « inadaptées sociales » qu’il serait bon de réinsérer et qui répriment sévèrement le racolage

1960 : Daniel Defert rencontre Michel Foucault, il lui est présenté par ses deux plus proches amis Robert Mauzi et Roland Barthes

1960 : en Grande-Bretagne, décès du colonel Viktor Barber (1895-1960), né Valerie Arkell-Smith, marié à une femme et devenu célèbre lors de son procès en 1929

1960 : aux USA, au nord de New York, l’activiste transgenre, Virginia Prince fonde Casa Susanna, des maris et pères de famille se réunissent en secret pour vivre la transidentité dans l’Amérique puritaine, la revue Transvestia a favorisé l’essor de Casa Susanna, une résidence de campagne perdue dans le massif des Catskills, dont la grange sera aménagée en cabaret ; en 2023, Sébastien Lifschitz réalisera un documentaire sur Casa Susanna

13 janvier 1960 : mort de l’écrivaine italienne Sibilla Aleramo (1876-1960), forcée d’épouser l’homme qui l’a violée, thème de son roman Una Donna en 1906. elle quitte son mari et sonfils  pour vivre à Rome avec Giovanni Cena (1870 1917), elle participe au Congrès de l’Union nationale des femmes en 1908, rencontre l’amour avec Cornula Poletti, cette liaison est le sujet de son roman Il Passagio en 1919 dont Romaine Brooks (1874-1970) dira le plus grand bien, en 1910 Poletti la quitte pour La Duse (1858-1924) ; à Paris Aleramo fréquente en 1913 le salon de Natalie Clifford Barney  (1876-1912), elle écrit Andando e stando en 1921 avec ses portaits de Colette ert d’Anna de Noailles (1876-1933), ses idées communistes tranchent avec le milieu lesbien mondain ; après la fin de la Seconde Guerre mondiale elle fait une tournée de conférences en Italie pour prêcher le combat politique aux travailleurs et aux paysans ; le film Un Viaggio chiamato Amore en 2002 écrira sa relation avec l’écrivain Dino Campanaan (1885-1932)

1er avril 1960 : Daniel Guérin télégraphie à un ami René Gaguy « le terrorisme anti-sexuel est en train de submerger notre pays »

1er mai 1960 : mort de Dorothy Bussy (née Strachey, 1865-1960), britannique, fille de général, introduite pas ses frères (Lytton et James Strachey) dans le Groupe Bloomsbury, elle a épousé le peintre Simon Bussy et rencontré Gide en 1918 dont elle est devenue la traductrice attitrée ; en 1949 elle a publié Olivia, tragique histoire d’amours lesbiennes dans un pensionnat (qui sera adapté à l’écran en 1955 par Jacqueline Audry et obtiendra de justesse le visa de censure), et Fifty Nursery Rhymes en 1951 ; bisexuelle elle a eu, entre autres, pour amante Lady Ottoline Morrel

17 juin 1960 : mort du poète Pierre Reverdy (1889-1960), poète exigeant et très respecté, vivant dans la solitude et choisissant la rigueur absolue, il s’éloigne des curieux et vie une crise religieuse en 1925-1927, il fuit Paris – où il connait Braque, Apollinaire, Picasso, Max Jacob, Aragon, Gris, Eluard, Soupault, Breton et bien d’autres personnalités des arts et de la culture – et se réfugie à l’abbaye de Solesmes ; il est opposé à la publication de sa correspondance intime « Ma pudeur sur ce point et à la mesure de l’éternité », toutefois sa lettre à Max Jacob sera publiée dans Le Monde le 24 novembre 1989, elle se termine par « Je te quitte mon cher Max et te souhaite de continuer à être aussi purement heureux… Je me confie à Dieu. Et je t’aime. »

18 juillet 1960 : vote de l’amendement Mirguet qui classe l’homosexualité comme « fléau social », afin de permettre au gouvernement de prendre touts les mesures qu’il juge utile – parmi d’autres fléaux sociaux comme pour le proxénétisme, l’alcoolisme, la toxicomanie ou la tuberculose – en vertu de l’article 38 de la Constitution ; l’amendement 330-2 du Code pénal est défendu par Paul Mirguet, député de Moselle :« Il est inutile d’insister longuement car vous êtes conscient de la gravité de ce fléau qu’est l’homosexualité, fléau contre lequel nous devons protéger nos enfants… Au moment où notre civilisation dangereusement minoritaire dans un monde en pleine évolution devient si vulnérable, nous devons lutter contre tout ce qui peut diminuer son prestige » ; le contexte de déclin du prestige de la France face à l’Algérie – malgré le retour au pouvoir du général de Gaulle – joue un rôle, la recrudescence des maladies vénériennes est le prétexte ultime à son adoption, l’amendement inquiète les homosexuels français davantage que l’ordonnance de 1945 ; le premier ministre Michel Debré se préoccupe de développer les valeurs morales et nationales ; les baby-boomers devenus adolescents suscitent optimisme et méfiance, Françoise Giroud parle de « la nouvelle vague », Alfred Sauvy publie La Montée des jeunes, un ouvrage est paru Nos enfants sont-ils des monstres, un film de Marcel Carné parle des jeunes sans repères Les Tricheurs, la presse parle des blousons noirs après les heurts de 1959 opposants des gangs de jeunes, les pires prophéties de la génération des J-3 semblent se réaliser, les familles éclatées et André Gide sont mis en cause, Détective titre « Le Pr Heuyer, spécialiste de l’enfance, a vu le péril », le Monde titre sur « La délinquance juvénile » sur la Côte d’Azur et souligne « une autre dépravation fréquente est l’homosexualité », le psychanalyste catholique Marcel Eck donne une conférence sur « Parents et éducateurs face au péril homosexuel », il a défini l’homosexualité comme un fléau social plus pernicieux que le cancer, il situe l’homosexualité dans le rapport à la mère, il se targue de déceler bien des névroses cachées dans les articles d’Arcadie et préconise les cures psychanalytiques mais constate aussi : « Le drame de l’homosexualité est que l’inverti ne souffre souvent pas de son état », le directeur de la PJ de Paris fait une conférence sur « L’homosexualité et ses conséquences sur la délinquance » où il s’inquiète du prosélytisme de la plupart des homosexuels et des liens entre criminalité et homosexualité, ce « bouillon de culture où éclosent les virus criminels » ; l’association Arcadie se fige, tétanisée, certains arcadiens envisagent même de « s’expatrier », se remémorant les pires heures de la déportation et Baudry évoquera ces moments où il a été contacté par de nombreux lecteurs d’Arcadie qui lui demandaient « si il fallait tout vendre, tout liquider, préparer sa valise et partir… C’était la débacle, le délire aussi ; l’exode… la fuite en Egypte » ; le gouvernement met en place la commission chargée du contrôle des films pour contrôler la « croissance de la délinquance », puis en 1961 est créée une nouvelle classification des films destinés à protéger les plus jeunes : en 1946 seize films étaient interdits aux mineurs, en 1960 quarante-neuf films sont interdits ; Daniel Guérin tentera de persuader JJSS (Jean-Jacques Servan-Schreiber) de dénoncer dans l’Express l’amendement Mirguet qui décrit l’homosexualité comme un « fléau social », celui-ci lui répond « je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’en parler pour le moment »

20 septembre 1960 : mort de la danseuse Ida Rubinstein (1885-1960), fortunée elle commande à Gabriele d’Annunzio l’argumentaire du Martyre de Saint Sébastien, ballet avec choeur de Debussy créé en 1911, il incarne un saint Sébastien androgyne, Romaine Brooks est séduite par son interprétation, elles deviennent amantes de 1911 à 1914, Ida est le modèle de croquis, peintures et photographies de Romaine Brooks ; dans son autobiographie Rubinstein évoque cette liaison ; en 1928, icône de la Belle Epoque, elle interprête le Boléro que Ravel lui dédie

Octobre 1960 : parution du 82ème numéro de la revue Arcadie, numéro spécial  sur Que savons-nous de l’homophilie ? ; une publicité pour le magazine Masculin Pluriel (au prix de 41 francs le n°) est insérée par Jean Daniel, avec une galerie de photos de garçons dénommée Singulier Pluriel de 52 pages, accompagné de textes d’une personnalité, d’un poète et d’un auteur de roman

Novembre 1960 : le préfet de police de Paris, Maurice Papon déclenche une opération contre les prostituées en rafle 60 prostitués masculins à St Germain-des-Prés ; le journal France-Dimanche diffuse un reportage sur l’invasion du 3ème sexe dans ce quartier qui « gangrène la ville… Paris ne doit pas devenir le Berlin de 1925 ;  le nombre de poursuites judiciaires sous le coup de l’article 331.2 du code pénal commence à augmenter, il y aura 3 402 cas de 1959 à 1967, pour seulement 2 325 de 1950 à 1958 ; en Suisse, le chef de la brigade des mœurs de Genève écrit 2 articles et propose une répression accrue des homosexuels visant en particulier Der Kreis et la propagation des mœurs contre nature, à Zurich une campagne de presse contre l’homosexualité déclenche une série de descentes de police dans les bars ; en Italie, une proposition de loi contre l’homosexualité fait son chemin ; l’amendement Mirguet est très général et donne une grande latitude au gouvernement, Daniel Guérin parle de « terrorisme antisexuel », des centaines « d’homophiles » téléphones à André Baudry pour lui demander s’il faut « vendre, tout liquider, préparer sa valise et partir », « on nous demandait même vers où il fallait aller, c’était la débâcle, le délire aussi », Baudry adresse des lettres de protestation à Mirguet et au gouvernement, il leur demande de ne pas confondre homosexualité et prostitution ou corruption des mineurs, au contraire « l’homosexualité désigne une nature, une façon d’aimer, une façon de vivre, une « vocation » au sens le plus impérieux du terme », les mesures de répression seront une cause « d’angoisse, de terreur, de ruine » pour des milliers de simples citoyens, Mirguet lui répond qu’il n’envisage pas « des textes répressifs » et qu’il souhaite voir le gouvernement procéder par des « moyens humains et médicaux »

