Françoise d’Eaubonne

 

Françoise d’EAUBONNE

1920-2005

 

Cofondatrice du FHAR, écrivaine et défenseuse de l’écoféminisme en France, Françoise d’Eaubonne raconte les origines du FHAR.

 

Ce texte que nous empruntons à la Revue H et au Trou Noir qui l’a réédité, est passionnant, à la fois par la qualité de l’écriture et par tout ce qu’il apporte sur l’histoire du FHAR.

Assemblée générale du Front homosexuel d’action révolutionnaire (FHAR)

à l’école des Beaux-Arts. Paris (VIème arr.), 1971.

Photographie de Léon Claude Vénézia

 

« Que la fondatrice du FHAR qui signe ce témoignage n’ait pas été homosexuelle, hormis quelques activités de curiosité ou de militance, je reste sensible à l’interrogation que cela pose. La réponse est simple ; ce qui ne veut pas dire primaire.
De tous temps attirée par l’homosexualité masculine comme forme suprême de l’échappement aux contraintes existentielles et sociales, et illustrée par des poètes à qui je dois une seconde naissance, je ne possédais pas la même sorte d’attirance pour le lesbianisme qui, moins traqué, m’attirait moins. Ce qui n’empêche point qu’à l’âge de l’adolescence, je fus violemment amoureuse de deux femmes, et que l’une d’entre elle compta beaucoup, jusqu’à aujourd’hui. Rien qu’en souvenir d’elles, j’aurai soutenu la militance saphique. Si j’ai souvent dis à mes amants gais : « Je ne suis pas lesbienne, je suis pédé », il ne m’est pas possible d’oublier le choc extrême que me causa, dans les années 1950, la lecture de ce numéro des Temps Modernes relatant comme un sous-groupe africain avait résolu le problème des femmes seules et âgées en les accouplant à une jeune femme qui, les prenant en charge, devenaient officiellement leurs maris. Voir pour la première fois reconnaître par la société non pas le contre-nature mais le hors-nature, me provoqua une émotion dont le souvenir ne s’est pas effacé.

Mon vif attrait pour les pédés, ces méprisés, raillés, honnis comme traîtres à une masculinité qui fut mon cauchemar de toujours, m’avait incité à répondre à l’invitation d’André Baudry qui me fit entrer à Arcadie – déroulant pratiquement un tapis rouge dont je n’avais que faire –, en tant qu’« écrivain hétérosexuel ». Ma militance féministe, bien qu’en sommeil à cette époque – début des années 1960 – s’accordait parfaitement à la prestation des conférences et articles dans la revue de Baudry. Je nouais rapidement de bonnes et solides amitiés, sans compter quelques aventures passagères, au « Club des Amitiés Latines » [1]. C’est là que je connus Pierre Hahn et le célèbre fleuriste-décorateur de l’évêché, André Piana de Santenij, mon « cousin adoptif », tous deux futurs piliers du FHAR. J’y dansais frénétiquement le samedi et le dimanche, quasiment la seule femme, les quelques lesbiennes qui y paraissaient ne revenant guère qu’au banquet annuel, Salle Lancry. Prudent réformiste, Baudry, qui savourait sa position « papale » en montant en chaire chaque samedi, insistait beaucoup sur la nécessité de « ne pas faire de politique ». Il s’appuyait sur la neutralité bienveillante de la police, rassurée par son idéologie conformiste et la surveillance acceptée des « forces de l’ordre ».

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