18 novembre 1960 :  sous la houlette du préfet de police Maurice Papon, rafle d’homosexuels à l’angle bd St Germain-rue de Rennes, selon Paris-Presse, 60 hommes sont interpellés et emmenés par la police dans les bureaux de la brigade mondaine, presque tous sont mineurs

25 novembre 1960 : le gouvernement de Michel Debré publie une ordonnance (art.330 al.2) qui double les peines encourues en cas d’outrage public à la pudeur (OPP) impliquant des homosexuels, c’est la seconde discrimination à l’encontre des homosexuels depuis l’ordonnance de 1945, et une autre ordonnance définit de façon encore plus restrictive tout ce qui peut relever de « l’excitation à la débauche » ; l’affaire Mirguet met Arcadie sur la défensive pendant plusieurs années, Baudry met fin à l’insertion de photos dans les exemplaires de la revue envoyés aux abonnés, et rappelle à l’ordre : « on doit distinguer l’homosexualité… et les débordements, les scandales, le vice. Qui pourrait dire qu’il n’y a pas abus ?… Plus que jamais ce que nous n’avons cessé de dire, de crier, est d’actualité : Dignité, Dignité. »

 

1961-1976 : en Italie, Pier-Paolo Pasolini réalise de nombreux films qui marquent l’époque : Accatone (1961), Mamma Roma (1962), La Ricota (1963), L’Evangile selon Saint-Mathieu (1964), Œdipe Roi (1967), Théorème (1968), Médée (1969), Porcherie (1969), Le Décameron (1971), Les Contes de Canterbury (1972) , les Mille et une nuits (1974), Salo ou les 120 journées de Sodome (1975) ; il écrit en 1964 « Je suis une force du Passé, A la tradition seule va mon amour, Je viens des ruines, des églises, des retables, des bourgs abandonnés sur les Appennins ou les Préalpes, là où ont vécu mes frères. J’erre sur la Tiscolane comme un fou, sur l’Appienne comme un chien sans maître. Où je regarde les crépuscules, les matins sur Rome, la Ciociaria, l’univers, tels les premiers actes de l’Après-Histoire auxquels j’assiste, par privilège d’état-civil, du bord extrême d’un âge enseveli. Monstrueux est l’homme né des entrailles d’une femme morte. Et moi, fœtus adulte, plus moderne que tous les modernes, je rôde en quête des frères qui ne sont plus. »

1961 : parution de L’Histoire de la folie de Michel Foucault

1961 : André Baudry informe Welti qu’un photographe homosexuel parisien, P. Furi, a été arrêté et ses papiers confisqués, il lui conseille de ne pas écrire à Furi pour l’instant ; Baudry renonce à diffuser dans Arcadie des petites annonces personnelles et accentue le « caractère scientifique » de la revue, puis il refuse de publier certains passages autobiographiques proposés par Daniel Guérin qu’il juge pourtant « parfaits, excellents », Gaillard tente de consoler Guérin « Vous savez quelle danse sur la corde représente cette situation d’Arcadie depuis bientôt 9 ans ! la meute nous guette » ; fin 1962, le club d’Arcadie sera fermé 2 semaines sans explication, « le club a reçu des menaces… la préfecture de Police a reçu des lettres nous menaçant » fera savoir une circulaire d’Arcadie en janvier 1963, Jean Hautier – pieux catholique qui aime bien donné des dîners de folles ou organiser des orgies privées avec des uniformes – sera suspecté d’avoir diffusé de tels courriers après qu’il ait formulé une liste de reproches à Baudry ; en 1964 Baudry sera convoqué devant un magistrat après publication dans Arcadie de comptes-rendus – par Michel Duchein (Marc Daniel) et Paul Hillairet (Serge Talbot) – de l’ouvrage du belge Raymond de Becker L’Erotisme d’en face, histoire illustrée de l’homosexualité interdite à l’affichage, Baudry contre-attaquera en rappelant que le Figaro et le Monde avaient parlé de l’ouvrage, André Chamson, directeur des Archives nationales, convoquera Marc Daniel, convaincu de l’absurdité de l’affaire il informera son ministre André Malraux, les poursuites sont discrètement abandonnées (sans qu’on sache si Malraux est intervenu ou non) ; au début des années 1960, de nouvelles plumes viennent écrire dans Arcadie : Jacques Rivelaigue (Jacques Valli) (1936-1990), spécialiste de métaphysique allemande, titulaire d’une chaire de philosophie à la Sorbonne, Guy Pomiers (Guy Laurent), spécialiste de la littérature française du XVIIIème, proche de Michel Foucault, Claude Sorey, sociologue qui sera plus tard membre du cabinet du 1er ministre Jacques Chaban-Delmas, Michel Nicolot (Maurice Bercy) qui enseigne la littérature à Dijon, puis à partir de 1965, Pierre Hahn (André Clair) (1936-1981), journaliste autodidacte indépendant, Maurice Chevaly (Jean-Pierre Maurice), né en 1921, instituteur passionné de théâtre, d’histoire de la Provence où il a bien connu Jean Giono, il envoyait auparavant des articles à Der Kreis, la recrue la plus célèbre sera Françoise d’Eaubonne (1920-2005) romancière, poétesse et polémiste, admiratrice fidèle de Simone de Beauvoir, militante des droits des femmes, elle écrit pourtant à Daniel Guérin en 1960 « Lorsque je lis la revue Arcadie, je suis consternée… Si on a l’honneur d’être distinguée par une tare comme le déclassement, l’activité poétique ou l’homosexualité, qu’on ait la nostalgie de l’Ordre me paraît incompréhensible », sa première contribution à Arcadie en 1966 consiste en une attaque contre Marcel Eck – le psychanalyste catholique défenseur de l’amendement Mirguet – sans être lesbienne, elle aime la compagnie des homosexuels par allergie à l’homme « normal » et devient pilier des soirées dansantes d’Arcadie ; mais ce sang neuf ne modifiera pas grand-chose au contenu d’Arcadie ; à Marseille, Robert S.P. réunit les abonnés d’Arcadie ; le juge Henri Rupin, président du tribunal de Grande instance, participe à l’animation du groupe, il se fait connaître comme poète sous le nom de Gérard Mézières ; Maurice Chevaly (Jean-Pierre Maurice) – ancien élève des Oratoriens à Juilly dans la Seine et Marne, il écrit aussi dans Der Kreis -, Paul-Maxime Donnadieu ou encore Bernard Romieu font partie de ce groupe

1961 : Arcadie décrit Corydon de Gide comme « un petit moment d’audace et de lumière », étape décisive dans la voie « de la connaissance de l’homme et de l’homme en société », après avoir jugé en 1959 L’Immoraliste comme « révolutionnaire, bouleversant » ; d’un autre côté traumatisé par le vote de l’amendement Mirguet, Arcadie durcit le ton sur l’efféminement et insiste sur la nécessité de la respectabilité de l’homophile

1961 : sortie du film Victim dans lequel Dirk Bogarde interprête un célèbre avocat marié, homosexuel, qui soutenu par son épouse, décide de dénoncer des maitres-chanteurs et donc de s’incriminer lui-même

1961 : le ministre de la santé, Bernard Chenot, considère que la recrudescence des maladies vénériennes s’explique par le « développement considérable de l’homosexualité » et préconise l’aggravation des peines appliquées à son égard ; c’est l’année où les condamnations prononcées contre les homosexuels atteint son apogée, avec 442 condamnations

1961 : Daniel Guérin signe l’Appel des 161 pour l’insoumission. Il s’est engagé aux côtés des Algériens (il avait rencontré Messali Hadj avant la 2ème guerre mondiale). Il milite à la Fédération communiste libertaire (FCL). Après l’indépendance de l’Algérie, il rendra visite régulièrement à Ben Bella. Il défend l’expérience algérienne contre l’expérience cubaine trop imposée par le haut. L’écrasement des émeutes en Allemagne de l’Est en 1953 et en Hongrie en 1958 renforce ses réflexions, il cherche une synthèse entre Marxisme et Anarchisme, il écrit Ni Dieu ni Maître et Pour un Marxisme libertaire

1961 : en Hongrie, adoption de la loi de dépénalisation de l’homosexualité, mais la répression quotidienne restera très forte au cours des années 1960-1970, jusqu’à ce que des espaces plus libres se créent dans les années 1980 (sous-culture et scène alternative)

1961 : en Allemagne, le gouvernement de la République démocratique (RDA) édifie le mur de Berlin, le oprésident Walter Ulbricht présente sa construction comme un « rempart antifasciste » afin de protéger l’Est contre la vermine…, les prostituées, les adolescents hooligans » de l’Ouest, les « trafiquants d’êtres humains… les espions, les saboteurs » ; le jeune Günter Litfin, 24 ans, est le premier à être abattu pour avoir osé franchir le mur

1961 : en URSS, le grand danseur de 18 ans Rudolf Noureev sanctionné en permanence pour indiscipline et attitude subversive, est remarqué par Janine Ringuet, il profite d’une tournée en France du Ballet du Kirov pour émigrer, et rester à Paris ; son nom sera rayé de tous les documents écrits et il sera suivi en permanence par le KGB pour tenter de le « récupérer » ; il travaillera à Paris puis au Danemark avec Erik Bruhn, de dix ans son aîné, dont il tombera amoureux

1961 : en Australie, le Mariage Act définit le mariage ; en 2004 cette loi sera amendée pour définir celui-ci comme « l’union exclusive d’un homme et d’une femme »

1961 : à Cuba, l’écrivain Virgilio Pinera, né en 1938, est arrêté au cours d’une razzia contre les homosexuels (mais aussi les proxénètes et les prostituées), il est relâché grâce à l’intervention d’Alejo Carpentier, il sera réhabilité à titre posthume après sa mort en 1979, après avoir vécu la fin de sa vie dans l’ostracisme

Janvier 1961 : André Baudry, directeur de la revue Arcadie, fait connaitre aux lecteurs que ceux-ci pourront recevoir sur abonnement une Lettre personnelle, pour un abonnement de 12 francs pour 6 lettres par an, concernant l’actualité concrète de la vie homosexuelle (risques, dangers, drames, affaires de police, de justice, etc.), des nouvelles précises des villes, des textes de médecine (maladies, sexologie, psychanalyse, pédérastie), un courrier des lecteurs, « en un mot : tout ce qui intéresse les homophiles » sous la direction morale d’André Baudry, elle est seulement envoyée aux majeurs de 21 ans

23 janvier 1961 : Le Parisien libéré dénonce une coucherie diffusée à la télévision à une heure de grande écoute (une courte scène d’amour de 11 secondes dans le téléfilm de la 1ère chaine L’Exécution a fait apparaitre une chute de reins de la chanteuse Nicole Paquin), le gouvernement de Michel Debré décidera d’instaurer un carré blanc, signal d’avertissement destiné à « protéger les jeunes enfants », il sera appliqué pour la 1ère fois le 19 mars 1961

22 février 1961 : mort du marquis Jorge de Cuevas (1885-1961), passionné de danse, sa compagnie a parcouru le monde, il se contentait de remonter les chefs-d’œuvre du répertoire avec Serge Golovine comme danseur étoile, et de prestigieux chorégraphes, Balanchine (La Somnanbule), Skibine (Le Prisonnier du Caucase) ; Serge Lifar l’a souffletté en public sous prétexte qu’il avait plagié l’un de ses ballets, mais le véritable motif  de leur duel à l’épée en 1958, a été une rivalité amoureuse pour un danseur

19 mars 1961 : le film Riz amer de 1949 de Giuseppe De Sentis, avec la troublante poitrine de Sylvana Mangano est doté du carré blanc, le sous directeur des programmes de la RTF, Philippe Raguenau, explique : « la télévision pénètre dans les familles sans frapper à la porte » ; dès lors les films Hôtel du Nord, Quai des Brumes, la Femme du boulanger, French Cancan, Les Dames du bois de Boulogne, La Soif du mal, M le maudit, Les Misfits seront dotés du carré blanc ; Pierre Tchernia expliquera que le carré blanc est devenu la meilleure publicité pour un film ; c’est en 1969 que le rectangle blanc disparaîtra, sous l’effet du mouvement de Mai 68

18 septembre 1961 : mort du diplomate suédois Dag Hammarskjöld (1905-1961), secrétaire général des Nations Unies de 1953 à 1961, créateur des casques bleus ; très discret sur ses amours masculines, les services secrets américains découvrent son amant le danseur Fernand Legros, son journal publié après sa mort sera préfacé par son ami le poète britannique Wystan Hugh Auden ; il recevra le Prix Nobel de la Paix à titre posthume

27 septembre 1961 : mort de la poétesse et romancière américaine Hilda Doolittle (1886-1961), elle eut ses premières relations avec une amie de la famille France Josepha Gregg, installée en France en 1911 Ezra Pound lui a donné le surnom de Driade et l’a introduite dans son cercle littéraire londonien, et lui permet de publier ses poèmes ; en 1913 elle a épousé Richard Adlington et s’est séparée de lui en 1918 lorsqu’elle a rencontré Annie Winifred Ellerman (nom de plume Bryher), lesbienne notoire qui a contracté un mariage blanc avec l’écrivain américain Robert McAlmon ; elles ont voyagé en Grèce et en Egypte, puisant l’inspiration de leurs œuvres ; les poèmes d’Elda sont romantiques et parfois érotiques ; elles se sont installées en Suisse , et ont consulté Sigmund Freud à Vienne

 Octobre 1961: parution du n°54 du Crapouillot dirigé par Jean Galtier-Boissière sur le thème Sexualité et capitalisme, Galtier-Boissière et Pierre Dominique dresse une histoire de la prostitution

25 novembre 1961 : en République dominicaine Patria, Minerva et Maria-Theresa Mirabal trois sœurs héroïques de la engagées contre la dictature de Rafael Trujillo sont assassinées sur son ordre ; des féministes d’Amérique latine et des Caraïbes inaugurreront en leur mémoire en 1981 une journée pour l’élimination des violences faites aux femmes et en 1999 l’ONU instaurera la Journée internationale des violences exercées à l’égard des femmes

Fin 1961 : Marc Daniel d’Arcadie, dans un discours, attaque vivement les travestis, les efféminés, les maniérés car la société les considère comme des malades et des anormaux, ne les accepte pas »

 

1962 : un sondage du Centre d’information et de recherche économique (CIRE) indique que 37,9 % des Français interrogés qualifient l’homosexualité de « vice » et 44,3 % de « maladie », 23 % considèrent que les homosexuels devraient être mis en prison, 50 % refuseraient d’employer un homosexuel à une fonction de responsabilité et 29 % le licencieraient

1962 : André Baudry, à Marseille, dans le cadre de ses « réunions provinciales » annuelles, participe à une soirée privée dans un restaurant, avec 25 personnes, puis 15 personnes à Toulouse, 15 à Clermont-Ferrand, mais les délégations locales n’arrivent pas à vivre de façon autonomes soit à cause de l’atmosphère de clandestinité, soit du fait de leur refus (à 95% d’entre eux en 1970) que Baudry communique leur adresse d’abonné de la revue ;  Guérin envoie à Baudry le texte de sa nouvelle autobiographique « L’explosion », celui-ci lui répond « Vos feuillets sont excellents, et pourtant, je ne peux les publier ; vous en savez les raisons : un parquet pointilleux – et surtout un climat actuel vis-à-vis des mœurs – peut être choqué par cette succession d’aventures », Baudry lui suggère d’ajouter « des réflexions morales, des examens de conscience, des aperçus psychologiques ».

1962 : à Marseille, Jean-Pierre Fouque découvre à travers la revue KICK éditée au Danemark des photos de mecs en cuir ainsi que des petites annonces, c’est grâce à la petite annonce d’un parisien qu’il commence son aventure, découvre d’autres amateurs de cuir, en France (Jacques F., Pierre B. et René L.) ou à New York (le Cycle) ; ainsi il fondera en 1967 le premier club SM français

1962 : parution du livre Eux et lui de Daniel Guérin (1904-1988) – il a déjà 58 ans -, un récit poétique et psychanalytique sur le désir homosexuel : « Il faut changer le monde… les temps viendront, frère, où la femme et l’homme ne formeront plus deux espèces opposées, où l’amour des deux sexes sera reconnu comme la forme la plus naturelle de l’amour » ; en 1971 son ami américain David Thorstad qualifiera le livre de « poème sur le phénomène du coming out et sur l‘angoisse homosexuelle dans la société contemporaine » ; Daniel Guérin fait alors un immense travail de recherche dans le domaine de la psychologie sociale américaine contemporaine (Ernest Jones, Karen Horney), de la pensée libertaire des socialistes utopistes français du XIXème siècle (Fourier, Proudhon), de la sexologie (Havelock Ellis, Magnus Hirschfeld, Alfred Kinsey) ou de l’étude biologique des comportements sexuels (Otto Weininger, René Guyon), il acquiert la certitude que la civilisation occidentale a jeté sur le désir polymorphe une chape de plomb en ne s’appuyant que sur une définition biologique de la sexualité, et non culturelle ou anthropologique, érigeant en norme sociale l’hétérosexualité reproductrice, consacrée par le mariage, pour lui cette tendance séculaire à la restriction du désir sexuel est l’œuvre de la religion, et elle est transposée à l’ère capitaliste et industrielle dans les valeurs de la bourgeoisie qui a voulu les généraliser à l’ensemble de la société qu’elle domine et exploite (le sexologue et l’historien retrouvant là le militant marxiste), dès lors Guérin déteste ce qu’il qualifie de « victorianisme », l’idéal type de la morale puritaine : « D’ici un siècle, parions-le, de tels faits laisseront le lecteur incrédule : il lui sera presque impossible d’admettre qu’une société humaine ait pu exister qui a engendré une morale sexuelle aussi invraisemblablement outrancière et absurde » ; Daniel Guérin a aussi la certitude que les catégories contemporaines d’appréhension de la sexualité, bipolarisée, sont réductrices, en regard de la complexité du désir, à la fois singulier et irréductible à toute explication théorique ; Guérin en vient à définir une conception cosmique de la sexualité qui rejoint l’idée platonicienne de la bisexualité originelle, la prose poétique de Eux et lui est une longue évocation d’un désir sexuel perdu amené à être rejoué dans un futur messianique où serait brisé le carcan de la morale puritaine et « monosexuelle » ; Daniel Guérin trace aussi les contours d’un rapprochement entre milieux homosexuels partis politiques de gauche, l’amour de l’homme viril et de l’ouvrier masculin mène à l’amour du prolétariat et à la défense de ses intérêts (le phallisme mène en quelque sorte au socialisme), il formule poétiquement l’intuition qu’il a eu dès les années 1930 selon laquelle l’homosexualité donne à l’individu une énergie révolutionnaire qui doit être mise au service des opprimés et donc être mobilisée comme potentiel révolutionnaire dans le cadre d’une lutte pour la justice et la défense des prolétaires au sein de la lutte des classes ; cette année-là, l’épouse de Daniel Guérin manque de sombrer dans la dépression nerveuse quand elle découvre l’homosexualité de son mari ; Daniel Guérin est alors très connu dans les milieux du militantisme politique (socialistes, trotskistes, libertaires), en 1924 il avait des sympathies pour le Cartel des gauches et rencontré un trotskyste, en 1930 il avait approché le syndicaliste révolutionnaire Pierre Monatte, adhéré au groupe SFIO de Belleville puis  l’avait quitté à cause de son anticommunisme et de son électoralisme, nouant des contacts avec Marceau Pivert, il a ré-adhéré à la SFIO en 1935 pour se joindre  Marceau Pivert et sa Gauche révolutionnaire, ce qui lui a permis de tout faire pour peser sur le gouvernement du Front Populaire de Léon Blum, qu’il a eu alors plusieurs occasions de rencontrer, pendant la guerre il a fait partie des « pacifistes » autant hostiles à la peste (Pétain et le nazisme) qu’au choléra (le PCF et le stalinisme), prenant des risques pour tenter de démobiliser les soldats de la Wehrmacht ; il fera un vrai coming out 3 ans plus tard avec le livre Un jeune homme excentrique ; à noter que depuis 1931 « l’agitateur » Daniel Guérin est surveillé par les renseignements généraux pour son activisme politique (et depuis les années 1950 il est surveillé à La Ciotat – ville de chantiers navals –  aussi, où il a acquit une maison)

1962 : parution en France de Le Club des Cinq et le Trésor de l’île, paru en Grande Bretagne en 1941, de Enid Blyton (1897-1968), dans lequel la fillette de 11 ans, Claudine se fait appeler Claude « elle s’obstine à ne pas répondre quand nous l’appelons Claudine » dit Annie, Claude « n’aime pas les jeux des filles… elle aime les jeux des garçons » : « Vous devez m’appeler Claude. Seulement alors je vous parlerai. Sinon, vous ne tirerez pas un mot de moi. » ; Enid Blyton avouera à le fin de sa vie que Claude est inspirée d’elle-même

1962 : mort à Paris de l’Américaine Sylvia Nancy Beach (1887-1962), établie à Paris en 1916, après avoir servi dans la Croix-Rouge en Serbie, elle est revenue révoltée du peu de place accordée aux femmes, elle est devenue féministe, socialiste et pacifiste et a fondée en 1919 la librairie anglaise Shakespeare and Company (8 rue Dupuytren)  qui est devenue rendez-vous de l’avant-garde littéraire (déménagée au 12 rue de l’Odéon en mai 1921), non loin la librairie de son amante Adrienne Monnier joue le même rôle dans sa Maison des amis du Livre qui accueille les intellectuels américains et anglo-saxons (Man Ray, Ezra Pound, Ernest Hemingway, Gertrude Stein) et français (Valéry Larbaud, André Gide, Paul Valéry, Jacques Lacan) ; en 1922 elle a édité la version originale d’Ulysses de James Joyce, dont Adrienne Monnier a publié la première traduction française en 1929 ; en 1943 elle a été internée en tant que citoyenne américaine, puis libérée sur l’intervention du ministre Jacques Benoist-Méchin (qui habitait dans sa jeunesse au-dessus de la librairie d’Adrienne Monnier) ; Sylvia Beach a raconté ses souvenirs dans son livre Shakespeare  & Co ; Hemingway lui rend un vibrant hommage dans son livre posthume paru en 1964 Paris est une fête

1962 : en Grande-Bretagne, le peintre David Hockney peint Cleaning teeth qui sous prétexte de lavage de dents, montre une double fellation entre deux hommes ; alors que ce n’est qu’en 1967 que l’homosexualité sera décriminalisée dans ce pays, il explique « l’instant où vous parvenez à aborder l’homosexualité dans un tableau est un moment très émouvant »

1962 : en Grande Bretagne, Patrick Proctor, 19 ans, peintre lui aussi, rencontre David Hockney, dont il devient le modèle, modèle d’Hockney, ils sont amants et toujours ensemble, en 1967 ils partiront pour une virée en France et en Italie, leur œuvre sera encore intimement mêlée à leur vie ; merveilleux aquarelliste, Proctor, doté d’un humour ravageur, camp, a eu un formidable succès à 20 ans, en 1963, à la galerie Redferm, mais peu à peu il passera pour frivole, doué mais inconstant, ce qui lui nuira, et malheureusement l’exposition trop ouvertement homosexuelle, qu’il présentera début 1969 dans un bar gay new yorkais – 6 mois avant les émeutes de Stonewall – sera un échec, il perdra de nombreux proches (crise cardiaque, assassinat, suicide, sida) ainsi que sa maison dans un incendie, ce sera pour lui la descente aux enfers, jusqu’à son décès en 2003 d’un caillot de sang dans les poumons

2 juin 1962 : mort de Via Sackville-West (1892-1962), sa relation amoureuse avec Rosamund Grsvernor commencée à l’ecole dure jusqu’en 1913, mariée avec le diplomate bisexuel Harold Nicolson elle vit pendant49 ans une relation affectueuse, ils entretiennent chacun des relations homosexuelles, ils ont deux enfants Benedict Nicolson (1914-1978), historien d’art, et Nigel Nicolson (1917-2004), politicien et écrivain ; en 1918 Vita retrouve une amie d’enfance Violet Kepel,  et commence une relation passionnée qui est le sujet de son roman Challenge (1924) dans lequel Julian est le surnom de Vita, sa mère trouve l’autoprortrait trop évident er exige que le roman ne paraisse pas en Angleterre ; Violet est mariée officiellement avec Denys Trefusis, Harold Nicolson est occupé aux néégociations du traité de Versailles, les deux femmes sont libres pour leurs escapades amoureuses à Berlin ; en 1922 Vita rencontre Virginia Woolf et devient son amie, leurs relations sont intermittentes ; en hommage à Vita, Virginia Woolf écrira Orlando et Vita publiera Lettres à Virginia Woolf (qui paraîtront en 1984) ; en 1927 son poème The Land reçoit le prix Hawthornden et Collected Poems sera aussi ce prix, elle est populaire car elle excelle dans sa description de la vie d’une femme privilégiée ; elle aura encore plusieurs liaisons, avec la journaliste Evelyn Irons et Mary Garman ; son Journal qui décrit sa relation avec Violet ne sera publié qu’après sa mort par son fils Nigel sus le nom de Portrait d’un mariage

Août-octobre 1962 : Daniel Guérin écrit plusieurs fois à André Breton pour lui demander son appréciation sur le livre Eux et Lui qu’il vient de publier, le moment lui paraît opportun car Aragon décrit la pédérastie comme une habitude sexuelle au même titre que les autres, mais André Breton fait une réponse cinglante « Je m’oppose absolument à ce que la discussion se poursuive sur ce sujet. Si elle doit tourner à la réclame pédérastique, je l’abandonne immédiatement »; en 1961-1962 Daniel Guérin a sollicité plusieurs fois l’aide de Michel Leiris, et le 4 février il évoquait son « calvaire » lié à la difficulté de faire paraître ce livre, mais il exprime son espoir de voir publier ses mémoires par Pauvert ou Queneau compte tenu des blocages qu’il y a chez Gallimard

4 août 1962 : mort de l’actrice américaine Marilyn Monroe (Norma Jean Baker 1926-1962), plusieurs biographes américains font état de ses relations amoureuses (avec Jane Russel, Elisabeth Taylor, Joan Crawford, Barbara Stanwick, Betty Grable, Jane Laurent) ; le réalisateur Jean Negulesco témoigne de ses aveux selon lesquels elle n’a jamais eu d’orgasme avec un homme ; en 1950 elle a emménagé chez sa professeur d’art dramatique Natasha Lyress sans qu’on sache si elles ont eu une liaison ; mais tous ces témoignages sont fragiles, en revanche son histoire d’amour avec Marlène Dietrich au début de leurs carrières est racontée par Diana Mc Lellan en 2001, ainsi que leur rivalité devenue irréconciliable

13 août 1962 : mort de l’américaine Mabel Dodge Luhan (Ganson Evans Sterne Luhan   1879-1962), mécène, séduite très jeune par Violet Shillito, elle a épousé en 1900 Karl Evans, mais veuve à 23 ans, elle s’est remariée avec Edwin Dodge, ils sont allés vivre à Florence, où ils ont reçu Anfré Gide, Gertrude Stein et Alice Toklas ; ils ont soutenu le mouvement de gauche de New York Movers and Shakers, subventionné la 1ère exposition post-impressionniste des USA l’Armory Show et accueilli la mouvance homosexuelle et lesbienne ; elle a écrit dans des magazines d’art et de littérature dont le New York Journal ; séparé, elle a épousé le sculpteur Maurice Sterne en 1917 et se sont installés au Mexique, elle y a rencontré Antonio Luhan, où ils ont construit une propriété de 20 pièces à Taos Pueblo où elle a accueilli ses amies lesbiennes, Georgia O’Keeffe, Laura Gilpin, Martha Graham, Elsie Clews Parsons, Willa Cather, ou encore DH Lawrence (qui a écrit Lorenzo à Taos en 1932) ; dans Souvenirs intimes, paru en 1933, Mabel parlait de ses amours lesbiennes ; la villa de Taos deviendra un hôtel-musée de la culture amérindienne

31 octobre 1962 : mort de Louis Massignon (1883-1962), chargé de mission en Mésopotamie en 1907, fasciné par le monde musulman, après de nombreux voyages d’études il devient spécialiste de la civilisation arabe et écrit de nombreux ouvrages, Charles de Foucauld l’invite, ils se rencontrent en 1909 à Tamanrasset, il raconte dans son Journal que de Foucauld partageait son lit avec de jeunes garçons, ils vont correspondre jusqu’à la mort de de Foucauld en 1916 ; lors de ses déprimes Massignon cherche à se suicider, après l’échec de l’une de ses tentatives il retrouve la foi de son enfance ; en 1913 professeur à l’université du Caire, partagé entre sa soumission à la religion catholique et ses désirs homosexuels, il épouse sa cousine Marcelle Dansaert-Testelin, il est bon époux mais une de ses proches amies, Marie Kahil, déclare qu’il ne peut aimer une femme ; officier dans l’armée française d’Orient il entre aux côtés de Lawrence d’Arabie dans Jérusalem libérée de l’occupation ottomane, adjoint au haut-commissaire français en Palestine et en Syrie il participe aux négociations franco-anglaises sur le Moyen-Orient ; dès ses premiers séjours en Egypte il a une liaison avec un jeune arabe, entre 1906 et 1908, et fréquente de son propre aveu « les chambres secrètes qu’on ne peut nommer sans honte »

7 novembre 1962 : aux USA, mort d’Eleanor Roosevelt (1884-1962), nièce du président Théodore Roosevelt, mariée à son cousin Franck Delano Roosevelt président des USA en 1932 ; combattante pour les droits des femmes et des classes défavorisées ; en 1945 le président Harry Truman la nomme déléguée au Nations Unies et en 1946 elle est présidente de la Commission des Droits de l’Homme ;  les relations passionnées qu’elle entretient avec la journaliste Lorena Hitckok sont divulguées par la publication de ses lettres chaleureuses (le biographe Arthur Schlesinger tentera d’affirmer que cette amitiés n’a rien d’une liaison sexuelle)

26 novembre 1962 : au Maroc, la loi introduit l‘article 489 dans le code pénal qui punit les « actes impudiques ou contre-nature avec un individu de son sexe »

15 décembre 1962 : mort du comédien britannique Charles Laughton (1899-1962), grande vedette d’Hollywood avec deux oscars pour La Vie privée d’Henry VIII en 1933 et pour Les Révoltés du Bounty en 1935 ; il s’est illustré dans une cinquantaine de films avec les personnages de Rembrandt, Néron, Quasimodo ou du policier Javert, il a réalisé La Nuit du chasseur, un des chef-d’œuvre du cinéma américain, en 1955

20 décembre 1962 : mort de l’artiste Robert Colquhoun (1914-1962), étudiant des Beaux-Arts qui en 1932 a rencontré Robert Mac Baye (1913-1966) écossais comme lui, un couple qui a travaillé ensemble toute leur vie, séparé  un temps par le 2ème guerre mondiale ; ni l’un ni l’autre des deux Robert n’a pris l’homosexualité comme thème de son œuvre

 

1963 : mort de Francis Poulenc (1899-1963), dans les années 1920 il fréquentait la Maison des amis des livres tenue par Adrienne Monnier, Jean Cocteau, Guillaume Apollinaire, Max Jacob, Paul Éluard, et formé le « groupe des Six », Georges Auric, Louis Durey, Arthur Honegger, Darius Milhaud et Germaine Tailleferre, il n’a cessé de composer des musiques avant la guerre, le Concerto champêtre dédié à son amant Richard Chanlaire en 1928, Les Litanies de la Vierge noire en 1936, peu après sa redécouverte de la foi catholique à Rocamadour en 1935, pendant la guerre, et après, sur des textes d’Aragon et d’Eluard, il créé entre autres l’Histoire de Babar en 1945, le Dialogue des Carmélites, d’après un scénario de Georges Bernanos, en 1957

1963 : mort de Reda Caire (1905-1963) à l’âge de 58 ans, à Clermont-Ferrand, né Joseph Gandhour, au Caire, Marseille l’avait sacré « Prince de la chanson » avec toute l’ambiguïté de sa voix incomparable, marquée par l’androgynie et la jeunesse éternelle ; son denier concert à Marseille était construit autour de chansons de Léo Ferré, Paul Misraki, Bernard Dimey, Charles Dumont, Charles Aznavour, etc., avec Le petit bal perdu, Habanera, la Paloma et des extrait d’opérettes

1963 : la Cour de cassation juge qu’une femme qui avait vécu 5 ans avec son mari alors que celui-ci la trompait délibérément avec un autre homme, ne peut invoquer l’adultère mais seulement des relations injurieuses avec un tiers ; un an plus tard, la Cour jugera que les relations d’une épouse avec une autre femme ne rend pas les relations du mariage intolérables et qu’il s’agit de « relations équivoques et injurieuses »

1963 : Jean le Bitoux qui a découvert, avec fièvre, dans la bibliothèque de son père le n° spécial du Crapouillot sur l’homosexualité, se lance à corps perdu dans la lecture : George Sand, Jean Cocteau, Chateaubriand, Stendhal, Pagnol, Saint-Exupéry, Malraux, Camus, Colette, Sagan, Apollinaire, puis Simone de Beauvoir ; à 20 ans, en 1968, sur le conseil de Simone de Beauvoir qui lui conseille d’accélérer « sa différence », il se sauvera de sa famille bordelaise et partira à Nice

1963 : parution du livre Stigma de Erwin Goffman – il paraîtra en France en 1975 sous le nom de Stigmates –  qui aura un retentissement important chez les homosexuel-les, le stigmate met en évidence des processus sociaux subis par  certains groupes anormaux, il peut être réapproprié, retourné par les groupes stigmatisés et stigmatisables : « il nous reste maintenant à envisager une dernière possibilité, qui annule toutes les autres : l’individu se dévoile volontairement et modifie radicalement sa position, de l’obligation de manier une information délicate passant à la nécessité de contrôler une situation sociale gênante, de personne discréditable devenant personne discréditée. Ensuite, dès lors que cet individu secrètement stigmatisé s’est révélé, il lui est bien entendu loisible de se livrer à l’une quelconque des activités adaptatives que nous avons citées, ressource qui ne manque pas d’expliquer en partie sa démarche. »

1963 : Arcadie reprend un article de The ONE (aux USA) qui rend compte de l’apparition d’une subculture homosexuelle commerciale

1963 : en RFA, le § 175 est partiellement aboli, l’abolition complète se fera en 1969

1963 : en Italie, sortie du film La Rage de Pier Paolo Pasolini, après Accattone en 1961 et Mamma Roma en 1962, avant Médée en 1969 et les Mille et Une Nuits en 1974 ; et encore La Ricotta ou Théorème ; il écrit des livres, Les Ragazzi en 1958, Poésies 1953-1964 et plus tard Ecrits corsaires 1976, Théorème en 1978 ou encore Pétrole qui paraîtra en 2006

1963 : aux USA, à San Francisco ouverture du 1er bar gay à Castro ; 10 ans plus tard, 20 000 gays et lesbiennes vivront dans son voisinage

1963 : aux USA, John Rechy publie Cité de la Nuit qui traite de la prostitution homosexuelle de New York et Los Angeles, un an avant Last Exit to Blooklyn d’Hubert Selby Jr

1963  : au Japon, sortie du film La vengeance d’un acteur de Kon Ichikawa, le comédien Kazuo Hazegawa joue le rôle d’un acteur travesti et d’un bandit de grand chemin, selon une traditionnelle histoire de vengeance ; au cours d’un spectacle de kabuki un acteur onnagata, homme déguisé en femme, reconnait dans le public ceux qui avaient provoqué la ruine et le suicide  de ses parents, il fomente sa vengeance en séduisant la fille de l’un de ses ennemis ; l’acteur brouille les genres sexuels en ne quittant jamais son apparence féminine

30 janvier 1963 : mort de Francis Poulenc (1899-1963), à 64 ans, musicien partagé entre ses penchants de mauvais garçon, aimant les refrains canailles, la jovialité bouffonne et la gaillardise potache, et sa culpabilité de croyant que la religion n’apaise pas ; il avait fait partie du groupe des Six après la 1ère guerre mondiale (de 1916 à 1923), avec Georges Auric, Arthur Honnegger, Darius Milhaud, Louis Durey et Germaine Taillefer, labellisé par Cocteau et chaperonné par Satie ; il a composé sur des vers d’Apollinaire, d’Eluard, puis composé des musiques religieuses, sa dernière œuvre est l’opéra le Dialogue des Carmélites, commandé en 1953 par la Scala de Milan, sur un livret de Georges Bernanos ; quelques mois avant sa propre mort, Jean Cocteau écrit : « Je m’étonne du peu de temps que nous avons pour assumer notre tâche. Arriverai-je à mener à terme la mienne ? » ; Francis Poulenc a collaboré à plusieurs œuvres avec Jean Cocteau qui mourra en octobre à 74 ans, de la chanson hispano-italienne Toréador en 1918 à la mise en scène de Renaud et Armide en 1962, en passant par La Voix Humaine, pièce de théâtre de Jean Cocteau adaptée sous forme de tragédie lyrique par Francis Poulenc en 1958, créée en 1959 par la soprano Denise Duval ; en 1929 il dédicaçait à Richard Chanlaire son amour du moment, le concerto pour clavecin qu’il avait déjà dédicacé à Raymonde Linossier qu’il avait songé à épouser, bien que marié Richard, violoniste amateur, entretient toute sa vie avec Francis Poulenc une relation de complicité et de camaraderie ; Raymond Destouches amant connu dans les années 1930 se mariera aussi ; en 1936-37 il a une liaison avec le peintre et décorateur de théâtre Jacques Dupont qui deviendra l’amant d’Henri Sauguet, au printemps 1950 il est amoureux de Lucien Roubert, en juillet 1956 il est amoureux d’un garçon de 28 ans

20 février 1963 : mort de Mgr Fernand Maillet (1896-1963), fondateur de la manécanterie des Petits Chanteurs à la croix de bois avec laquelle il connait une notoriété internationale, pendant des années le soliste avait le privilège de partager sa chambre pendant les tournées ; en 1959 on découvre que dans la résidence de vacances louée par le prélat pour ses petits chanteurs des personnalités sont invitées à des « ballets bleus », les pédophiles sont condamnés mais le général de Gaulle cédant à la pression de l’archevêque de Paris (Jean-Marie Villot jusqu’à la fin 1959, puis Jacques Le Cordier)  fera cesser les poursuites contre Mgr Maillet qui cessera ses responsabilités et prendra sa retraite

22 juin 1963 : concert rock à la place de la Nation organisée par Salut les copains ! (SLC) d’Europe 1 avec 150 000 participants, Edgar Morin croit y déceler l’apparition d’une nouvelle « classe d’âge »

12 juillet 1963 : à Aix-en-Provence, Charles Trenet (1913-2001), 50 ans, déjeune à la terrasse d’un restaurant où il a ses habitudes ; soudain une altercation éclate avec un jeune homme et quelques heures plus tard, et Charles Trenet est arrêté et jeté en prison; il est accusé d’actes impudiques et contre-nature sur mineurs de moins de 21 ans en vertu de la loi de Vichy de 1942, reconduite en 1945 ; il séjourne alors dans sa propriété Le domaine des Esprits près d’Aix en Provence, il restera 28 jours en préventive, il est enfermé avec deux codétenus, il a choisi le lit du haut 250 prévenus présents à la promenade pratiquent à son égard la dérision et l’insulte (le le traite de « vieux pervers ») ; le 10 août il a droit à la liberté provisoire ; en janvier 1964 le procès se tiendra à huis clos, il sera condamné à un an de prison avec sursis et 10 000 francs d’amende, mais en appel en juin 1964 il obtiendra un non-lieu et sera blanchi par la justice, il sera toutefois condamné à 5 000 francs d’almende ; son ex-cuisinier, chauffeur et secrétaire qui l’accuse de l’avoir contraint à recruter de jeunes personnes, pour des « parties fines », est également incarcéré ; en 2020 dans le Prix de la Joie, Olivier Charneux s’attardera sur cette terrible affaire, on a parlé de « ballets bleus » par analogie avec les « ballets roses » qui avaient conduit le président de lAssemblée nationale André le Troquer à une condamnation en 1959 à l’âge de 73 ans, Charles Trenet avait déjà connu des moments difficiles, lorsqu’il avait dix-huit ans il avait connu 6 jours de prison à Perpignan pour outrage public à la pudeur ainsi qu’un ami de 27 ans, pour s’être exhibés nus derrière des draps pendant le nuit et s’être embrassés, puis il avait été retenu plusieurs jours à la prison d’Ellis Island en arrivant aux USA en 1948 à la suite d’une dénonciation pour ce qui lui était arrivé 17 ans plus tôt à Perpignan, en 1963 il a pour défenseur l’avocat Me Max Juvenal, avocat connu à Aix-en-Provence, homme politique, ancien résistant, sorti de prison il fera quelues tentatives de retourner sur la scène mais il fera ses adieux en 1979, il lui faudra attendre la loi de dépénalisation de 1982 pour être réhabilité ; plus tard un chauffeur de bus de la ligne Marseille-Allauch se targuera auprès de Gérard Goyet, ancien du GLH de Marseille, de l’avoir dénoncé parce qu’il l’avait vu embrasser un jeune homme dans son bus…

12 août 1963 : mort de l’artiste britannique Joan Hardley (Joan Kathleen Harding 1921-1963), très vite reconnue pour ses qualités de peintree dès 1938, elle fait des portraits d’enfants des rues de Glasgow, des paysages d’un village de pêcheurs ; elle est devenue en 1940 amie intime de Margot Sanderson, peintre elle aussi, et remporter le prix Sir James Guthrie pour le portrait ; en 1948-1949 elle a voyagé en France et en Italie à la recherche des artistes de la Renaissance, exposé ses œuvres de voyages et réalisé des scènes des chantiers naval de Glasgow ; vivant avec sa nouvelle amie Annette Stephen elle a peint des paysages marins, dans les années 1950 elle est devenue chef de l’Ecole de Catterline, un groupe d’artistes comprenant Annette Soper, Angus Neil et Lil Neilson, puis a été élue membre de la Royal Scottish Academy

28 août 1963 : USA, discours de Martin Luther King « I have a dream » en faveur de l’abolition de toute ségrégation, devant 250 000 personnes à Washington ; à ses côtés milite un gay peu connu Bayard Rustin (1912-1987), conseil essentiel, adepte d’une stratégie de non-violence, il sera favorable au mouvement des droits civiques et au ralliement au Parti démocrate, après l’adoption des deux lois importantes Civil Rights Act et Voting Rights Act en 1964 et 1965

30 août 1963  : mort de l’espion britannique Guy Burgess (1911-1963), en couple avec Donald Mac Lean (1913-1983), lors de ses études à Cambridge, par amour pour Anthony Blunt, il est entré dans le réseau d’espionnage au profit de l’URSS, rejoint bientôt par Kim Philby et John Cairncross, ils ont formé les Cinq de Cambridge, hauts fonctionnaires et espions ; Mac Lean et lui ont mené une vie extravagantes après guerre, mais Burgess a été arrêté lors d’une orgie avec de jeunes garçons à Tanger et Mac Lean a connu un scandale analogue au Caire, lâchés par le KGB ils se sont enfui en france chez Pierre Herbart en 1951, et regagnent Moscou, privé de jeunes garçons Burgess a sombré dans l’alcool et Mac Lean a réussi à s’intégrer dans la société soviétique

9 septembre 1963 : mort de l’historien Ernst Kantorowicz (1895-1963), de famille prussienne, devenu célèbre avec son livre sur Frédéric II en 1927, il rejoint le cercle des intellectuels animé par Stefan George ; en 1939 il fuit les persécutions nazies, à Oxford, puis aux USA où il enseigne à l’université de Berkeley jusqu’en 1951; il est ami du poète Robert Duncan, connu pour son homosexualité il est inquiété pendant la « chasse aux sorcières » lancée par le sénateur MacCarthy ; il se fait d’une grande discrétion et obtient à la fin de sa vie la nationalité américaine ; professeur à Princeton il écrit son second chef-d’œuvre Les deux corps du roi, une étude de théologie politique mzédiévale

24 septembre 1963 ; mort de la sculptice britannique Una Troubridge (Margot Elena Gertrude Taylor 1887-1963), mariée en 1908 à l’amiral Troubridge dont elle se sépare après la naissance de leur fille, elle traduit les œuvres de Colette et réalise un marbre de Vaslav Nijinski ; sa cousine Mabel Batten lui présente sa compagne John (Margueritte) Radclyffe Hall qui, séduite, vivra 30 ans avec Una, Una en aura mauvaise conscience, elle parle dans son Journal de trahison et culpabilité, en 1917 à la mort de Mabel, les deux femmes evoqueront sa mémoire ; Romaine Brooks fera le portrait d’Una Troubridge, grande, mince, masculine, portant monocle, vêtue d’une veste noire, d’un pantalon sombre, d’une chemise blanche à haut col avec cravate, avec sex 2 teckels noirs, cadeaux de Radclyffe

11 octobre 1963 : mort de Jean Cocteau (1889-1963), (meurt le même jour qu’Edith Piaf), il sera inhumé dans la chapelle de Milly ; à 18 ans il était déjà poète-dandy fêté dans les salons parisiens, et le sociétaire de la Comédie-Française Edouard de Max a récité ses vers au théâtre Fémina qu’il avait loué et l’a introduit auprès de Lucien Daudet, Maurice Rostand, Max Jacob, André Gide, Marcel Proust et Ranaldo Hahn, ; mobilisé pendant la guerre de 1914-1918 Cocteau est dévenu ambulancier et s’est mis aux romans, et aux pièces de théâtre ; en 1917  il a créé au Châtelet le ballet Parade avec les Ballets russes de Diaghilev sur une musique de Satie et des décors de Picasso ; en 1930 il a tourné Le Sang d’un poète, 50mn d’apologie du corps masculin et de voyeurisme homosexuel ; en 1918 Raymond Radiguet, 15 ans, a été son premier amour, celui-ci mourra à 20 ans, en 1923, il en porte le deuil ; sa passion pour l’équilibriste Barbette exprime son goût pour l’androgyne et l’hermphrodisme ; Jean Cocteau a retrouvé le Groupe des SixAuric, Honegger, Durey, Milhaud, Poulenc, Tailleferre – avec le quel il a produit en 1921 l’opéra-farce Les Mariés de le Tour Eiffel au Théâtre des Champs-Elysées, puis n’a cessé de créer dabns tous les domaines (décoration, costumes, peinture, théâtre, sculpture, dessin, céramique) et rencontré bien des amants (Jean Desbordes, résistant qui est mort torturé, Jean Le Roy, Jean Bourgoint, Marcel Khill, Maurice Sachs, ou le boxeur noir All Brown) ; pendant l’occupation il a continué à créer pièces et films, avec Jean Marais comme interprète, à qui il écrivait « Tu es la vie, la force, la joie… Tu m’as enseigné le scecret du bonheur qu’on porte en soi et que rien ne peut ateindre » ; à la Libération il a été inquiété par le Comité d’épuration, mais très vite il a recommencé à créer au théâtre et au cinéma (La Voie Humaine, La Machine Infernale, L’Aigle à deux têtes, La Belle et la Bête, Orphée, etc.) ; depuis son élection à l’Académie française en 1955, il a décoré la chapelle Saint-Pierre de Villefranche-sur-Mer et la salle des mariages de Menton, tourné de Testament d’Orphée aux Baux, réhabilité le Bastion de Menton où il a exposé son œuvre plastique ; il fut tant de choses : réalisateur, adaptateur, dialoguiste, scénariste et acteur, homme de lettres, poète, auteur d’articles de presse, de romans, de livrets de ballets, de journaux intimes ; François Mauriac le dépeint comme un « personnage tragique, condamné à l’adolescence éternelle, interdit de séjour malgré les honneurs et l’Académie, chassé de cet univers rassurant où une femme nous met la main sur le front du même geste qu’avait notre mère, où les enfants jusqu’à la fin se presseront autour de nous » ; en 1957, Mauriac le qualifiait de « funambule merveilleux » doté du « don de prendre à chacun ce qui lui est nécessaire pour composer un miel incomparable… mais qui n’a jamais eu besoin de personne pour s’épandre et pour charmer… Je l’admirais beaucoup, sans l’envier, parce que je sentais confusément qu’il n’y avait rien à gagner pour moi, pauvre phalène de la lande, autour de ces feux dont Apollinaire, Max Jacob, Picasso embrasaient le ciel de Paris… Il me semble que le meilleur Cocteau, surtout depuis sa rencontre avec Radiguet, est celui qui a su conjurer l’ange du bizarre. Mais c’est cet ange qui a fait de lui l’idole d’une certaine jeunesse » ; son fils adoptif, Edouard Dermit, Antoine Dermit dit Doudou, (le Cégeste du Testament d’Orphée) est son légataire universel (à sa mort en 1995 Pierre Bergé héritera du droit moral), il rééditera le Livre Blanc, textes et dessins érotiques, en 1981 ; Michel Cressole écrit dans Libération qu’il a compris la modernité avant qu’elle n’ait le temps de le menacer, il fut le génial passeur de relais entre le XIXème et le XXème siècles « recevant les influences convergentes de Rimbaud et de Chaplin »

1er novembre 1963 : mort de la pianiste et comédienne américaine Elsa Maxwell (1883-1963), elle organise des soirées à thème et des bals costumés à Venise et à Monaco, elle parvient à y attirer des vedettes et des miliardaires ; son entrain, son humour, sa faconde lui attire une clientèle huppée ; en 1948 lors de la fête qu’elle organise à Cannes, Rita Hayworth rencontre Ali Khan et en 1957 au cours d’une soirée vénitienne qu’elle organise Aristote Onassis rencontre Maria Callas ; elle est l’auteur du livre J’ai reçu le monde entier, paru en 1955

5 novembre 1963 : au Mexique, mort du poète espagnol Luis Cernuda (1902-1963), contraint à l’exil pour son anti-franquisme et son homosexualité, auteur de La réalité et le désir en 1969 et de Plaisirs interdits en 1981

 

1964-1982 : en URSS, sous Leonid Brejnev, 1er secrétaire du PCUS, les homosexuels sont encore envoyés au goulag, mais l’internement psychiatrique avec camisole chimique prend le relais

1964 : sortie du film les Amitiés particulières tiré du roman de 1943 de Roger Peyrefitte ; François Mauriac dit son « dégoût, presque son désespoir » devant un film qui « exige que des garçons de 12 ans soient délibérément plongés dans ce bouillon de culture d’où leur âme ne sortira pas vivante… Ces petits garçons que vous montrez sur l’écran et qui servent la messe, et qui communient, à quelle histoire avez-vous pu les mêler ? », Roger Peyrefitte lui répond par une « Lettre ouverte à François Mauriac » dans la revue Arts avec une terrible férocité, il l’accuse d’être « un moralisateur, beaucoup moins pour défendre la morale que pour (se) punir, aux dépens d’autrui, de (son) penchant irrésistible à l’immoralité », il poursuit à propos de Jean Cocteau « ce poète, ce prince, fut le contraire d’un hypocrite, et c’est pour cela que vous le haïssez même si vous ne l’avez pas haï dans votre jeunesse. Où sont-elles, ces lettres d’amour que vous lui aviez écrites ? L’homme à qui vous aviez écrit ces lettres, vous avez eu l’ignominie de le renier, de le vilipender à toute occasion, comme pour abolir et absoudre votre passé – et si ce n’était que la passé ! Vous avez piétiné son cadavre, chaud encore, dans ce journal où vous vous insultez… La méchanceté suinte de tous vos pores comme des stigmates », puis il met en cause la réputation de Mauriac comme résistant ; cette lettre ouverte plonge Mauriac dans une grande dépression, et le président de la Société des gens de lettres ayant félicité Peyrefitte pour son courage, la moitié du conseil d’administration donne sa démission, Peyrefitte est dénoncé dans le Monde par l’intellectuel catholique Pierre-Henri Simon ; Arcadie consacre un n° complet à Roger Peyrefitte en octobre 1964 et se rallie à lui dans ce qu’on peut appeler le outing de Mauriac, mais l’affaire ne contribue pas à faire progresser la cause d’Arcadie

1964 : Violette Leduc (1907-1972), auteure de La Bâtarde frôle le prix Goncourt en 1964, elle écrit : « Si on entreprend une autobiographie, il faut y aller à fond », elle aborde sans aucune hypocrisie l’homosexualité, l’avortement, la bâtardise, sujets tabous des années 1950 ; cette confession publiée à 100 000 exemplaires, après 5 livres, lui vaut une célébrité soudaine à 57 ans ; Simone de Beauvoir écrit une préface : « Une femme descend au plus secret de soi et elle se raconte avec une sincérité intrépide, comme s’il n’y avait personne pour l’écouter »

1964 : Monique Wittig reçoit le Prix Médicis pour L’Opoponax, son premier roman, avec le soutien de Marguerite Duras qui parle de son « langage objectif pur » et de « chef d’œuvre de l’écriture », l’histoire de Catheerine Legrand, de la maternelle au brevet dans une institution religieuse, elle est surveillée par « ma sœur », entourée d’enfants comme elle, entre pêche aux truites et messes, elle tombe amoureuse de Valérie Sorge ; le roman est tellement fort que pendant des décennies tous les écrivains qui parleront d’enfance voiudront l’imiter

1964 : parution du livre L’Evénement d’Anie Ernaux, d’origine modeste, ses parents tiennent un café-alimentation à Yvetot, elle fait ses études à la faculté de Rouen quand elle apprend, à 23 ans, qu’elle est enceinte d’un étudiant qu’elle n’a pas revu, il est inimaginable que ses parents sachent et impensable que son médecin l’aide, elle entre alors dans la clandestinité où la société, qui punit de prison « l’auteur de manœuvres abortives quelconques », condamne les fautives ; dès lors elle utilise une aiguille à tricoter, seule dans sa chambre, en vain, à Paris une « faiseuse d’anges » lui introduit une sonde avec un spéculum, elle connaît alors l’hémorragie, les urgences de l’Hôtel-Dieu, l’horreur…

1964 : parution des Mémoires d’un jeune homme dérangé de Daniel Guérin, il en livre la primeur aux arcadiens

1964 : Fabrice Emaer ouvre son 1er établissement, rue Sainte-Anne, le Pimm’s, l’un des 1ers établissements réservés aux hommes, avec musique américaine et contrôle à l’entrée

1964 : Arcadie lance une enquête sur « Comment devient-on homophile ? », la revue est en accord avec l’avis d’un de ses lecteurs à la question « Acceptez-vous votre homophilie ? » lorsqu’il répond : « Je ne puis dire si je l’accepte totalement dans la mesure où je suis obligé de la cacher » ; la revue accorde une grande importance à l’histoire afin de relativiser la prétention de la science à l’universalité, Michel Duchein écrit que le problème du freudisme, c’est qu’il prend « pour une loi constante  de la nature humaine ce qui n’avait de sens que dans le contexte d’une civilisation » ; de nombreux articles soulignent l’emprise du tabou judéo-chétien, ou encore le « fascisme physique et moral de St Paul » ; Lafond note, après lecture du livre de Michel Foucault, l’Histoire de la folie, « l’interdit religieux de la sodomie fait place à une condamnation éthique qui englobe l’homosexualité dans son ensemble… Un grand refoulement collectif s’opère… Une ligne stricte partage désormais le monde de l’amour en une région bonne ou la sexualité est ordonnée e raisonnable et une autre, mauvaise, où elle est insensée, déraisonnable, immorale »

1964 : les statistiques établies par le ministère de la Justice indiquent 331 condamnés pour outrage public à la pudeur (ou pour détournement de mineur) sur une personne de même sexe, parmi eux 136 appartiennent à la classe ouvrière (55 ouvriers qualifiés, 29 ouvriers spécialisés,, 48 manoeuvres et 1 contremaîtee), il y a diminution des délits homosexuels traduits en justice en rapport avec la position sociale, il y a aussi 5 exploitants agriculteurs pour 9 salariés agricoles, 2 gros commerçants pour 21 petits, et pas un seul industriel…

1964 : rassemblement de femmes à la Mutualité pour protester contre les inégalités salariales, à l’heure où leur rémunération est de près de 40% inférieure à celle des hommes

1964 : Hervé Guibert, 14 ans, est inscrit au lycée Fromentin de La Rochelle, son père vétérinaire a quitté Paris, il est nommé aux abattoirs de cette ville ;  il fait au groupe de théâtre l’apprentissage du texte de Caligula, Philippe Mezescaze d’un an plus âgé racontera sa romance avec lui (dans Deux Garçons, en 2014) ; son père fait tout pour l’empêcher de quitter l’appartement en dehors des heures scolaires, il voit Philippe comme son « rival », il accompagne toujours son fils jusqu’à l’entrée de la salle de répétition, Hervé écrit des lettres et des poèmes à Philippe et va jusqu’à confier à son père de les lui porter ; Philippe et Hervé joueront tous les deux dans Macbeth, ils sont deux frères, Malcolm et Donalbain, fils du duc d’Ecosse ; plus tard le bac en poche, Hervé aura l’intention de s’inscrire à l’Idhec à Paris pour se libérer de l’emprise de son père, mais abandonnera très vite les bancs de la Sorbonne, Philippe et Hervé se retrouveront, Hervé écrit alors des articles pour le magazine 20 ans

1964 : en Grande-Bretagne, création de la CHE (compaign for homosexuel equality) qui revendique, dans une logique réformiste, l’égalité des droits entre homosexuel-les et hétérosexuel-les

1964 : en Italie, sortie du film L’Evangile selon Saint-Mathieu de Pier Paolo Pasolini avec E. Irazoqui, M. Caruso et S. Pasolini, le film dédié au Pape Jean XXIII recevra le prix de l’Office catholique international du cinéma ; la vie de Jésus est tournée avec des paysans et des acteurs non professionnels, le film incarne une version humaine et « révolutionnaire » de Jésus

1964 : en Hollande, le journal du COC néerlandais Vrienschap (Amitié) qui existe depuis 1949 arrive au terme de son existence, le COC a adopté le mot homophile à partir de 1949, puis l’ISCE l’a adopté à son tour

1964 : aux USA, parution de La Femme mystifiée de Betty Friedan

1964 : aux USA, Susan Sontag publie un document Notes on Camp, rassemblant 58 propositions tentant de délimiter la notion de camp après l’avoir définie comme une sensibilité : sur le plan esthétique il en fait toujours trop, il est décoratif, met tout entre guillemets, androgyne, raffiné, adore les stars ultra-féminines (Jane Mansfield, May West) et les acteurs hyper-virils

1964 : aux USA, Lou Reed (1942-2013) s’installe à New York, diplômé de littérature anglaise il se met à composer, il fait la connaissance de John Cale, musicien gallois, avec qui il formera Velvet Underground, du nom d’un ouvrage de Michael Leigh consacré à la vie sexuelle interlope, repéré à Greenwich Village par Andy Warhol le Velvet Underground deviendra le group fétiche de la Factory où se retrouve l’exubérante faune warholienne ; le disque Velvet Underground sortira en 1969, le glam rock triomphera sous le signe de la décadence et de l’androgynie au début des années 1970, avec le soutien de David Bowie, il prendra en 1972 une nouvelle dimension avec Satellite of Love, Vicious, Perfect Day et surtout Walk on the Wild Side, Lou Reed donne un relief inattendu à une histoire de travestis, de drogues et de fellation ; après avoir sombré dans l’alcoolisme, il trouvera un nouveau souffle, retrouvera John Cale après le décès de son ancien mentor Andy Warhol en 1987 et vivra avec Laurie Anderson, avec laquelle il se mariera en 2008

22 janvier 1964 : mort de Marc Blitzstein (1905-1964), compositeur américain , mort à la Martinique dans les bras d’un beau marin

29 janvier 1964 : mort de l’acteur américain Alan Ladd (1913-1964), il épouse l’imprésario Sue Carol qui l’impose au cinéma dans les années 1940, il ne va cesser de tourner, dans Citizen Kane d’Orson Welles en 1941 et dans des westerns comme cow-boy au grand cœur et bel ange blond justicier ; la dissimulation de son homosexualité le rend taciturne et déprimé, il sombre dans l’alcool et se suicide aux barbituriques

8 mars 1964 : mort de Renata Borgatti (1864-1964), pianiste spécialisée dans les œuvres de Debussy, amoureuse de l’hétérosexuelle Lica Riola qui refusait tout contact physique, partie pour Capri en 1918 où elle a eu une liaison – conflictuelle – avec la baronne Mimi Franchetti car elle déjà une soupirante Francesca Lloyd ; en 1919 Renata a eu une liaison avec Romaine Brooks, puis a quitté Capri ; à Paris elle est devenue l’amante de la princesse de Polignac qui subventionnait ses concerts, puis de la pianiste Clara Haskil, elle s’est enfin consacré à l’enseignement et est décédé d’une leucémie

30 mars 1964 : mort de l’écrivaine américaine Nella Larsen, née Nellie Walker (1891-1964), infirmière à Chicago puis bibliothécaire, elle fait partie du groupe Harlem Renaissance qui évoque les questions des mariages interraciaux et d’identité sexuelle des années 1920, mais ses 2 romans Quicksand (1928) et Passing (1929) ne trouveront d’écho que dans les années 1990, Passing rencontreera un échos par son contenu homosexuel et queer ; après avoir obtenu son diplôme d’infirmière elle exerce dans l’équipe de direction de l’hôpital de Tuskegee en Alabama, puis à l’hôpital Lincoln de New York en 1916 ; ellre épouse en 1930 le physicien Elmer Imes puis divorce en 1933 pour assumer ses amours lesbiennes ; avec le goût du travestissement elle écrit sous le pseudonyme de Sanctuary, puis retourne travailler à l’hôpital

6 mai 1964 : dans la revue Arts, Lettres Spectacles Musique, hebdomadaire de l’intelligence française, Roger Peyrefitte s’insurge contre Mauriac qui, dans le Figaro, s’est indigné de l’adaptation cinématographique des Amitiés particulières : « Plus vous vieillissez et plus vous êtes méchant, plus vous parlez au nom de la morale et de la religion… La pire espèce ds méchants est celle des vieux hypocrites » et lui rappelle ses liens avec Jean Cocteau : « Où sont-elles, ces lettres d’amour que vous lui aviez écrites ? »

18 juin 1964 : mort l’éditrice américaine Jane Heap (1887-1964), elle a rencontré Florence Reynolds en 1908 et voyagé avec elle en Allemagne en 1910 ; elle a fondé un théâtre d’avant-garde à Chicago en 1912, et vit de nombreuses années avec Margaret Anderson avec laquelle elle crée à New York Little Review (qui existe de 1915 à 1927), l’un des meilleurs journaux littéraires et artistiques qui aura un rôle dans l’évolution de la littérature, publiant Ezra Pound et T.S. Eliot

15 octobre 1964 : mort du compositeur et parolier américain Cole Porter (1891-1964), marqué par la vague artistique de Broadway, il a animé la vie parisienne des années 1920, il ne pouvait pas s’exprimer librement aux USA, il a épousé Linda Lee Thomas en 1919, en France il a pu enfin, dans un triangle amoureux, vivre son homosexualité avec Boris Kochno, il exprime sa vie sentimentale dans ses chansons ; il est célèbre en 1936 dans la comédie musicale Born to dance dont il est le compositeur et l’auteur des couplets, il a un grand succès dans Love for sale, I am just a gigolo, My Haert belongs to Daddy, quelques unes de ses chansons sont à double sens, appréciées par le public homosexuel mais rapidement interdites par la censure ; parmi ses amants Noël Coward

Novembre 1964 : banquet du 10ème anniversaire de la revue Arcadie dont Roger Peyrefitte est l’invité d’honneur après que son livre Les amitiés particulières ait été porté à l’écran par Jean Delannoy, le film est été interdit aux moins de 18 ans, Christine Gouze-Renal, produtrice du film, belle-sœur de François Mitterrand (ancien ministre de la IVème République, député et conseiller général de la Nièvre, il vient de publier Le Coup d’Etat permanent et sera l’année suivante candidat à la présidence de la République) est dans la salle

8 décembre 1964 : mort du professeur allemand Gustav Wyneken (1875-1964), fondateur en 1906 d’une communauté d’adolescents qui n’exalte pas le nationalisme comme les Wandervogel, et prend modèle sur l’antiquité grecque, le caractère homosexuel de la relation pédagogique entre les plus âgés et les plus jeunes est vivement dénoncé en 1920, et Wyneken est condamné à un an de prison et sa communauté dissoute